Je n'ai jamais vu Fargo des frères Coen. Cette déclaration hérétique me vaudra sûrement des dislikes sur cette critique, des pertes d'abonnés, ce n'est pas grave. Evitez juste de me menacer avec toute arme léthale. Merci bien. Bref, pour bon nombre de gens, je ne suis pas du tout légitime pour m'attaquer à une série dérivée de ce film culte pour beaucoup et qui, d'après ce que j'ai entrevu/entrentendu, a l'air de claquer sa race. Mais le fait de ne pas avoir vu le film, bien que ce soit un handicap pour capter tous les clins d'oeil, me permet également de savourer la série pour ce qu'elle est en elle-même, sans être parasitée par un quelconque effet d'attente.
Sur lequel la série ne joue pas finalement. Noah Hawley n'a pas voulu adapter stricto sensu le film à la série, ce qui n'aurait peut-être pas été dénué d'intérêt, qui sait ? Mais ce ne fut pas le parti pris. Non, au lieu de ça, Noah Hawley a une idée toute aussi bonne : à l'instar de Star Wars (pour citer le plus connu), il a pensé sa série comme un Expanded Universe. Même univers, même tonalité d'après ce que j'en ai lu, on fait rentrer en jeu de nouveaux personnages, une nouvelle intrigue, et roulez jeunesse ! Habile façon de couper l'herbe sous le pied de ceux qui s'apprêtaient à sortir les crocs en entendant le mot "adaptation" et de faire une oeuvre à part entière, qui s'apprécie comme une oeuvre à part entière. Haters will hate, mais peut-être que les références au film les adouciront quelque peu.
L'histoire est prenante et bien rythmée, les épisodes s'enchaînent de manière très fluide et surtout, il y a de sacrés moments de bravoure : en règle générale, les plans de Lorne Malvo, tueur sans états d'âme, sont aussi bien retors que jouissifs. Mais quand on rajoute des choeurs bénédictins à des instants de massacre, on passe à un tout autre niveau. Et on comprend que Fargo, déjà en moitié de saison, sera l'une des séries qui feront 2014. Malheureusement, plus on avance, plus on perd ces scènes orgasmiques, résolution de l'affaire oblige, je présume...
Le casting, en un mot : prestigieux. Billy Bob Thornton (géant dans son rôle de tueur ingénieux à qui on donnerait presque le bon Dieu sans confession), Colin "fils de Tom" Hanks, Martin Freeman, Saul de Breaking Bad avec une moustache... Il n'y a pas à dire, les gens responsables du casting ont fait très fort. A cela, rajoutons une inconnue au bataillon, Alison Tolman, parfaitement à l'aise dans le rôle de l'adjointe Molly Solverson, personnage loin du cliché de la flic bombasse des Experts mais ô combien attachante et intelligente. J'étais surprise d'apprendre que Fargo lui ait donné son premier rôle notable, tant elle n'a pas à rougir face à ses collègues qui nous sont plus familiers.
Fargo la série permet aussi de voir un autre pan de Martin Freeman. Que ce soit dans le rôle de Sherlock ou dans celui de Bilbo, l'Anglais nous avait toujours habitué à jouer des bonshommes tout ce qu'il y a de plus normaux (même qu'ils sont toujours en train de bafouiller) embarqués dans des histoires qui les dépassent complètement. De gros nounours, quoi. Eh bien maintenant imaginez un croisement entre John Watson et Walter White, et vous pourrez légèrement esquisser le personnage de Lester Nyygard, le gars qui pourrait très bien être votre voisin à qui vous faites tous les matins un petit signe de la main en allant chercher votre courrier.
Fargo est une très bonne série, qu'on se le tienne pour dit. Que vous ayez vu ou non le film, peu importe, ça se boit comme du petit lait et ça serait bien dommage de passer outre. Sur ce, il faut que je me programme le film des frères Coen, sous peine de me faire tirer dessus sans crier garde à bout portant.