L'introduction du "Lord of Light" dans Game of Thrones était pourtant faite avec subtilité. Sa volonté était floue, et les personnages se trompaient en pensant le connaître, précipitant des destins dans des abysses de noirceur sous prétexte de se plier à la volonté divine. Pour la conclusion de la série, oubliez tout ça : désormais, on sait que tout finira bien, le Lord of Light y veillera. Les sacrifices n'en sont donc plus vraiment, puisque les personnages eux-même savent qu'ils serviront à faire triompher le Bien.
Le Bien, parlons-en tiens, puisque sa définition a progressivement changé au cours des 8 saisons de la série. Si dans Game of Thrones, la possibilité de noblesse n'a jamais été remise en cause, l'honnêteté de la famille Stark dans ses objectifs étant tout à fait véridique, la série ne se gênait pas pour invoquer des conséquences désastreuses pour celui qui poursuit cette noblesse sans une grande prudence. Et si au premier abord on pourrait croire que Daenerys, dans cette ultime saison, sert ce propos en amenant destruction et malheur là où elle souhaite amener le Bien, le Lord of Light, encore lui, viendra remettre les pendules à l'heure : Daenerys est punie de son orgueil, mais sert finalement malgré elle un plus grand Bien. Difficile de dire la même chose de Ned ou Robb Stark, dont les fins prématurées n'ont d'autres fonctions que de rappeler le chaos qui dirige l'univers.
Ce plus grand Bien, quel est-il ? À grande échelle, c'est Bran Stark en Roi des 6 Royaumes. Rassurez-vous et préparez-vous à vivre l'utopie, la Mémoire du Monde est désormais là pour veiller sur nous. Car Bran n'est plus un homme, il nous le répète depuis plusieurs saisons. Voilà un bel enseignement : pour arriver au Bien, il suffit de choisir pour souverain un individu dénué d'émotions. Pas facile à mettre en pratique... Bran n'est plus le gardien de l'ordre des choses qui appartient aux Humains, mais est devenu cet ordre des choses, et les Humains n'ont plus qu'à suivre sa volonté divine. Elles sont loin les premières saisons, où les souverains pensaient pouvoir échapper à leurs passions, précipitant ainsi tout un Royaume dans la ruine par péché d'orgueil. Encore une fois, Daenerys doit incarner cette idée, mais par le plus grand Bien que sa déchéance amène, l'enseignement que l'on est sensé tirer de son histoire parait bien fade.
Tout est bien dans le meilleur des mondes en somme. Autant pour le peuple que pour Arya, Sansa, Jon, Tyrion... Et tous les autres personnages, qui même dans le trépas trouvent leur rédemption. C'est que quand les choses convergent vers le Bien, ça ne laisse aucune place à la frustration d'un destin qui se termine trop tôt. On imagine donc que dans Westeros, sous le règne de Bran le Brisé, les destins se termineront de manière satisfaisante pour la Terre entière. Nous voilà rassuré.
De Avengers : Endgame, Game of Thrones empruntera donc cette absolue nécessité du Bien.
De Star Wars : The Last Jedi, Game of Thrones empruntera cette volonté de subversion trop superficielle pour laisser derrière elle autre chose qu'un champ de ruine.
On le voit de manière croissante : le public prend une place de plus en plus importante dans le processus de décision d'une production audiovisuelle aussi attendue que GoT, Avengers ou Star Wars. Cette dernière saison sonne comme un rappel que ce que l'on souhaite est rarement le choix le plus puissant émotionnellement. Oui, elles sont bien loin, les premières saisons qui nous expliquaient que l'univers ne se plie pas à nos notions de Bien. Peut-être que les artistes derrière ces superproductions devraient en prendre de la graine, afin d'arrêter de se plier aux notions de Bien du public.