Docufiction comique avec un twist
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le 27 juin 2023
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Pas plus tard qu’il n’y a pas longtemps, on se disait avec un pote que plus rien dans la production actuelle, que ce soit en France ou aux US, ne réussissait à nous faire vraiment rire. Bien évidemment cela fait longtemps que relancer The Office (2005-2012, créée par Ricky Gervais, Stephen Merchant et Greg Daniels) coup sur coup ne nous dérange plus, mais un peu de nouveauté parfois, ça fait du bien.
C’est chose faite avec Jury Duty, série créée par Lee Eisenberg et Gene Stupnitsky, deux anciens producteurs de… The Office, et disponible depuis le 27 septembre sur Amazon Prime Video après son succès aux Etats-Unis.
17 jours de tournage. Un procès, avec son juge, ses avocats, sa plaignante, son accusé, 11 jurés séquestrés pendant 3 semaines… Et Ronald Gladden. Ronald a été choisi parmi 2500 candidats et pense participer à un documentaire sur le système judiciaire américain, et plus précisément le rôle des jurés dans un procès. Ce qu’il ignore, c’est que tout ce qu’il va voir est faux. Il est entouré d’acteurs, et le procès va bien évidemment enchainer les péripéties inattendues et s’adapter à ses réactions.
Le premier élément frappant de Jury Duty est assez logiquement ce dispositif. Qui permet paradoxalement d’instaurer une dynamique comique et dramatique absolument passionnante tout en créant un questionnement éthique sur la vraisemblance de ce que l’on voit, mais surtout sur le fait de faire subir ça à quelqu’un (une question qui restera ouverte à l’interprétation de tout un chacun). On peut néanmoins noter qu’aucune des situations ne fait de lui la cible directe des blagues, ou ne cherche à le ridiculiser. Ce sont toujours ses réactions qui seront utilisées par les comédiens autour de lui.
Au niveau de l’écriture et du déroulement du procès, Jury Duty tient du miracle. Pendant 7 épisodes (le 8eme étant dédié à la révélation du système), la série réussit à créer des personnages et des situations dignes des meilleurs comédies cringe (qui repose sur un comique de gêne, comme The Office ou Parks & Recreation par exemple). Fatalement, la première réaction que l’on a devant Jury Duty, c’est de rire. Beaucoup et souvent.
Mais tout ce qui est montré doit être suffisamment ancré dans le réel pour que Ronald ne se doute de rien. La narration s’adapte donc à ses réactions, ses centres d’intérêts, ses interactions, et propose une fiction vivante qui happe le spectateur par sa promesse de « télé-réalité » novatrice, mais qui parvient néanmoins souvent à faire disparaitre son dispositif au profit de ses personnages et de ce qu’ils traversent.
Chaque épisode, chaque situation devient doublement ludique : déjà parce qu’elle est drôle, puis en se remémorant le dispositif, le jeu devient de comprendre « comment ils ont fait ».
Cette notion de fiction vivante se vérifie surtout encore une fois grâce à Ronald. Il guide le récit principalement car ce sont ses actes qui font se déclencher les évènements prévus par les scénaristes (avec le challenge pour eux de toujours pouvoir prévoir ce qu’il va faire, ou dire, ou de le guider vers telle ou telle action utile au développement de l’intrigue), mais son regard et son caractère vont surtout infléchir sur la caractérisation des gens qui l’entourent.
Du transhumaniste creepy aux inventions maboules à la nymphomane anarchiste, en passant par James Marsden (X-Men, Westworld, Sonic…) dans son propre rôle, chaque juré existe à l’écriture, mais s’incarne à travers Ronald, s’adapte à son contact. Sa bienveillance, sa patience, sa générosité, vont, dilemme éthique après situation gênante, transformer ces archétypes et contribuer à modifier notre regard sur eux. La tendresse de Ronald déteint sur le spectateur ainsi que sur le propos de la série.
Ce procès aurait pu partir dans 1000 directions mais sa présence en fait quelque chose de profondément positif et passionnant. Ce n’est plus une satire ou un « gotcha » mais une réelle mise en images de comment un individu peut non seulement grandir au contact des autres mais aussi créer une société, un groupe soudé.
Finalement, Jury Duty poursuit une réflexion qui était, à mon sens, au coeur de la version US de The Office : comment en observant un groupe de personnes lambdas, on peut dégager une vérité universelle, et surtout comprendre la force du collectif. A travers Ronald, la série nous démontre un concept très tocquevillien : une société fonctionne si les forces qui la composent s’impliquent et travaillent ensemble. Dans l’une des interviews qu’il fait dans sa chambre, Ronald dit d’ailleurs littéralement que son expérience lors du procès lui donne envie de s’engager, et si l’on prend en compte uniquement ce que l’on voit à l’écran, en retirant le dispositif, on est surtout face à un groupe de gens qui se construit, s’apprécie, et qui se soude malgré leurs différences de prime abord.
« On est peut-être de bons acteurs mais pas à ce point. 90% de ce que tu as vu c’est vraiment nous » déclare une des comédiennes à Ronald à la fin. Ronald qui aura donc réussi à transformer une satire, un « piège » en une belle leçon d’humanité.
Cette approche peut sembler naïve et simpliste, mais la formuler de façon aussi naturelle et puissante, via la fiction, est un vrai tour de force. Et encore une fois, ça va vous faire rire comme vous n’avez pas ri depuis longtemps.
Créée
le 1 oct. 2023
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