Fang of the Sun Dougram
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Fang of the Sun Dougram

Anime (mangas) TV Tokyo (1981)

Lecture artistique et transposition littérale graphique de la notion d'État Rationnel en marketing

Disclaimer : Ce titre improbable (mais totalement juste et à propos) est une diversion a là double fonction de faire fuir les moins courageux (ou réagir les plus curieux) d'une part et de m'amuser en attendant de trouver mieux de l'autre.


Fang of The Sun Dougram tout comme son nom le laisse présager est une bizarrerie sortie tout droit du cerveau de Ryosuke Takahashi. Ce génie de l'animation japonaise, à qui les Studios Sunrise avaient confié à l'aube des années 80 un budget afin qu'il produise une série marketing pour gamins. Bien entendu la mire était de surfer sur le succès récent de Gundam pour continuer à faire de l'argent avec des figurines et autres maquettes de robots. A l'origine le projet était donc clair : Faire de cette série une pub géante de 75 épisodes pour vendre à la pelle des répliques en plastiques à chaque petit japonais entre 7 et 14 ans. Et effectivement vous allez en voir défiler des modèles de mécha durant ces 75 épisodes... Pour l'aspect commerciale c'est donc une réussite totale.


En bref rien de bien particulier c'était une pratique courante et qui continue à faire ses preuves 40 ans plus tard. Le truc c'est que lors de sa conception, l'auteur de cette série le susnommé Takahashi a semble-t-il complètement oublié qu'il était censé produire un feuilleton qui serait regardée par des petits mômes à peine capables de lire la marée d’idéogrammes que compte leur langue et aura à la place pondu une histoire d'une richesse et d'une complexité tout juste soupçonnable.


Car Fang of The Sun Dougram, loin de se conformer au rôle d'animé publicitaire que lui destinait à l'origine ses producteurs, se révèlera être en fin de parcours une formidable fresque historique prenant pour thème la destinée politique d'une nation. En d'autres termes nous sommes en octobre 1981 lorsque le premier épisode de Dougram est diffusé sur les ondes et on assiste alors à la création de ce tout nouveau genre d'animé que sera le Real Politic. Et c'est la raison pour laquelle je prends la plume pour vous en parler un petit peu aujourd'hui car en effet, comme la note que je lui donne le suggère, Fang of the Sun Dougram est juste l'un des meilleurs animés japonais que j'ai pu regarder à ce jour. Et ce n'était certainement pas gagné d'avance au vu des gros handicaps de départ qu'il se trainait.



  • Le premier (de ses handicaps) étant je l'ai dit son caractère congénital d'objet promotionnel de jouets pour enfants, qu'il partage d'ailleurs avec d'autres série à succès de la même époque comme Gundam, Macross et j'en passe.


  • Pour continuer à ne pas l'aider Dougram se traine aussi une direction technique très austères et minimaliste qui donne le sentiment que la série supporte mal le poids des années. Ce n'est pas un défaut rédhibitoire car certaines personnes peuvent apprécier ce côté suranné, j'en suis d’ailleurs moi-même souvent très friand cependant ici le retard technique se fait fortement sentir bien qu'on est par exemple très loin de la vieillerie difficilement regardable de nos jours qu'est devenue Mobile Suit Gundam 0079. Ce qui ne l'a pas empêché d'avoir 7.9 sur CS. En somme on se situe clairement en face d'un produit destiné à un public averti, quelque chose que les moins de 25 ans auront du mal à regarder (ou pas vu le succès de Gundam 79 qui est bien plus moche que Dagram) malgré les qualités scénaristiques indéniables. Vous êtes donc prévenu alors ne salopez pas la note pour cette raison une fois l'animé vu !


  • Sans oublier le dernier handicap que peut constituer à mes yeux sa durée. 75 épisodes ! Parce qu’a part les docteurs en animé toujours à la recherche de perles rares, qui va aujourd'hui passer 75 x 25 minutes de sa vie à regarder une série de 40 ans d’âge ?



Personne !!!


Sauf ceux qui comme moi, savent que Ryosuke Takahashi est un génie et que lorsqu'il a un projet en tête va tout faire pour pondre une histoire tellement bien écrite et tellement grisante que le nombre volumineux d'épisodes (53 pour Votoms son autre série phare, ou 75 pour Dagram) sera perçu plutôt comme une aubaine et défileront aussi vite qu'une bonne saison de Koh Lanta !


Pourquoi je m'enflamme ? Tout simplement parce qu’aujourd’hui j'en suis certain Ryosuke Takahashi est l'un des meilleurs auteur/narrateur d'animé japonais depuis près de 40 ans. Et il le prouvait déjà dans Fang of The Sun Dougram, série qui sera la matrice de ses plus gros succès futur. Qu'il s'agisse de la précision mécanique sublimée dans Votoms, de la propagande médiatique et du rôle de la presse décrite dans Flag, ou encore de l’influence des puissances capitalises au sein de l'appareil d’État comme dans Gasaraki , tout était déjà programmé dans Dougram. Même le thème de la subversion politique des jeunes entraperçues dans Panzer World Galient et Layzner était déjà évoqué ici (et pour ne pas s'arrêter en si bon chemin le tout premier scaouter de l'histoire ce n’est pas Layzner ni Dragon Ball Z mais bien dans Dougram qu'il fait sa première apparition :p).


Pour rentrer un peu plus dans le vif du sujet nous suivrons dans cette série la séquence historique d’une nation galactique appelée Deloyer. Nation voulant arracher son indépendance des mains de la Terre après 150 ans de colonisation. Le tout vécu et suivi par le prisme d’un petit groupe de résistants/rebelles qui jouera un rôle capital dans son processus d’émancipation. Notamment grâce à leur pièce maitresse, le Dougram, tank bipède monoplace en avance sur les autres armures de combat de son époque. Je vois déjà les foules se lever d'un bloc pour arguez qu’on a déjà vu ça dans Gundam avec la colonie Zeon-1 qui veut s’émanciper de la planète terre etc. Et je vous répondrais que vous vous mettez le coude dans le doigt jusqu’aux couilles. Car NON ! Tomino et Takahashi ne jouent pas dans la même cour lorsqu’il s’agit de parler d’autre chose que de super robo’tto ou de pseudo surhomme new-type et vas-y que je me tape le cul par terre. Ici la crédibilité narrative, la précision historique et la plausibilité des circonstances sont les piliers sur lesquels se base le scénario pour avancer. C’est autour de ces trois vecteurs que l’histoire de Dougram va se construire et proposer en filigrane une réflexion juste et posée (le nombre d’épisode aidant) sur ce qui fonde le désir d’autonomie chez un peuple et par échelon successifs le droit fondamental des peuples à disposer d’eux même. Point central et objectif initial de la fondation des Nations Unis et qui en constitue son idiosyncrasie même (quant au détournement qui en est fait c’est un autre débat). D’ailleurs dans la série, L’horizon indépassable Sartrien qu’on nous présentait déjà dans les années 60 est désormais une réalité bien établie. Le destin politique de la Terre est achevé à tel point que son étendard unique (à peine modifié) est le même que celui de l’ONU.


Sous la direction d’un représentant universel, La Fédération Terrienne (qui unifie sous son drapeau les 5 continents) souhaite maintenir le joug sur les Deloryens dont elle tire les ressources utiles à sa propre préservation, cachée qu’elle est derrière le masque de l’union fraternelle des peuples et la coprospérité. Les terriens ayant littéralement asséché la Terre en termes de ressource. On a donc d’un côté, la Terre colonisatrice et uniquement guidée par sa survie et de l’autre Deloyer, jeune planète ayant récemment acquis – à force de soumissions politique et d'injustices économique – une conscience de soi et une volonté d’auto-déterminisme. Dans la lutte Fédération Terrestre vs Deloryens on peut difficilement voir autre chose qu’un resucé de la guerre froide et de sa séquence d’émancipation des peuples colonisés qu’on appelait alors le Tiers-Monde (autrement dit le troisième monde, autrement dit tout ce qui n’est pas USA et affilés ou URSS et affilés) de l’Asie pacifique à l’Amérique du Sud en passant par l’Afrique et même l’Europe de l’Est, bref les trois quarts de la planète. C’est surtout l’occasion pour Takahashi d’aborder son grand thème de prédilection qu’est Le Sens de l’Histoire via l’application concrète ou du moins artistique de La théorie du Partisan – concept développé par * Carl Schmitt* dans lequel il fait la généalogie du combattant rebel en opposition au terroriste.


Là c’est tout de même autre chose que des fantasmer sur des pseudos nazis de l’espace hein Tomino ?


Combat idéologique porté par des personnages censés représenter chaque petite facette de ce grand Tout qu’est l’Histoire au sens hégélien du terme. Beaucoup d’entre eux vont sortir du lot et se démarquer non pas pour leurs rôles stricto sensu dans l’enchainement des scénarios au fil des épisodes mais pour les valeurs qu’ils représentent et s'emploieront à appliquer aux travers de coups de maitres. Je ne les citerais pas pour ne pas divulgâcher leurs éclats aux courageux qui tenteront un jour l’aventure mais sachez que chaque aspect de ce combat politique sera passé à la loupe pour un résultat des plus saisissant. Alliances et retournement d’alliances, calcule économiques supérieurs aux intérêts patriotiques pour les uns, arrivisme et réussite personnelle opposés au don de soi et la pureté des idéaux pour les autres. Rapports de classe entre colonisateurs et colonisés, consommateurs/producteurs, (autrement dit en terme anthropologique entre ceux qui consomment plus qu'ils ne produisent et ceux qui produisent plus qu'ils ne consomment) on aura même droit à l’observation de plusieurs fissures sociologiques telle que peut en produire la société libérale post moderne. Comme par exemple celle qui voit l’armée fédérale de la Terre affectée au maintien de l’ordre sur Deloyer être composée à 80%... de Deloryens… Et qui comme le dira un personnage forcera une bonne partie de ces habitants à choisir entre le chômage ou l’Armée de l’envahisseur… Contradiction quand tu nous tiens ! On se croirait en plein dans Marx…


Il y sera même fait la part belle à la stratégie militaire avec des combats aux conséquences politiques déterminantes.
L’occasion aussi de montrer que dans l’Histoire tout est écrit mais que rien n’est vraiment écrit… En suggérant par exemple que la coopération entre les deux nations est possible même quand les Deloryens subissent en permanence de la part des Fédérés de la Terre les dégâts désastreux du racisme mais que dans le même temps, le pilote du Dagram - symbole et icône de la Résistance Deloryenne - est un pur Terrien et pas n’importe lequel… En définitive c’est presque un crypto essai politique que nous propose ici la Sunraise (surement à son insu), qui en plus de faire un parfait spot promo pour figurine à destination des gosses, offres aux spectateurs plus lointain et aiguisés une analyse historique sur ce qui fonde La Nation aussi bien en terme politique que philosophique.


L’auteur le fait en posant à sa manière les contours de ce que doit constituer l’essence même de l’Etat, en partant du postulat emprunté à Carl Schmidt que le l’État c’est d’abord l’indépendance politique. Et le politique c’est d’abord désigner l’ennemi puis le bouter hors des frontières. De même qu’en esthétique on trouve l’opposition beau/laid, en économie, l’opposition rentable/non rentable, en morale, l’opposition bien/mal. En ce qui concerne la politique, c’est la dualité ami/ennemi ou union/désunion. Qu’est-ce qu’un ennemi ? Il s’agit de celui qui génère un conflit (qu’il soit externe ou de la même nationalité : une cinquième colonne) empêchant l'union, donc celui que l’on est en droit de combattre par ordre prioritaire. Pour Takahashi il sera du devoir des Résistants Deloryens de le déterminer selon la circonstance et le but recherché, de même que pour la Fédération Terrienne. Bien que dans la série certaines contingences viendront réintroduire dans le champ d’idées les dimensions morales et économique de la politique (par la discrimination et le racisme, ou les intérêts financiers de certains groupes). Mais en dernier lieu c’est bien l’idée du monde comme unité politique qui est remis en question, non pas obligatoirement pour être combattu mais plutôt reposé en de nouveaux termes. Est-ce que le règne de la gestion par la technique pure doit primer sur l’État rationnel Hégélien ? Question d’une vive actualité bien que la série date de 1981, question que je laisse à vos soins et à ceux de Macron de résoudre.
En fait Fang of The Sun Dougram c’est presque une conférence universitaire à destination d’étudiants en science politique ou une leçon façon bonbon sucré à l’attention de tous les pays encore sous domination formel ou relative.


Bref allez regarder Dougram vous verrez c’est encore mieux que Votoms et ça rhabille complètement Gundam…

Saint-Just
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le 9 juil. 2019

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