1799 : La Drôme, le Far Ouest français...

J'explore actuellement (avec un certain plaisir) période drama et autres séries historiques. Genre dans lequel la France n'a pas toujours démérité (Les rois maudits (1972) - la Maison du bois (1971), etc)

Et voici une série que je ne connaissais pas. Ce "Fabien de la Drôme" (incarné par un Jean-François Garreaud sobre et efficace - plus connu aujourd'hui pour son rôle de L. Vassago dans la série "Plus belle la vie") semble tout droit sorti de l'ouest sauvage et se rapproche étonnamment du Western (genre qui n'est pas totalement étranger aux cinéastes européens).

Et ici, le département de la Drôme avec ses paysages sauvages semi-vallonnées et sa lumière qui n'a rien à envier à celle du far ouest sauvage, est l'écrin indiscutable qui rapproche d'emblée cette production du western (sous classification du genre historique). Le second élément qui signe la parenté : la bande son qui habille la série. La musique du générique ainsi que les 2 autres thèmes, agréables et pas trop intrusifs (de beaux moments de silence sont préservés), sont très proches des BO du genre.

Le troisième élément qui confirme la filiation est l'époque où se situe l'action. Pour avoir droit de citer dans la catégorie du western, elle doit forcément prendre place dans une période trouble où la loi (ses représentants, ses codes et son application) doivent, par essence, être absents, corrompus ou inopérants. Et c'est bien le cas ici. Durant les 7 épisodes (de 50mn) qui composent la série, vous allez replonger dans la France (post révolutionnaire) houleuse du Directoire (1795-1799), dépassé, incapable de faire régner justice, sécurité et prospérité pour une population française exsangue où la loi semble être devenue celle de l'arbitraire et du "flou" donc, celle du plus fort.

Entre les "Réfractaires" (les prêtres qui s'opposent à la Constitution civile du clergé après la révolution), les Jacobins (mécontents d'avoir été tenu à l'écart du pouvoir après la Révolution), les royalistes (rêvant d'un retour à la Monarchie), les babouvistes (Mouvement inspiré par le révolutionnaire François Babeuf, ces partisans réclamaient une "égalité absolue" entre tous les hommes et l'abolition de la propriété privée) et les opportunistes de tout poils, les 2 dernières années du Directoire vont être celles de la montée des contestations populaires.

La France est alors affaiblie par plusieurs guerres (Les campagnes d'Italie, d'Autriche et d'Egypte qui verront l'émergence du nouvel homme fort qui fera bientôt parler de lui : Napoléon Bonaparte). La contestation gronde dans tous les rangs à l'intérieur du pays. Les conscrits refusent de s'enrôler, les groupes séditieux (babouvistes, royalistes, Jacobins et réfractaires...) reprennent du service et parfois dans une violence à peine voilée.

C'est donc dans ce climat tendu de semi-guerre civile et une France au bord de l'implosion, que les auteurs (Jean Cosmos et Stellio Lorenzi) de "Fabien de la Drôme" ont choisi de placer leurs personnages. L'action se déroule précisément en 1799, quelques mois seulement avant le coup d'état du 18 brumaire (novembre) de la même année (mené par Napoléon et qui donnera naissance au Consulat, puis 4 ans plus tard, au Premier Empire).

Mais ici, tout commence (comme souvent dans les western) par l'arrivée d'un étranger dans l'arrière pays drômois, juché sur son cheval, le fusil visé à la selle et cherchant visiblement à s'informer sur un dénommé "Bottes rouges". Tous les ingrédients sont réunis : des attaques de calèches, un héros taiseux, une femme perdue soumise à la tyrannie d'un ambitieux, des expéditions punitives nocturnes, des élections sous influences, des exécutions sommaires ou déportations d'opposants, des manoeuvres politiques, des paysans au verbe haut, une congrégation religieuse à la limite du fanatisme, un arriviste récemment embourgeoisé de manière sordides qui manigance pour se faire élire au Conseil des Cinq-Cents, des groupes de royalistes semant la terreur à travers le pays au cri de "Vive le Roi", des paysans affamés et brimés, un juge de paix impuissant à maintenir l'ordre...

Côté réalisation, la série est filmée sur un rythme à la lenteur calculée (qui fait du bien à l'oeil) où la caméra fait la part belle aux décors naturelles (et magnifiques) de la Drôme. Petite faiblesse : les vêtements, les décors intérieurs et les accessoires sont reproduits sommairement avec un minimum de crédibilité, mais le tout sonne à peu près juste. Les acteurs sont plutôt bons et la magie opère dès qu'on entend leurs accents méridionaux, qu'on se laissent bercer par le chant des cigales, qu'on écoute le bruissement de la lande et qu'enfin explose le vent du sud qui souffle quand se taisent les fusils.

Très proche des scénarios qui ont court dans les "westerns", l'histoire aborde les thèmes classiques dévolus au genre : quête de la vérité, vengeance et enfin défense des opprimés face aux oppresseurs. Produite et diffusée par "Antenne 2" (l'actuelle France2), cette série est la preuve, que parfois, la télévision publique française a réussi à mener à bien ses trois missions principales : informer, instruire, divertir.

Je vous recommande donc cette série agréable (malgré son scénario classique manquant parfois d'ampleur dans les détails secondaires), car étant documentée et riche de nombreuses références historiques (naissance de l'impôt sur les portes et les fenêtres, promulgation de la loi des otages...), elle vous plongera avec plaisir dans une des périodes les plus complexes de l'Histoire qui ont participé à forger la France contemporaine que nous connaissons... ou presque !