SPOILERS !
La série débute dans le froid et la neige et elle se termine "au coin du feu". Entre-temps, elle a nous raconté un conte parfaitement maîtrisé et finalement, plutôt traditionnel, quelque chose qu'on ne fait plus trop à la télévision (je ne dis pas au cinéma car je regarde plus trop de cinéma) : raconter une histoire bien ficelé où les méchants perdent et les héros l'emportent. Pendant dix épisodes, on a questionné l'attachement qu'on peut avoir aux fameux "anti-héros" qui peuplent la télévision aujourd'hui, pour mieux nous rappeler que la gentillesse est la valeur à défendre ici. Le monde est plein de noirceur et d'animaux sauvages, mais on peut protéger son foyer en étant poli, futé et surtout, en ne cédant pas au cynisme.
Pour en arriver à cette "morale", il aura bien fallu dix épisodes pour brouiller les pistes et stimuler sans arrêt notre imaginaire et nos mauvaises habitudes. Un temps suffisant pour réaliser que même si on applaudit l'intelligence de Molly ou qu'on peut se surprendre à être envoûté par Malvo, on est tous plus proche d'un Lester ou d'un Gus. Heureusement, je simplifie. Car en dix épisodes, d'autres personnages ont évolué autour de ses quatre figures de proue symboliques et tout le monde a pu apporter sa touche de complexité à l'ensemble. Et pour exploiter au mieux le temps de télévision qui lui était imparti, Noah Hawley, showrunner qu'il va désormais falloir suivre de près, a pris le temps de raconter des histoires dans son histoire, nous laissant toujours un peu rêveur quand la musique du générique (une partition superbe) retentit. Un vrai conte à l'ancienne, je vous dis. Sauf qu'on a pas besoin de tourner les pages, on ouvre juste grand les yeux devant une réalisation et une photographie impeccable, ludique et dont les effets de style sont toujours au service de la narration.
Dix épisodes qui nous laissent avec des images très violentes et très marquantes (la douche sanglante, la fusillade sur plusieurs étages ou bien la chute du personnage de Glenn Howerton), des moments de poésie visuelles étonnantes (l'apocalypse tombant du ciel, la course-poursuite dans le blizzard), des belles scènes de dialogues (Bill présentant son fils adoptif à Molly, Gus et son voisin). Beaucoup d'inventivité. Beaucoup d'humanité. Et en plus de Noah Hawley et de son équipe de réalisateurs, il faut saluer le casting : Martin Freeman qui parvient à rendre son personnage de lâche presque attachant (jusqu'à son séjour à Las Vegas et sa transformation qui est en vérité une simple confirmation) ; Billy Bob Thornton, qui pouvait amuser beaucoup au départ et qui a fini pour glacer le sang à chaque apparition, un vrai monstre, un loup solitaire . Mon seul regret est d'ailleurs de ne pas l'avoir vu partager l'écran avec Allison Tolman, la révélation de la série. Molly est un personnage féminin rare à la télévision, à qui elle a su apporter toute l'humanité, le courage et l'intelligence, sans jamais abandonner sa quête (et elle formait un beau couple avec Colin Hanks, j'ai shippé jusqu'au bout). Autour d'eux, tout le monde transcende son rôle et s'en donne à coeur joie, même à contre-emploi : Bob Odenkirk, Glenn Howerton, Oliver Platt, Keith Carradine, Adam Goldberg, Stephen Root et même les deux acolytes Key & Peele, voyez comme la liste est longue...
Presque biblique, presque une parabole, je croyais pendant un temps que Fargo nous parlait de la fatalité. Et puis ce finale m'a rappelé qu'on nous montrait depuis le début la victoire des gens biens sur les gens mauvais. Sans nous donner de clés pour savoir comment être l'un ou l'autre, pour savoir si on peut être soit l'un soit l'autre. En nous laissant rêveur et tremblant, comme des enfants à qui on raconte un conte désuet et troublant. L'influence des frères Cohen est donc bien là mais bien plus encore. Je ne sais pas s'il y aura une deuxième saison, mais même si elle reste une mini-série, Fargo était une grande série.