Ça a commencé comme une saga à l’ancienne, située dans les temps anciens. La famille Stark contre les Lannisters. Des personnages en acier trempé, à chacun le sien. Moi j’aime bien le bâtard Jon Snow. Le nain à l’esprit agile, Tyrion Lannister, sans doute parce qu’il est un peu bâtard lui aussi. C’est mon côté bâtard qui s’exprime. Moi j’aime bien les bâtards, parce que j’en suis un moi aussi. La fille aux cheveux blancs m’a un peu énervée au début. Trop godiche, trop innocente victime, trop jolie…Daeneris Targaryen, trop soumise…
HBO a mis les moyens, et la forme est belle. C'est léché. C’est de l’héroïc fantasy montré de façon "réaliste", dans son petit écran ça fait boum! Les armures qui brillent, les péripéties multiples, le romanesque, la reconstitution parfaite à l'hollywoodienne. C’est un petit peu tordu, tout ce qu’il faut pour se délecter pendant une saison. Rois, reines, chevaliers, luttes de pouvoir, conspirations, meurtres, trahisons, alliances, du sang, de temps en temps. Et soudain, ça se gâte. Dans le bon sens, ça se gâte.
De feuilleton normal, ça devient un jeu de massacre, sérieusement tordu, et un peu plus sérieux, ensuite ça devient alors universel. Un vivant théâtre. Des premiers rôles tombent comme des mouches (!) d’autres évoluent, les enjeux deviennent plus complexes; même le plus petit second rôle, se révèle être un pion de plus, sur un gigantesque échiquier, dont le but est, non pas de savoir qui va s’assoir sur le trône de fer, (bien peu le pourront), mais plutôt, qui va pouvoir garder sa tête collée sur ses deux épaules. Et malheur au perdant !
Ça devient encore plus encore divertissant; et le sang qui ne coule jamais au hasard, un vrai exercice de style et de manipulation. Enjoy! Plus je regarde la série plus je me sens pervertit. Il ne faut pas avoir froid aux yeux, car on ne s’embarrasse pas de sentimentalisme. Les scénaristes semblent s’être directement inspiré de Machiavel. Les affaires de la cité ancienne, sont gérés de manière « propre » et rationnelle, comme dans toute cité moderne, sans le moindre affect perturbateur, avec un sens aiguë du politique. Faisant fi du fameux code moral ou d'une quelconque volonté divine. Tout passe comme dans une sélection naturelle aveugle, ce qui fait que les cartes sont souvent redistribuées au hasard. Ça peut surprendre au début.
Du management, comme du jeu d’échecs, le pion vaut plus que le roi des fois. Le roi est un pion de plus. On retrouve l’efficacité du montage américain. Pas de temps mort, ou pas de plan qui ne sert pas l’action. Un feuilleton novateur, car jamais vu. Un sens du spectacle, inspiré d’une saga littéraire réadapté avec méthode.
Quand on n’a pas lu les livres, comme votre serviteur, c’est super. Quand on a lu les livres, c’est super aussi, à moins d’être puriste forcené, ou enculeur de mouches, je dis. Car arriver à un tel résultat pour une multinationale du divertissement comme HBO, c’est pas mal du tout. Arriver à condenser la complexité qu’est un roman dans un film de 2 heures, c’est déjà un exploit. Alors imaginez une saga comme on en a là, c’est encore plus dur, l’enfer. Tout en sachant que chaque épisode doit faire 52 minutes top chrono, bonjour la transpiration. Sachant cela, les digressions et ellipses seront normales et bienvenues. Dans une adaptation, des trucs passent évidemment à la trappe. Encore plus dans une adaptation américaine. La poésie, le lyrisme, les petits détails ou temps morts, voire certains personnages, tout ça est normal. Cela reste superbe, et chaque épisode amène son lot de surprises, jusqu’à l’épisode suivant. La littérature laisse place à la leçon de narration évolutive, et la manipulation jubilatoire du récit, pour le plus grand plaisir des yeux et des sens. C'est animal parfois. Plus je regarde Game of Thrones, plus je me sens pervers et animal. Quelques bites et chattes à l’air, pour donner le cachet feuilleton pour « adultes ». Pourquoi pas, c’est pas désagréable...non?
Et à chaque épisode, le code de l’honneur s’effrite un peu plus, pour laisser place à la real politik, au sens où on l’entendrait aujourd’hui. S’il y a une leçon à retenir, c’est que personne n’est à l’abri dans cette série, pas même la sacro-sainte identification du spectateur, qui ne sait pas qui sera le suivant à se brûler les ailes au feu de l’action. Emporté, comme une feuille morte ou une quantité négligeable, personne n’est à l’abri ici. Seul le pouvoir compte, symbolisé par le trône de fer, et tous ceux qui tournent autour, dans un jeu de strategie sans égal. Et moi, j’adore ça. Comme le magazine « Management » qui parle de cette série. Comme beaucoup de magazines. Comme beaucoup d’internautes. Tout le monde en parle, en fait, de cette série. Phénomène de société inattendu ou calculé, je ne sais. Pari gagné.Pour une fois, ça ne me gêne pas. Je vais hurler avec les loups. Ça ne me gêne plus d’hurler avec les loups.
Le seul petit bémol, c’est que je vois beaucoup moins de merveilleux que prévu. C’est psycho-drama du moyen-âge antérieur, certes. C'est beau, racé, cruel, certes; mais on parle de dragons, d’esprits de la forêt, de white walkers, sans jamais les voir…
Et soudain, la première saison se termine par une surprise de taille.
De grosse taille...
Et ben ça alors!
Les bâtards...