Fortitude, un thriller qui reprend les codes du polar scandinave
Fortitude est l’un de projets les plus ambitieux du network anglais Sky Atlantic, après le succès de sa série coproduite (Canal +), Tunnel, l’année dernière. Le pilote de Fortitude a, a priori, tout pour lui : créé par Simon Donald (Low Winter Sun), tourné dans un décor naturel grandiose (les glaciers islandais), la série se targue d’un casting hors-normes pour un pilote long d’une heure et demie – au premier rang duquel figurent les stars Stanley Tucci (Hunger Games), Michael Gambon (les Harry Potter), l’excellent Christopher Eccleston, récemment vu dans la série HBO The Leftovers ainsi que la talentueuse Sophie Grabol, l’intrépide Sarah Lund de The Killing version danoise. Bref, la chaîne a tout misé sur ce thriller scandinave aux sérieux airs de Twin Peaks. Pari réussi ?
Dans l’ombre de Twin Peaks
Il en faut, de la « fortitude » (courage, en français), pour s’immerger véritablement dans l’univers étouffant de cette communauté polaire, installée en plein blizzard au pied d’un glacier menaçant. Plus qu’une référence à la mythique Twin Peaks, on trouve parfois de véritables analogies avec la série la plus étrange de tous les temps : l’univers sonore de Fortitude rappelle les synthés pesants de la BO d’Angelo Badalamenti, compositeur fétiche de David Lynch à qui l’on doit également l’ambiance musicale anxiogène de Mulholland Drive. Et pour cause : Fortitude nous installe dans un flou ambiant : on s’attend à un meurtre qui n’arrive qu’à plus de la moitié de l’épisode ; le temps pour la série de poser les bases, de présenter les protagonistes dans leurs secrets et leur vices cachés.
Seulement, Fortitude souffre d’une mise en place trop longue. Dans un régime de concurrence rude où le pilote doit accrocher rapidement le spectateur, il n’est pas garanti que ce pilote qui par moments paraît interminable fasse ses preuves. Et pourtant, la suite est intéressante : Fortitude prolonge (consciemment ?) l’analogie avec Twin Peaks : le scientifique Charlie Stoddart (Christopher Eccleston) est retrouvé mutilé à mort chez lui par le sheriff Dan Anderssen (Richard Dormer), présent sur les lieux avant tout le monde. Dan est un personnage typiquement lynchéen : en apparence, c’est un membre fédérateur de la communauté, le gardien de l’ordre et de la paix. En réalité, assoiffé de pouvoir et de reconnaissance, il est prêt à tout pour garder sa position alors qu’arrive l’enquêteur étranger à la communauté et donc potentiel rival, Eugène Morton (Stanley Tucci). En outre, comment ne pas voir dans le Glacier Hotel Project de Hildur le reflet de l’ambition d’un Ben Horne et de son Grand Nothern Hotel dans TP ?
Des questions sociale, politique et écologique
Fortitude vend du rêve, sur le papier en tous cas. Hildur Odegard, femme d’affaire redoutable et responsable politique de la communauté (tout le monde l’appelle ‘The Governor’) fait de ce rêve son fonds de commerce : elle Habituée aux rôles de femme de tête, Sophie Grabol interprète ce rôle avec brio et justesse. Secondée par le sheriff Dan, Hildur doit protéger ses intérêts (économiques) en même temps qu’elle a pour devoir (politique) de trouver le coupable.
Pour certains donc, Fortitude s’avère être une opportunité formidable, une véritable mine d’or géologique et touristique. Pour d’autres, elle semble plutôt virer au cauchemar, tel un étau se refermant doucement sur ses habitants piégés dans la glace. A défaut de ce qu’explique une des scientifiques à un nouvel arrivant, tout le monde n’y est pas heureux. La stratification sociale s’y fait tout autant sentir, si ce n’est plus, qu’ailleurs. Les mineurs triment dans le froid tandis que les riches vendent leurs projets hôteliers et étudient les phénomènes biologiques de cet écosystème bien particulier. Des conflits sociaux qui pourraient bien être au cœur du meurtre ?
Fortitude, « the safest place on earth » ? Pas si sûr, au vu des événements qui viennent bouleverser la soi-disant quiétude qui y règne. Si elle prend (peut-être trop) son temps pour installer son intrigue et ses personnages, la série parvient à entraîner le spectateur dans un thriller psychologique intriguant mais qui manque de personnalité. A l’heure de la multiplication des séries du même genre (une communauté fermée, un meurtre, une remise en cause de l’organisation sociale), Sky Atlantic utilise un schéma narratif connu, sans grande innovation.