Dire oui à une première question augmente la probabilité de répondre par l'affirmative à la question suivante – technique bien connue des séducteurs. C'est ainsi que trois ados favorisés se retrouvent piègés dans le jeu sadique d'une bande de cinq jeunes à peine plus âgés issus de l'immigration après avoir accepté de leur donner l'heure.
Avec ses longs plans fixes, distants (afin de prévenir toute compassion envers les victimes), se resserrant imperceptiblement sur l'action, tout comme un collet, le film distille le malaise du début à la fin au gré de scènes tendues dans lesquelles les humeurs versatiles d'une poignée d'ados ont rarement été rendues avec autant de justesse. Exemple, suite à une altercation (qui a le mérite de montrer que les harceleurs ne sont pas au sommet de l'écosystème urbain) dans un bus deux protagonistes se retrouvent séparés du reste du groupe. A ce moment, un des harceleurs se demandent si le jeu ne ferait pas mieux de s'arrêter et tout en conservant une position dominante ouvre la voie à une possible échappatoire au harcelé. Dans la dernière partie du film, ce personnage interprétera l'humanité qui s'est faite alors jour en lui comme une ruse, celle « du bon flic » qui a permis de ramener l'agneau parmi les loups.
Ainsi, les motifs des actions des personnages resteront soumises à interprétation du début à la fin, s'ancrant aussi bien dans les contingences présentes (quel rôle je peux jouer dans ce groupe là, dans cette situation donnée ?) que dans les éléments structurels de la société (inégalité, désir de revanche sociale, peur de paraître raciste ou intolérant allant à l'encontre du bon sens ...). Face au totalitarisme d'un petit groupe, dont l'aspect menaçant sera réactivé dès que le spectateur s'imaginera avoir compris la mécanique du film, son irrationalité inquiétante et sa violence, la soumission des victimes intriguera tout autant. En effet, elles hésiteront peu devant l'opportunité d'afficher leurs talents ou leurs avantages, illustrant là un désir de reconnaissance de leur force par les forts.
Belle idée que celle de faire durer le plan des agresseurs attaquant leur pizza après s'être partagé les maigres prises de leur forfait témoignant là de leur ennui. Et si ils n'avaient fait ça que pour tromper celui-ci, en improvisant au fur et à mesure, relançant leur jeu au moment où il aurait pu s'arrêter, bien de loin d'avoir avancé selon les étapes d'une machination perfidement ourdie et répétée en amont ?
L'avant-dernière scène dans laquelle apparaît le réalisateur, apportera une dimension supplémentaire au film en invitant de manière goguenarde à s'interroger sur la passivité dont a fait preuve l'ensemble des adultes spectateurs des mauvais traitements. De quoi faire vaciller les piliers d'une société en apparence policée.