Glee n'est pas forcément accessible à tout le monde, dès le début.
Pour commencer, elle fait référence au paradigme des lycées américains parfois un peu décalé pour les français. J'ai fait un passage assez court dans un lycée aux Etats-Unis, et c'est un monde à part. Vous seriez épatés à quel point les élèves ont autre chose à foutre que d'aller en cours. Et quand ils y vont, personne ne s'offusque si un élève dort ou si une élève se lève sans rien dire pour aller chercher une brosse à cheveux. Et oui, vraiment, il y a une pyramide sociale très établie. Les cools sont avec les cools, les moches avec les moches, et ainsi de suite. Du coup, en voyant ce système se dérouler dans Glee, on passe un peu à coté.
Ensuite, même dans les petits cours de chant du lycée, les élèves chantent comme çaaaaaaa, avec des vibes, des effets de bras, des danses synchronisées et un prof qui joue du piano comme Michel Berger. C'est effrayant. J'ai assisté à des cours où le prof annonce "oui, bon, ça c'est un truc sur lequel on bosse, on a pas répété depuis longtemps", avant que les élèves se mettent à chanter à 4 voix en faisant des salto arrières. Donc, il reste tout à fait crédible, pour les américains, que leurs ados soient capables de pousser la note comme Céline Dion, à la fraîche.
Tout ceci donne à la série un coté sympa au début. C'est sûr que si vous ne pouvez pas supporter les comédies musicales, les vibes, les gens qui chantent en en faisant des tonnes et les chorales héroïques, ne vous emmerdez pas, passez votre chemin. Grâce à l'indulgence du téléspectateur, on se laisse aller à apprécier ces personnages écrits sur un post-it aux émotions indexée par couleurs. ("là, ton texte est en rouge, alors tu es pas content. Toi, ta chanson est en bleu, alors tu me fais du triste. Et toi, bah comme d'habitude, ton texte est en rose alors tu es gay et mal dans ta peau. ACTION!") Glee ne fait pas vraiment dans le raffinement et assume assez vite cet aspect grossier. Il était de toute façon impossible de faire dans un quelconque réalisme tant la base était cousue de fil blanc. Mais comme ça chante tout le temps, les personnages assignés au phrases rigolotes fonctionnent plutôt bien, ça donne un résultat divertissant, énergique et fastoche à suivre.
Oui, Glee ce n'était ni subtil, ni intellectuel ou émouvant, mais c'était populaire. Dans le bon sens du terme. Exemple significatif, le finale de la première saison faisais écho aux premiers épisodes en misant sur un spectacle de reprises de Journey. Journey, c'est un groupe de rock FM connu de tous aux Etats-Unis,genre il y a toujours un type un peu bourré au karaoké pour beugler "Don't stop believing" tout en mimant la guitare dans le vide. Comme si une série française faisait un épisode de fin de saison avec du Goldman ou du Téléphone.
SUDDENLY, l'énorme succès est arrivé. Et là, plus rien ne va. Quand les débuts évoquaient la légèreté d'un Sister Act, la série au succès grandissant s'est prise pour ce qu'elle n'est pas. Finies les petites scènes chantées sympathiques, on gicle les scénarios bubble-gum, ça suffit les classiques populaires, Glee sera la sanibroyeur de la musique pop ou ne sera pas. En un an, les producteurs se sont imposés de passer à la moulinette les succès de la pop (Britney Spears, Madonna, Michael Jackson, etc) pour en faire du vomi. Chaque épisode est désormais un prétexte pour enchaîner les clips à la con, interprétés par des acteurs dépassés par les nouvelles ambitions de la série mais néanmoins persuadés de tout déchirer. Il n'y a plus de scénario, on met n'importe quoi en vrac et on compte le fric. Plus personne n'a l'air de faire attention au ridicule de la situation. Mention spéciale pour le très attendu épisode spécial Rocky Horror Show, qui a pris soin de violer un film mythique, note par note, une idiotie après l'autre.
Désormais, Glee n'est plus un innocent feuilleton de "performing arts" comme pouvais l'être Fame, mais une vitrine pour une troupe de marionnettes semblable aux Jonas Brothers. Une nouvelle compil Glee sort dans les bacs toutes les 5 minutes, le cast part en tournée, et la Musique en général se taillade les veines. Chaque "comédien" prépare un album solo, faisant mine d'ignorer que chaque performance de la série est bien entendu filmée 54 fois sous tous les angles, montée et surtout auto-tunée jusqu'à la mort par overdose de l'ingénieur son. Imaginez tout le cheptel de sitcoms AB Production et les singles ineptes de ses comédiens. Ok. Ajoutez maintenant de la mégalomanie, une montagne d'argent et des gens qui chantent comme çaaaaaaaa. Le cauchemar.
Cette série, en 18 mois, est partie d'un pas grand-chose sympathique pour atteindre le prout artistique. Bravo les connards.