De saison en saison, Engrenages n'a fait que se bonifier.
La première d'entre elles témoignait d'un jeu d'acteur assez bancal et d'une intrigue assez classique, signe d'interprètes qui n'y croyaient pas vraiment et d'une production ne voulant pas trop prendre de risque pour ce qui ne serait probablement qu'un énième ratage. Pourtant, les personnages de Roban et Carlsson mettaient déjà la puce à l'oreille: des rôles dont la qualité se remarquait déjà, aussi bien dans leur écriture que dans leur interprétation. Dommage toutefois pour le pauvre Fitoussy, qui livrait alors une prestation particulièrement mauvaise. Mais il se rattrape par la suite, probablement après avoir appris que le tout avait convaincu assez d'abonnés pour remettre ça et qu'il avait mis les pieds dans quelque chose de sérieux.
Sans entrer dans le détail des cinq saisons que j'ai pu visionner jusqu'ici, on pourra noter qu'il y a un net clivage entre le volet policier, et le volet judiciaire.
Le premier reste assez classique et n'est jamais réellement parvenu à s'extirper de son classicisme, de son côté feuilleton policier bien foutu mais sans plus. Les enquêtes sont certes bien rythmées, mais les personnages restent assez convenus en dépit de leur personnalités assez étriquées. Mais en 2005 comme en 2015, difficile de faire une série policière originale. Berthaud est parfois barbante, mais c'est bien la seule à parfois créer l'empathie, et Gilou reste intéressant mais malheureusement trop cantonné à son rôle de bourru un peu boulet. Quand au troisième, dont j'ai complètement oublié le nom, je trouve que... non attendez, je ne suis même plus sûr qu'il y en ait un troisième. Il y en a bien un qui est mort (Dieu merci parce que franchement...), mais... bref.
Côté judiciaire, il en est tout autre. Les arcanes du Palais de justice sont passionnantes et les personnes sont infiniment plus consistants de par leur côté implacable et parfois obscur. La superbe Audrey Fleurot assassine à chaque entrée en scène, et ses pérégrinations d'avocate pourrie jusqu'aux os stupéfient autant qu'elles estomaquent. Pierre Clément, quant à lui, et cette fois-ci convenablement interprété, est le seul à croire en la justesse de sa mission, ce qu'il paiera d'ailleurs très cher. Citons également le procureur Machard, une sorte de Voldemort version vieux hiboux décharné sentant le pipi, qui, à la moindre occasion, sort de nulle part ( et parfois d'un chiotte quand il n'a que ça) pour se répandre en imprécations corruptrices et, parfois, en élucubrations maçonniques.
Mais surtout, LE personnage de la série, l'étincelle qui transforme ce gruau insipide en quelque chose de très digeste, c'est François Roban. Un rôle très bien écrit de juge d'instruction implacable mais pas infaillible, aussi bien aveugle que clairvoyant, dont la silhouette blafarde s'est installée dans un costume trop grand pour elle. Un rôle qui va parfaitement à Philippe Duclos qui s'avère être un acteur dont on est complètement passé à côté jusqu'ici. L'aisance avec laquelle il construit un magistrat un peu acariâtre, assénant ses sentences avec un flegme remarquable, et s'abandonnant parfois en de fantastiques pétages de plombs, m'impressionne à chaque épisode. Ce seul rôle vaut clairement le détour. A tel point que la saison la plus intéressante jusqu'ici est justement à mes yeux la saison 3, car dédiée au personnage de François Roban.
Autre intérêt de la série, ne le cachons pas: voir sa ville/son quartier/sa maison dans une bonne série policière, c'est la classe.