Expats est pour moi une excellente série et je pense la classer parmi les séries les plus importantes des années 2020. C'est une série remarquable de justesse, mais le plus important à mes yeux, et ce qui permet à la série de sortir du modèle de la simple histoire tragique, c'est la créatrice, Lulu Wang. Comme il est rafraîchissant de trouver une production qui explore avec profondeur et sans jugements, sans parti pris, sans morale imposée, ce que peut être l'expérience de femmes, à différents moments de leurs vies! Le pitch mystérieux nous propose de suivre, à la suite d'une évènement bouleversant, trois femmes américaines expatriées en Chine qui voient leur vies prendre une tournant radical.
Cette histoire complexe, avec Hong Kong comme toile de fond - et pas que, car la ville est une part immense de l'histoire, si ce n'est l'essence - est une réussite. J'ai trouvé l'ensemble intéressant, neuf et captivant. Le prisme de Lulu Wang est très pertinent, parce qu'il donne à voir, chose rare, le point de vue de quelqu'un qui connait aussi bien les aspects qui découlent d'une position de privilèges (comme les expats de classe sociales supérieure) mais aussi de ceux qui semblent être plus bas sur l'échelle sociale. Toutefois, il ne s'agit pas de pointer du doigt ou de tenter bêtement une comparaison des expériences de riches vs pauvres. Au contraire, le nœud de l'histoire, le drame qui survient dans la vie de ces trois personnages principales et qui complexifie les relations entre tous ces personnages et nous permet de prendre du recul sur ces positions et de questionner l'idée même de privilèges. La façon dont se sont frottées les tragédies internes des expatriés avec les réelles préoccupations du quotidien de tous les autres personnages est une façon assez intelligente de traiter un sujet qui aurait pu très vite devenir indigeste. La critique de la société - d'autant plus actuelle avec les manifestations de ces dernières années - montre qu'il y a des choses à dire et des perspectives non occidentales à prendre en compte et à mettre peut être un peu plus en évidence.
J'ai trouvé la série délicate, très belle à regarder, parfois drôle, souvent triste, et parfois juste simple, avec cette patte asiatique presque inimitable, cette mélancolie qu'on retrouve souvent dans les productions orientales, mais très moderne ici. Au final, pas de dénouement grandiose où on comprend tout à la fin; la série pose des questions, y répond parfois, d'autres fois non, et c'est très vivant, très cohérent, si naturel qu'on n'en demande (presque) pas plus. On ressent beaucoup de choses mais tout n'est pas forcément dit ou à dire, et je trouve ça réussi.
J'ai passé un très agréable moment et je pense qu'il sera appréciable dans le futur d'observer l'évolution de Lulu Wang qui m'avait déjà convaincue avec The Farewell et qui a su s'entourer d'un casting remarquable pour parfaire sa virtuosité à la réalisation.