"Giant Gorg" est une série génialissime, à découvrir absolument. Puisque vous souhaitez probablement que je vous donne quelques raisons, je vais donc le faire.
Il existe dans le cinéma japonais (comme dans le cinéma anglais, comme dans le cinéma russe, etc) des "mastodontes", des auteurs extrêmement connus dont les œuvres font figures de chefs d'œuvres et que personne n'oserait critiquer (Miyazaki, Toriyama, Otomo, Kon, Rintaro...). C'est normal, et on ne peut rien y faire, quand bien même ces statuts seraient parfois un peu trop flatteurs par rapport à la qualité réelle des œuvres.
Un des effets secondaires que cela peut avoir est généralement que des auteurs exceptionnels vivent toute leur vie dans l'ombre de ces géants, souffrant sans doute fréquemment de comparaisons idiotes qui ne riment absolument à rien, et créent des œuvres tout aussi géniales mais que les gens ne remarquent pas du tout. Cela s'appelle "l'arbre qui cache la forêt", et c'est extrêmement fréquent dans le cinéma. Il arrive que l'on discute avec des cinéphiles, et que ceux-ci, au bout de 5 secondes, essayent de vous expliquer qu'à part Miyazaki y'a rien de bien au Japon, que Hitchcock à été le seul réalisateur anglais entre 1915 et 1980, et que Zack Snyder a tout inventé dans le film d'action à Hollywood. C'est leur vision du monde et "si y'avait d'autres trucs on le saurait", prétendent-ils, et c'est évidemment hyper décevant, en général la conversation s'arrête vite ou on leur plombe la tronche.
Ce type de raisonnements m'a toujours poussé à explorer "ce qui se cache derrière" les œuvres les plus connues. Il faudrait être vraiment bête pour penser qu'on connaît tout, ou que rien ne reste à découvrir ou à redécouvrir. Alors j'explore. Et en explorant, j'avais découvert il y a quelques années l'excellent "Venus Wars" de Yoshikazu Yasuhiko. J'avais adoré les personnages, les concept designs, et la musique de Joe Hisaishi était géniale et comportait une chanson absolument incroyable ("Red Hot Circuit" d'Eiko Yamane). J'avais cru pendant un moment qu'il s'agissait d'un one-shot, de la seule réalisation notable de ce réalisateur, puis j'avais oublié le brave Yoshi.
Et récemment, j'ai eu l'occasion de voir Giant Gorg. Voyant qu'il s'agissait du réalisateur de Venus Wars, cela a attisé ma curiosité et je me suis lancé dans le visionnage des 26 épisodes de 20 minutes chacun (7 heures donc).
Dès le premier épisode, j'ai été satisfait par le rythme et l'ambition du scénario ; les personnages sont nombreux, ont des personnalités passionnantes qui évoluent au fil des épisodes, et l'histoire, qui se révèle au spectateur petit à petit, est extrêmement ambitieuse et jalonnée de cliffhangers palpitants. Non seulement les personnages sont nombreux et le scénario complexe, mais les ambitions de l'histoire sont sans cesse repoussées, les limites de l'univers dans lequel se déroule l'histoire se modulent de manière cohérente et passionnante, offrant ainsi une variété de lieux et d'actions que peu d'œuvres ont réussi à avoir. J'ai pensé que peut-être James Cameron l'avait vue, ce qui aurait pu inspirer Abyss ou Avatar, car il s'agit bien de ce type de fresque fantastique / S-F épique.
Aux côtés du personnage principal, un aventurier en culottes courtes, nous sommes donc embarqués dans une aventure aux proportions épiques sur plusieurs continents, dans les airs, en mer, sous terre, en ville, impliquant l'armée de terre, une flotte belliqueuse, des robots mystérieux, une jungle périlleuse, et de nombreux autres lieux regorgeant de précipices et de mystères que je ne vais pas spoiler, apportant à l'histoire des rebondissements et des développements absolument abracadabrants qui m'ont personnellement scotché à l'écran épisode après épisode.
Je tiens à souligner le développement des personnages, qui est assez rare en son genre dans une série de ce type à priori. Même plusieurs semaines après avoir vu la série, je peux facilement me rappeler des 15 personnages principaux tant ceux-ci ont bénéficié d'un travail d'écriture extrêmement soigné, tant leurs personnalités et arcs personnels apportent à l'histoire. Giant Gorg est visuellement magnifique dans sa création des univers et dans les ambiances, jusque dans les reflets et décors d'arrière-plan, et elle regorge de détails cocasses ou salaces disséminés par les animateurs, qui méritent de revenir en arrière et de faire pause sur certaines frames.
La quête des héros qui mènent un combat du bien contre le mal, ça sonne comme du déjà vu, et pourtant, tout dans cette série m'a frappé par son avant-gardisme, son originalité et son intemporalité. Même plus de 30 ans après sa sortie, la série pourrait très bien ressortir ou être l'objet d'un remake aujourd'hui sans pour autant paraître datée. Techniquement, le concept art et la qualité de la réalisation ont de quoi faire de l'ombre aux plus médiocres séries de notre enfance telles Hokuto no Ken ou Saint Seiya, mais des films plus récents, comme certaines productions Pixar, souffrent également de la comparaison (Les Indestructibles...) - et beaucoup de médiocres productions de S-F récentes. L'envergure des aventures que vivent les héros, et la portée philosophique des différents épisodes de leurs péripéties constituent la grande différence qui démarque la série d'autres productions du genre, et la place au-dessus de nombreuses œuvres, y compris de beaucoup de films récents du style "teen dystopia".
Il n'y a aucun doute pour moi qu'après avoir exploré le cinéma fantastique et de science-fiction des années 80 et 90 dans ses moindres recoins à la recherche de perles rares, il faudra désormais continuer de chercher dans les productions animées de cette période. On y débusque des œuvres qui ne seront jamais considérées comme "majeures" par le grand public, mais qui sont parfois bien meilleures.