Le hasard naît de la rencontre entre deux séries causales dit-on. C'est sur ce principe que sont construites les 3 saisons de Fargo. Ici la rivalité entre deux frères se heurte à l'irruption d'un escroc verbeux de la haute finance. Ce dernier essai en date apparaît comme plus réussi et maîtrisé que les précédents mais constitue aussi la déclinaison la plus éloignée de la matrice originelle.
Ici se fait jour chez des personnages losers qui autrefois n'auraient été que les victimes des railleries de leurs aspirations, un soupçon d'humanité : la réconciliation deux fois avortée des frères Stussy, l'harmonie qui préside à la surprenante relation amoureuse entre Nikki Swango et son agent de probation. Que les amateurs de retournements de situation sanguinolents et absurdes se rassurent, ils en auront toujours pour leurs frais, sans que la logique de surenchère de la saison 1 ou la dispersion de l'intrigue de la saison 2 ne plombent l'ensemble.
Le final de la saison constitue une autre entorse à la cosmogonie des Coen*. Chez ceux-ci, l'appât du gain sert de moteur à l’écrasante majorité de leurs intrigues policières et dans Fargo-le film, le personnage civilisé à l'outrance de Frances Mcdomand et son mari servaient de contrepoint à la folie des criminels du dimanche, par leur capacité à se contenter de peu, quitte à faire preuve d'indifférence et d'incompréhension envers les plus malheureux. Cette fois la hiérarchie entre le Bien et le Mal se trouve renversée dans la logique d'un monde capitaliste. Il n'est plus dit que les moins avides s'en sortent et que les plus vaniteux soient victimes d'un châtiment divin. Le plus fortuné sera toujours le plus fort nous laisse-t-on penser. La série poursuit alors sa critique du capitalisme inaugurée dans la saison 2 sur un mode moins sarcastique et plus incertain. Le bad guy apparaît comme une personnification les plus réussies de ses dernières années du capitalisme (un adepte de l'effet de levier boulimique et comme pourri de l'intérieur).
Et bien qu'on sache depuis des années que "plus on regarde, moins on comprend" (crédo Heisenbergien et coenien repris tout au long de la saison), la qualité de cette saison ne fait aucun doute.
*La fin de la saison 1 rejouait celle du film mais comportait déjà une perversion ; derrière l'un des membres de cette famille normale se cachait le protagoniste d'une justice expéditive et un meurtrier de sang-froid.