[SAISON 1] Une bonne série se caractérise par une histoire simple, des personnages profonds, des scènes qui prennent le temps de creuser l'arc narratif et finalement un message à délivrer. Quand, de plus, ces choses sont associées au talent de réalisateurs comme celui des Frères Coen, on obtient une grande série. Aucun détail n'est ici laissé au hasard, y compris le nom des épisodes. Chaque personnage, y compris le plus insignifiant, est attachant et complexe. La palme revient à Lester Nygaard ce lâche inhumain, Lorne Malvo ce monstre au sourire carnassier de prédateur et à ce bravo policier Gus dont les atermoiements nous font sourire. Il convient de ne pas oublier ce brave et naïf Sam qui, comme le spectateur, n'arrive à se douter des monstres que crée la société libérale : beaux à tous égards, mais parfois meurtriers sanglants. Evidemment, les figures de Molly et de son père, deux représentants de la vertu sont à la fois mystiques et presque irritants. Cependant, quel talent.
Les scènes sont filmés avec une virtuosité rare. Certaines seront gravées dans les mémoires pour l'anthologie dans laquelle elles s'inscrivent. Le message de la série est claire : notre société corrompt tout. Elle reproduit ce qu'était l'état de nature hobbsien : une guerre de tous contre tous, une société nihiliste de prédateurs où la masse est abêtie, et où les quelques autres restants sont des apôtres désespérés de la vertu ou des monstres sanguinolents sans empathie. Il faut dire un mot sur le cadre visuel et musical de la série qui sont à proprement dit époustouflants. Rien n'est à redire car même les petites longueurs nécessaires à une bonne série qui prend le temps réussissent à être toutes aussi passionnantes et époustouflantes que le pilote qui, disons-le, est franchement génialissime. Ce sont des Etats-Unis sauvages et pastoraux, à mi-chemin entre Al Capone et Paul & Virginie et ils nourrissent avec brio un arc narratif simple, efficace et haletant.
[SAISON 2] La deuxième saison est assurément moins bonne que la première, mais il faut, pour être tout à fait honnête, reconnaître qu'elle ne veut pas se situer sur le même registre. En fait, le synopsis veut se focaliser sur l'histoire du père de Molly Silverson, et ancre celle-ci dans une affaire de mafias. Les Gerhardts, une famille allemande, se voit contester son leadership par une firme américaine, symbole ô combien pertinent de l'ancien monde submergé par le nouveau. A côté de cela, un couple d'américains moyens se retrouvent sacrifiés sur l'autel de la barbarie sur un coup de malchance, avec les deux personnages fascinants que sont Ed et Peggy Blamquist qui ne se comprennent pas, ne se connaissent pas et sont l'allégorie d''un libéralisme américain déshumanisant. Les références coeniennes à l'absurde sont également présentes par l'intermédiaire des OVNIS, des références cataclysmiques et politiques. Une certaine douceur côtoie une horreur absolue et cynique sur laquelle il n'est pas bon de revenir.
Le point fort de cette saison, incroyable disons-le, est cette reconstitution formidable de la fin des années 70, à l'aube des années Reagan. Chaque détail est travaillé : le quotidien, les personnages et le paysage. On s'y croirait vraiment et cela dépasse le carton pâte auquel nous sommes habitués en tant qu'adeptes de série. On ne peut encore une fois que tomber amoureux des paysages du Minnesota, du Dakota du Nord et du Sud à tel point que Fargo devient une carte postale pour ces Etats américains. A cela, il faut ajouter un jeu d'acteur incroyable, pour tous confondus et une réelle qualité de réalisation. Je ne peux ressentir qu'une hâte de regarder la saison 3.
[SAISON 3] Cette saison est plus sombre et métaphysique que les précédentes, et elle en est de ce fait tout aussi réussie, un poil au dessus de la saison 2. L'intrigue se déroule toujours dans le Minnesota et permet de raconter la querelle lancinante entre deux frères jumeaux, le tout sur fond de crime organisé, d'une histoire d'amour improbable entre un agent de probation et son arnaqueuse ainsi que l'histoire touchante d'une policière célibataire. Les thèmes de la fatuité, de la vacuité, de la déshumanisation et de la perte de contrôle sont de nouveau présents, avec ajouté à cela une touche plus juive assez plaisante et propre aux frères Coen. Le jeu des acteurs est extraordinaire comme à l'habitude, Ewan MacGregor joue le rôle des deux frère et chapeau à l'acteur de V.M Vargas. L'histoire est sombre, plus éludée, plus allusive et laisse plus de place à l'imagination du spectateur. La mayonnaise scénaristique prend immédiatement et les rebondissements sont peu attendus. Je croise les doigts pour une ultime saison 4.