グレート・ティーチャー・オニヅカ
Bon sang de bonzaï, c'est pas simple de parler d'Onizuka et de la série GTO, parce que ça t'oblige à retourner sur les bancs de l'école, ne fut-ce qu'en pensée, pour pouvoir en parler; et moi,...
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le 24 janv. 2022
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Sept sur dix, c'est faiblard quand on note une légende. Mais on ne regarde pas GTO avec le même œil à seize et vingt-six ans.
Légendaire. G.T.O marque indéniablement son spectateur ; personne n'en réchappe sans que ça n'ait fait impression. Anime issu du manga de Toru Fujisawa, je l'avais découvert sur Canal + en 1999 (qui diffusait à cette même période NGE et Cowboy Bebop. Excusez du peu). Ce qui m'amène à me demander s'il ne s'agit pas aussi de l'anime phare d'une génération spécifique.
Pourquoi choisir de critiquer la version animée en priorité sur le manga ? Il faut savoir que l'anime ne couvre en réalité que la première moitié du manga et invente sa propre fin (les deux derniers épisodes). C'est amputer le support originel d'une sacrée part que de se borner à l'arc Okinawa comme fin de scénario.
D'abord, ce n'est pas tant la version animée qui prime, mais la version animée française. Aujourd'hui, on n'écrit pas impunément sur G.T.O sans mentionner Benoît Dupac. Il est de ces comédiens de doublage qui impulsent une telle énergie dans les personnages qu'ils incarnent qu'ils vont jusqu'à sublimer ces derniers. Le Onizuka de G.T.O (mais pas de Shonan Junaï Gumi), c'est Benoît Dupac. Il s'est approprié le personnage et c'est en réalité à lui qu'est due la légende G.T.O en premier lieu. Qu'on accroche ou non à l'histoire, on ne reste pas insensible à la prestation de Dupac. Quel francophone qui se respecte a déjà regardé la version originale sous-titrée ? Demandez autour de vous : personne.
En définitive, la version animée n'aura pas inclus la deuxième partie du manga, cette dernière entrant en rupture avec la première. La seconde moitié recouvre simplement ce que Fujisawa faisait du temps de Shonan Junaï Gumi : bastons et mièvreries. Non. G.T.O, c'est bien plus que ça à l'origine. Onizuka, en dépit de son passif et de ses excentricités, fait office de figure de sage des temps modernes on ne peut plus crédible.
Plus question ici de loubards à l'ancienne et autres Bôsôzokus à recadrer à coup de mandales pour obtenir leur respect (c'est une technique comme une autre me direz-vous). Ici, c'est la jeunesse de la bonne société japonaise qui fait ses études. La troisième quatre. Tous ont beau être tirés à quatre épingles et propre sur eux, ils sont plus redoutables encore que ne l'ont été les adversaires d'Onizuka durant ses années de lycée.
Procédés sournois et vicieux, attaques détournées, rien qui ne se résolve avec ses poings. Un à un, Onizuka devra séduire ses élèves avec une leçon de vie pour les acquérir à sa cause. La légèreté du personnage et l'humour sont toujours de mise comme du temps de Shonan Junaï Gumi. Il est bon de voir qu'un auteur n'a vraiment pas peur de soumettre son personnage principal à la dérision et au ridicule le plus intégral qui soit sans s'inquiéter pour autant de ternir le côté branché du personnage qui restera immaculé. Charisme oblige.
Il y a ce côté insouciant, désinvolte et bon enfant qui, malgré la gravité des situations, nous enchante et nous berce d'un épisode à l'autre. On se laisse porter béat sans résister à ce qu'on nous sert.
Les élèves ont beau être malins, ils sont crédibles et réalistes dans leur rôle. Pas de génies incontrôlables qui tiennent (malgré Kanzaki). Tous ont leur faille et restent des gosses vulnérables. Contrairement à la deuxième partie du manga, la première - couverte par l'anime - sait créer du drame avec des situations vraisemblables susceptibles de se retrouver dans la vie réelle. L'association des parents fait office d'hydre redoutable et les collègues savonneurs de planche d'Onizuka sont délicieusement mesquins.
Cependant, avec du recul et un semblant d'esprit critique, on touche à ce qui m'amène à mettre un sept plutôt qu'un huit ou même un neuf. Malgré les morales du père Onizuka, malgré ses leçons de caïd qui passent mieux venant de lui que de la caricature du professeur chauve à lunette (incarnée par le vice-principal Uchiyamada), il faut reconnaître que tout ce qui a trait à l'instruction est méchamment laissé de côté. Rappelons que le «T» de G.T.O s'avère être l'initiale de «Teacher». «Enseignant» en anglais.
Onizuka est un professeur certes attachant qui sait ramener ses élèves dans le droit chemin, mais il est le plus piètre enseignant qui soit. Ses classes ne sont que des prétextes à la déconnade et ses plus fidèles acolytes ne sécheront les cours que trop souvent pour le suivre dans ses délires.
On retrouve le phénomène du Cercle des Poètes disparus : celui d'un enseignant charismatique qui; au nom de la créativité, la liberté et autres concepts creux, balaie du revers de la main le bien-fondé de l'enseignement classique. Seulement voilà, si à seize ans on se laisse berner par les sophismes et autres lieux-communs bienveillants d'Onizuka et Robin Williams, gagner en maturité nous amène à admettre que cette mentalité constitue une menace pour la transmission du savoir.
Le revirement est d'ailleurs brutal entre deux visionnages de l'anime. Alors qu'on apprend dans un premier temps à haïr le pointilleux Uchiyamada qui ne cessera de chercher à faire virer Onizuka, je me suis surpris dix ans plus tard à voir en lui le réel ange gardien de cette école. Sévère, borné, certes, mais conscient de son devoir de pédagogue.
Navré de politiser une légende de l'adaptation animée, mais le message envoyé est celui d'un cuistre casuiste. Onizuka n'est pas un modèle pour la jeunesse, c'est même une impasse qui bride le potentiel intellectuel de ses étudiants sous couvert de les initier à une vision de la vie plus aware.
Rien n'est plus fallacieux. Contrairement à ce qu'en pensent les concepteurs modernes de la médiocrité scolaire, l'école n'est pas un lieu de vie mais d'apprentissage. Tous les meilleurs sentiments du monde et autres poncifs gentillets ne sauraient contredire cela. Seulement... je conçois aisément que «ferme ta gueule et mets le nez dans les bouquins» n'est pas un message très porteur auprès des étudiants japonais pressurisés par le poids de leurs études. Là-bas, le message se veut peut-être plus justifié qu'en nos contrées. Mais il y a un juste milieu à atteindre entre l'inconséquence criminelle d'Onizuka et la rigidité excessive d'un Uchiyamada.
Pour ce qui est de la trame, l'anime enchaîne les arcs courts de deux-trois épisodes centrés généralement autour d'un élève ou d'un petit groupe particulier, jusqu'à se conclure avec un scénario original de deux épisodes décevants qui auraient mérité de laisser place à la fin du manga qui, elle, se voulait plus prenante.
G.T.O se veut peut-être l'adaptation du manga qui avait le mieux compris ses lecteurs d'alors et avait su les retranscrire dans son œuvre sans flatterie ni caricature. Peut-être est-ce aussi cela qui a fait la notoriété du manga en son temps et, par extension, de l'anime.
Hélas pour l'auteur, ses suites s'avéreront désastreuses et totalement dépourvues d'originalité. Poussée jusqu'au bout de sa logique, la recette G.T.O est imbuvable. Fujisawa, passé son manga phare, ne trouvera plus personne à qui la faire boire.
En dépit des carences sur le fond, je souhaite à tous les collégiens et lycéens de France de tomber un jour sur le premier épisode de cette série cultissime. Jamais la sensation laissée par chaque épisode ne tombera en désuétude. En dépit des griefs que j'ai à opposer au propos de l'œuvre, il faut savoir reconnaître qu'il y a un temps pour être jeune et un autre pour devenir sérieux.
Au fond, Uchiyamada n'est peut-être que l'avenir d'Onizuka.
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le 4 nov. 2022
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