Eux
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Série Prime Video (2021)

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Sans que cela soit réducteur, on pense en visionnant Them à Jordan Peele avec Get Out ou US et ces propositions actuelles qui optent souvent pour l'horrifique pour appuyer le racisme et la réalité sociale, mais c'est bien le récent His House de Rémi Weekes, qui vient immédiatement à l'esprit où les puissances surnaturelles venaient rappeler à son couple en quête de liberté, leur légitimité ou culpabilité. On retrouve avec Them la condition des afro-américains et ce qu'elle convoque à chacun des membres de la famille Emory par de violentes manifestations mentales. Plus concrètement, le racisme ordinaire dans l'indifférence générale.
L'acceptation, la lutte ou la folie seront le fil conducteur de cette première saison anthologique, créée par Little Marvin et produite par Lena Waithe.

Them prend pour thème la grande migration des années 50, où la population noire fuyant les lois Jim Crow du sud, tenteront de saisir l'opportunité d'un emploi dans l'industrie qu'offre la Californie. En filigrane la dictature du travail pour cette nouvelle main d'œuvre, et le boom du capitalisme avec les arnaques à l'immobilier pour parfaire le portrait sociétal. Les plus téméraires choisiront les lotissements qui fleurissent dans les quartiers blancs et les plus réfléchis opteront pour la ville et sa concentration mixte. La nouvelle mais bien fausse liberté acquise poussera la famille à s'installer dans un lotissement lumineux aux jardins bien tondus et aux enfants miroirs de leurs parents, où les propriétaires au rejet viscéral, passeront de remarques déplacées, aux blagues de mauvais goût, jusqu'à la violence frontale.

Face aux réminiscences et souvenirs sanglants qui ponctuent allègrement le récit, on se perds nous-mêmes dans les traverses mentales de cette famille, pour pointer plus globalement les ravages de la société bien pensante à laquelle tous sont soumis. Des hommes à l'autorité mise à mal, d'autres obsédés par le désir, des épouses parfaites et soumises, quant les femmes noires martyrisées sont internées pour leur plus grand bien. Si tous les acteurs sont à leur place, que l'on retrouve avec plaisir Ryan Kwanten, excellent pour un rôle à contre emploi et qui sait depuis True blood faire quelques bons choix (Red hill ou Mystery Road), Liam McIntyre (bien loin lui aussi de Spartacus), on remarque surtout la toute jeune Melody Hurd particulièrement à l'aise et la performance d'Allison Pill, pour les ravages du patriarcat, à la violence contenue et au sourire de façade figé, parfaitement inquiétante par sa folie, qui ne trouvera le repos qu'en déchargeant sa haine sur ses nouveaux voisins.

Jouant des temporalités entre présent et passé, Them démarre rapidement par un ton glaçant donnant à voir un environnement faussement tranquille pour cette famille vivant isolée à la campagne avant un drame particulièrement insoutenable. Les créateurs usent d'effets et d'excès à la limite du voyeurisme pour cet acte raciste, mais si attendu qu'il en est dérangeant, jouant d'un faux suspense dont on se serait bien passé.
Et l'overdose n'est pas loin avec cette multitude de personnages tous plus atteints les uns que les autres. De la petite fille et son démon en guise de maîtresse rigide, de l'adolescente au rêve de blancheur et son amie imaginaire, au père marqué par la guerre et son fantôme trouble-fête en parfaite caricature de l'homme noir, cueilleur de coton, poussant à la révolte, ou de la mère, croyante et en plein marasme, aux visions traumatiques, ne sachant discerner le vrai du faux.

Avec des variations trop abruptes pour quelques personnages pour en saisir la légitimité, de situations laissées en plan, une concentration malsaine des comportements virant à la caricature, et un final qui tombe à l'eau, il est un peu difficile d'adhérer totalement à l'exercice.
Them sait pourtant bien jouer de sa caméra et de ses prises de vues déformées, mettant en valeur ses décors et ses couleurs, pour parfaire son ambiance sournoise et suffocante et assure une tension permanente.

Et si le 9ème épisode appuie encore un peu plus sur les exactions, nous rappelant à l'histoire passée, il suffit de nous rapprocher de l'actualité pour en saisir encore toute la légitimité.

Saison 2

A la manière de John Ridley - mais sans l'égaler - et de son excellente série American Crime où les mêmes acteurs reprennent différents rôles, cette seconde saison de Them offre de nouveau à Deborah Ayorinde le rôle principal d'une femme soumise à un passé traumatique, pour reprendre bien maladroitement le thème du racisme par la représentation horrifique. Après le portrait délétère des années 50, les années 90 marquent ici la toujours difficile émancipation des afro-américains. Si les thèmes et les personnages sont moins fournis qu'en saison 1, l'intrigue n'en est pas plus percutante, s'étiolant au fil des épisodes, sans grand esthétisme ni grande tension et loupe le coche des représentations maléfiques mentales avec encore plus de facilité pour des situations incompréhensibles. Jouant des codes horrifiques comme par magie, le final tentera de raccrocher les wagons avec la première saison et ses personnages (fille et grand-père avec leurs traumas respectifs, tombant comme des cheveux sur la soupe). Malgré une Deborah Ayorinde inspirée, on aurait eu plaisir à voir Pam Grier avec un rôle plus approfondi et un jeu moins statique, tout comme Wayne Knight posé là. On a aussi bien du mal à ressentir l'empathie nécessaire à la condition de Luke James en frère démoniaque et Jérémy Bobb en suprémaciste blanc, fort de ses croyances, appuie fortement la dénonciation sans grande subtilité. Une seconde valve qui nous laisse malheureusement sur un twist peu engageant pour la troisième saison.

limma
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le 5 juin 2021

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