puppet master
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le 30 mai 2024
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Lorsque se clôt le 6ème et dernier épisode de la mini série Eric, qui avait plutôt bien débuté avec un premier épisode intrigant, le téléspectateur dépité, irrité, voire déprimé, en est réduit à se demander ce qui a pu partir aussi franchement « en vrille » pour en arriver là. A un happy end répugnant de niaiserie, succédant à une résolution totalement invraisemblable de la partie policière de l’histoire. Et puis on repense aux couleuvres qu’on a du avaler à chaque épisode pour abandonner notre « suspension consentie de l’incrédulité ». Et on se souvient, que dès le deuxième épisode, les accrocs à la logique la plus élémentaire de l’action se sont multipliés. Mais quand même, comment est-ce qu’Abi Morgan (showrunner et scénariste) d’une série où un acteur du calibre d’un Benedict Cumberbatch a le premier rôle a pu ainsi loupé son coup ?
« Eric », ce n’est pas le nom du personnage odieux interprété avec finesse par Cumberbatch : Vincent, c’est comme ça qu’il s’appelle, est un créateur génial mais toxique de spectacles de marionnettes pour enfants, qui remportent un succès conséquent à la télévision US. C’est aussi un mauvais mari, un père désolant, et un homme prompt à sombrer dans tous les abus. « Eric », ce n’est pas son fils de onze ans qui disparaît un beau matin alors qu’il est parti à l’école tout seul après une violente dispute entre ses parents. Comme on est dans le New-York sordide des années 80, avant que la ville soit « nettoyée » par les politiques musclées de la mairie, l’inquiétude des parents devient vite une torture, alors que la police piétine. « Eric », ce n’est pas non plus le détective noir et gay qui mène l’enquête, et qui est plus préoccupé par le drame de sa vie amoureuse, et par la nécessité insupportable de cacher son homosexualité au sein d’une NYPD raciste, machiste et corrompue. « Eric », c’est l’ami imaginaire (un monstre bleu recopié sur le Sullivan du Monstres & Cie de Pixar) de Vincent, qui l’accompagne dans sa recherche chaotique de son fils dans les bas fonds de la Big Apple. Mais surtout, « Eric », c'est l’un des gros problèmes de la série : une fausse bonne idée de scénariste qui s’est cru malin, un personnage qui ne sert strictement à rien au delà de ce rôle de connexion entre le père et son fils disparu, et de solution finale magique dans ce fameux happy end consternant.
Il y a donc cette accumulation hilarante de coïncidences, de révélations parachutées sans rime ni raison pour faire avancer une enquête que personne ne mène sérieusement, de contradictions répétées entre les faits d’un épisode à l’autre qui témoigne du laxisme total dans l’écriture du scénario : il est même impensable que personne n’ait pointé du doigt une telle série d’aberrations narratives avant ou au moment du tournage de la mini-série. Il y a le manque d’empathie totale que l’on ressent vis à vis des personnages – à l’exception peut-être de l’inspecteur Ledroit, porteur d’une souffrance qui émeut occasionnellement : on se moque rapidement de ce qui peut arriver / être arrivé au petit garçon disparu, ce qui est évidemment un énorme problème pour une histoire d’enquête, de lutte contre le temps qui passe, sensée être haletante.
Admettons toutefois que tout n’est pas à jeter dans Eric : la peinture des comportements des années 80, en particulier du rejet violent que subissent les homos, est forte, et nous rappelle utilement en ces jours de menace de régression, combien nous avons progressé en une trentaine d’années. Et puis, avouons-le, la création à l’image d’un New York effrayant et pourtant superbe (il y a de nombreux très beaux plans de la ville dans Eric) dégage son content de fascination.
Mais ce n’est pas suffisant. Il est d’ailleurs possible que ce soit en essayant de couvrir trop de sujets – de l’hypocrisie et la démagogie des politiques utilisant la peur des New-Yorkais moyens vis à vis des SDFs, à la difficulté d’élever un enfant dans un milieu artistique exigeant des sacrifices immenses pour pouvoir réussir, en passant par les tensions sociales entre communautés et classes dans une mégapole en état de crise –, qu'Abi Morgan ait poussé trop loin trop de curseurs vers la simplification et en soit arrivé à un tel simplisme, frôlant souvent la caricature : les noirs, les pauvres et les gays sont gentils, les blancs, les riches et les « cis » sont méchants, soit une sorte de « wokisme pour les nuls ».
Ce qui ajoute forcément à notre irritation.
[Critique écrite en 2024]
https://www.benzinemag.net/2024/06/29/netflix-eric-monstre-cie/
Créée
le 30 juin 2024
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