Croisement improbable entre une télé-novela dédiée à Roméo et Juliette, un film sur l’inspecteur Harry réincarné et les pamphlets sociaux de Ken Loach, la série Entrevias, vue sur Netflix, se laisse suivre sans déplaisir.
Comme souvent dans les séries espagnoles le sel de l’histoire doit beaucoup au caractère des personnages (je pense bien sûr à La Casa de papel et à ses protagonistes allumés) et au regard désabusé que le scénario porte, mine de rien, sur la société (voir Antidisturbios).
J’aime beaucoup le personnage du grand-père, incarné par José Coronado. Ancien militaire pétri de principes, ronchon, agacé par ses petit-enfants qui tentent de jouer au foot dans sa boutique (alors qu’en Espagne les enfants sont largement sacralisés), intraitable face aux errances de l’adolescente parachutée dans sa vie, n’hésitant pas à se dresser face aux caïds du quartier il reste accroché à une époque révolue où les règles existaient.
J’éprouve le même attachement pour le personnage d’Ezequiel interprété par Luis Zahera. Est-il un flic corrompu ? Un manipulateur cherchant à préserver un semblant d’ordre dans un quartier en déshérence ? Un looser de charme aux griffes émoussées ? A moins qu’il ne s’agisse tout simplement d’un passeur, le seul capable de naviguer sans préjugés entre le monde de la pègre, celui des immigrés latino-américains et la frange conservatrice et un poil raciste des espagnols de souche.
Tous les personnages n’ont pas la même aura. Les complices de Tirso Abantos, le grand-père, s’en sortent honorablement, l’un comme patron de bar et l’autre comme ancien soldat traumatisé. Par contre le couple de tourtereaux, des Roméo et Juliette modernes qui ne rêvent que d’évasion, surjoue la passion. Les acteurs répètent à l’envie les mêmes gestes et roucoulades qui sont censées apporter au spctateur la preuve de leur amour. C’est, à mon avis, au pire raté et au mieux ennuyeux.
La réalisation, classique, n’apporte aucune fulgurance. Elle parvient toutefois à restituer – surtout en V.O - l’ambiance inimitable des quartiers populaires espagnols. En sous-texte le scénario pointe la paupérisation d’une partie des habitants (recours à la distribution alimentaire), l’affrontement des classes, des générations et des origines. On retrouve aussi, au fil des épisodes ces échanges verbaux typiques de la péninsule ibérique, des affrontements plutôt vifs dont on ne sait jamais s’ils vont finir en empoignade ou se conclure autour d’une bière partagée.
Dans la mesure où l’on entre assez vite dans le vif du sujet vous n’aurez pas à subir ces interminables épisodes de mise en place qui introduisent certaines séries. Vous pouvez donc vous laisser tenter et poursuivre ou pas le visionnage. Pour ma part j’ai apprécié la première saison et vous la conseille malgré ses quelques longueurs.