Quelle drôle d'idée d'adapter en série le chef d'œuvre absolu de Cronenberg, l'inoubliable Dead Ringers (Faux semblants), même en prétendant revenir au roman dont le Canadien fou s'était inspiré (Twins de Bari Wood et Jack Geasland) ! On craint d'abord le pire, qui serait une version "féministe" de l'œuvre d'un réalisateur parfois accusé de misogynie par ceux qui n'avaient jamais essayé de comprendre son propos. Heureusement, on réalise très vite qu'il n'en est rien et que la série d'Alice Birch est quasiment un hommage au film, dont elle reprend des éléments esthétiques (comme les tenues professionnelles rouges) et thématiques (le goût pour quelques scènes gore éprouvantes). On saisit aussi que le motif essentiel de l'existence de la série est le défi que voulait relever Rachel Weisz en jouant ce double rôle de jumelles (les jumeaux Mantle changent de genre mais gardent leurs prénoms) qui avait porté Jeremy Irons au sommet de son Art...
Et il faut admettre que Rachel Weisz s'en sort bien, même si l'on déplorera que, de nos jours, on ne fasse plus confiance au talent des acteurs pour interpréter avec finesse deux personnalités clairement différentes, ni à l'intelligence du public pour reconnaître qui est qui, puisque l'on prend soin ici d'attribuer à chaque jumelle une coiffure différente (cheveux attachés et cheveux défaits). Ce n'est peut être là qu'un détail mais, dans le fond, c'est profondément symptomatique d'une époque de régression intellectuelle des propositions artistiques.
Après, pour étendre l'intrigue finalement assez simple de Dead Ringers sur 6 épisodes de 60 minutes, la série abordera d'autres thématiques, comme la nocivité et la profonde perversité du capitalisme moderne, mais aussi les dysfonctionnements émotionnels de la famille. Tout cela n'est pas inintéressant, certes, mais fonctionne finalement comme des dérivatifs inutiles à une intrigue principale qui s'en trouve diluée. Et puis, le petit twist final rajoute encore un soupçon de médiocrité commerciale à tout cela.
Bref, une série qui n'est certes pas honteuse, mais très oubliable.
[Critique écrite en 2023]