Eux
7
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Série Prime Video (2021)

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Il y-a bien longtemps que je n'avais pas dévoré une série comme ça en quelques jours en enquillant les épisodes par paquet de trois ou quatre tout à la fois happé et fasciné par un univers et une intrigue. Them série crée par Little Marvin et produite par Lena Whaite (Dear White People - Queen and Slim) fera immanquablement penser au travail de Jordan Peele pour ce mélange de cinéma fantastique et horrifique avec des thématiques sociales fortes centrés autour de personnages afro-américains. Si la filiation est évidente le résultat surpasse pour moi de loin le travail pourtant déjà très intéressant de Jordan Peele car Them est une petite merveille d'angoisse sourde, de puissance évocatrice, de rage viscérale et d'émotion brut.


Them raconte l'histoire d'une famille afro américaine qui comme beaucoup d'autres dans les années 50 vont fuir le sud des USA pour venir s'installer loin des lois Jim Crow (lois imposant la ségrégation raciale). La famille Emory arrive dans un quartier résidentielle de Los Angeles dont la population est entièrement blanche et franchement hostile à l'arrivée de gens de couleurs. Exacerbé par le racisme latent et ambiant les différents membres de la famille vont se retrouver face à des phénomènes surnaturelles qui vont les confronter à leurs propres démons et fantômes.


Them est une série prenante, suffocante et intelligente qui va traiter du racisme le plus ordinaire et le plus abject avec une formidable puissance métaphorique. Une des grande force de la série n'est pas seulement de montrer le racisme de blancs stupides et incultes mais d'explorer des rouages plus complexes qui enferment dans un engrenage de tensions, de provocations, d'humiliations des personnes qui finissent par enfanter des démons et des pulsions propres à mener à l'horreur absolu des comportements. Il y-a deux types d'horreur auxquels les sectateurs de Them vont être confrontés , d'un côté celle d'un racisme réaliste extrêmement éprouvant dans sa bêtise et sa dureté et qui va conduire à des instants de violence très durs et révoltants; et de l'autre une horreur plus fantastique et surnaturelle mais pas moins difficile à regarder qui va montrer les ravages psychologiques de ce racisme chez les différents membres de cette famille. Le père , un homme posé qui travaille comme ingénieur, sera très vite hanté par une représentation grotesque d'un black face qui ne cessera de lui renvoyer au visage les aspects les plus caricaturaux de la représentation du noir dans l'imaginaire populaire. Une sorte de clown effrayant comme la conscience d'une servitude et d'une moquerie permanente qui va attiser le feu de la révolte et e la violence chez ce bon père de famille pourtant enclin à ne pas faire de vagues. La mère est elle complétement hantée jusqu'aux lisières de la folie par un drame intime et personnel vécue par le passé et qui a conduit à la perte de son fils, le personnage toujours sur le fil est à la fois combatif et perdu et tout cette entourage nocif de racisme va s'amuser à lui faire perdre l'équilibre. Cette mère de famille courageuse et protectrice est aussi hantée par des préceptes religieux et moraux qui l'interroge sur sa place dans le monde. La fille ainée, une adolescente de quatorze ans et seule lycéenne noire de son établissement dans lequel elle subit cris de singes et rejet, va s'inventer une amie imaginaire figure de la belle jeune fille populaire blonde et blanche aux yeux bleus qui ne sera que la projection mentale et névrosée d'un désir d'être blanche pour être acceptée. Quant à la benjamine de la famille, elle absorbe telle une éponge les névroses de tous et tente de grandir avec une figure titulaire fantomatique de maîtresse ultra-rigide. Tout cet aspect fantastique et horrifique qui à l'écran donne naissance à de nombreuses très bonnes scènes d'angoisse et de trouille tissent doucement la toile de toute la difficulté et la complexité que représente le fait d'être noir aux USA . Certains trouveront peut être le trait grossier et caricaturale tant il est vrai que cette famille se retrouve plonger dans un cauchemar ou tout les blancs (ou presque) sont systématiquement des racistes bas du front, mais le film doit se voir comme une fable fantastique, une parabole horrifique et une fiction aussi engagée qu'enragée sur l'intégration et toute sa complexité. Par le prisme des fantômes et démons intérieurs que vont affronter cette famille c'est l'héritage de tout un passé difficile à digérer que la série permet de mettre en lumière, celui de l'esclavage, des brimades, de la représentation caricaturale de l'homme noir, de la violence institutionalisée, des actes criminels abjects, de l'humiliation ... Comment vivre avec toute cette histoire passée, comment s'intégrer en restant soit même facer à celles et ceux qui ne veulent pas de vous, comment ne pas se revendiquer autrement que comme noir quant tout autour ne nous renvoie qu'à notre couleur de peau, comment ne pas succomber à la haine, la vengeance et la folie, comment vivre sans se renier ??? Ce sont quelques une des questions qui hantent Them avec une grande force et une vraie puissance dramatique. Et comme si toute cette thématique ne suffisait pas encore la série explore aussi en sous texte l'exploitation immobilière et par extension l'utilisation de la communauté noire dans les prémices d'un capitalisme qui à défaut de racisme est parfaitement cynique et déshumanisé.


Them est une formidable série non seulement dans le fond et la pertinence de son propos mais aussi dans sa forme très soignée et son univers graphique. Parmi les réalisateurs aux commandes des dix épisodes on retrouve notamment Ti West qui signe le formidable ultime épisode (The Innkeepers - The house of the Devil) ou Daniel Stamm (Le Dernier Exorcisme). La photographie de la série est très réussie à l'image de cette banlieue de Los Angeles colorée et douce comme un bonbon à la fois acidulée et empoisonnée ou cette épisode entièrement en noir et blanc aux images magnifiques. Il faut aussi saluer l'excellente bande originale qui accompagne la série entre profusion de tubes et musiques angoissantes signées Mark Korven (The Witch - The Lighthouse). Mais surtout Them est une série très prenante qui semble vous mettre la tête dans un étau et en accentuer doucement la pression d'épisodes et épisodes faisant monter crescendo une tension dramatique dans l'horreur assez éprouvante. Même si le neuvième épisode un peu en dehors de la structure narrative fait un peu retomber la tension et que l'ensemble aurait peut être pu être plus compacté encore sur huit épisodes il n'empêche que Them reste las série les plus forte et la plus addictive que j'ai vu récemment. L'aspect fantastique et horrifique pourra lui aussi sembler parfois redondant et mécanique au fil des épisodes mais il offre de vrais moment d'angoisse et de tension comme la formidable séquence de l'audition pour rejoindre les pom-pom girls qui tourne au cauchemar graphique. Et si la série verse volontiers dans l'horreur et le fantastique elle ne sera jamais aussi éprouvante et abject que lorsqu'elle s'aventure à décrire les actes racistes les plus ordinaires et les plus révoltants. La série est portée par un formidable casting avec tout d'abord les deux parents, Deborah Ayorinde formidable dans le rôle de Lucky et Ashley Thomas dans le rôle intense et difficile de Henry. Même si leurs personnages sont un peu plus en retrait il sera difficile d'oublier Shahadi Wright Joseph (Us) dans le rôle de Ruby cette adolescente en quête d'identité et la jeune Melody Hurd dans le rôle de Gracie. Et comme il fallait un méchant à cette histoire, même si c'est le spectre du racisme le vrai monstre du récit, c'est la douce et souriante Alison Pill qui s'y colle incarnant ici une "gentille" femme au foyer névrosée et manipulatrice soufflant le chaud et le froid sur sa petite communauté en attisant la flamme de la haine. La comédienne est vraiment formidable à tel point qu'on a envie de l'étrangler et lui mettre des claques à chaque fois qu'elle apparait à l'écran , preuve qu'elle incarne à la perfection un personnage absolument détestable. Je reste un peu plus réservée sur le sort du personnage et l'axe narratif vers lequel la série va l'emmener mais rien de vraiment dommageable pour l'intégrité de la série dans sa globalité. Et puisque c'est un comédien que j'aime beaucoup je me dois de citer la présence de Pat Healey (The Innkeepers- Cheap Thrills - Compliance) lui aussi parfait en bon petit père de famille, mari autoritaire et bon gros con raciste et violent.


Them est un vrai gros coup de cœur, la série m'a totalement embarqué dans son univers pour ne plus me lâcher jusqu'à son dénouement, j'ai frissonné d'horreur parfois, j'ai été touché et ému souvent , j'ai été révolté tout le temps. Them beaucoup, Them énormément, Them tout simplement.

freddyK
8
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Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur et l'a ajouté à ses listes Panorama des séries vues en 2021 et Panorama des séries vues en 2024

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le 16 avr. 2021

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Freddy K

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