1988 - Diffusion en france via VHS au début des 90's.
Bon ça va pas nous rajeunir tout ça. Gunbuster (Top wo nerae Gunbuster !) fut l'un des fers de lance du tout jeune studio Gainax après le long-métrage des Ailes d'Honneamise (1987, musique du grandiose Ryuchi Sakamoto, plein de prix raflés, blabla...). Pendant longtemps la Gainax fut l'un de mes studios préférés avec ceux de Ghibli côté animation japonaise. D'ailleurs le rapprochement peut se faire en l'état quand on sait que des animateurs de la Gainax ont débuté à la Ghibli. Hideaki Anno, réalisateur de Gunbuster, Nadia et Evangelion ne manque pas d'ailleurs d'y faire de petits clins d'oeil parsemés ici ou là. Dans Gunbuster, on remarquera par exemple des posters de Totoro et Nausicaä dans la chambre de l'héroïne. Dans une série comme Entre elle et lui, on hésite pas même à mettre du Totoro dans un passage de quelques secondes à l'humour complètement déglingué.
D'ailleurs il faut dire, la citation cinéphilique et les renvois d'une culture à une autre font toute l'importance et le sel de la Gainax. Pas de clin d'oeil à Miyazaki et Ghibli dans Amenobashi du même studio ? Pas grave, on va en profiter pour se marrer avec Stanley Kubrick, Rocky, Bruce Lee et j'en passe. Un régal absurde à se pleurer de rire, et je ne vous parle pas de FLCL (Fuli Kuli) qui franchit les limites de l'humour et du mauvais goût avec une sorte de classe monstrueuse. Cette irrévérence de sale gosse se dote en plus d'un brio technique assez fascinant et d'une volonté de ne jamais prendre le spectateur pour un abruti, voire même avec respect de lui offrir un spectacle qui sortirait du cadre et irait plus loin que le programme de base. C'est la mystique des Ailes d'Honneamise qui surpasse le simple aspect Etoffe des héros (conseils techniques de la Nasa potassés en plus pour le scénario et la conquête des étoiles à la base) et ses dernières minutes qui récapitulent tel un trip de 2001 l'odyssée de l'espace tous les progrès de l'humanité. C'est Evangelion et ses réflexions métaphysiques qui prennent le pas sur une simple histoire de robots géants à priori pour s'achever sur deux épisodes finaux expérimentaux qui traduisent la psychée et l'acceptation de soi d'un enfant et de ses camarades.
Et donc Gunbuster, pur produit de son époque 80's à la base (ils n'avaient pas prévu la chute du communisme... La présence de Jung Freud, pilote soviétique --aux noms de psychanalistes célèbres pour montrer son génie de tacticienne ?-- du coup fait sourire) va lui aussi proposer quelque chose de simple en apparence (des aliens aussi monstrueux que ceux de Starship Troopers qui ont une sérieuse préférence pour envahir les galaxies et les incuber, du coup la Terre est mal barrée si elle ne riposte pas) pour aller beaucoup plus en profondeur et au delà. Si par exemple les deux premiers épisodes comportent leurs lots de scènes rigolotes et complètement décalées (mention spéciale à la parodie des Chariots de feu où une des deux héroïnes s'entraîne sur fond de musique à peine reprise de Vangelis --on change juste deux-trois notes pour pas se fouler hein), c'est justement pour qu'on s'en prenne plein la tronche en noirceur progressive par la suite ne nous leurrons pas. Le premier épisode avec la mort du père et ce deuil comme une blessure traumatisante qui ne s'est jamais refermée pose déjà les bases du manque d'assurance que la jeune Noriko devra regagner coûte que coûte.
Mais Gunbuster ce n'est pas que du pathos même si l'aspect mélodramatique de cette mini-série est des plus développés. C'est d'abord une oeuvre de SF ambitieuse qui tente de réconcilier vaillamment Space-opéra (les références cinéphiliques abondent là aussi. Les stations spatiales ont l'air de sortir de chez 2001 de Kubrick, c'est dingue) et robots géants japonais (le fameux Gunbuster gigantesque n'arrive que dans le 4e épisode même si l'on entraperçoit sa tête dans le troisième, histoire d'interroger subtilement le spectateur). A ce titre le design et l'intérieur des vaisseaux, que ce soit ceux de la flotte et surtout L'Excelion (et bien plus tard dans le dernier épisode L'eltreum de plus de 70 km) sont remarquables et tiennent la dragée haute encore à pas mal d'oeuvres actuelles.
Les idées se bousculent à flot et pourront même être reprises par d'autres standards d'animation par la suite (le pont du vaisseau de Wall-e avec sa piscine ne cherchez pas il y a aussi un pont avec piscine ici déjà sur L'Excelion). Surtout, on sent bien que Gunbuster (tout comme Nadia) permet de placer par petites touches des détails et idées qui seront ensuite reprises et développées et poussées à fond dans Evangelion (je pense à ces robots dont les cables font comme un cerveau --cf capture sur le blog en lien dessous--, sans oublier la connexion du pilote avec sa machine : il faut être deux pour piloter Gunbuster --pardon ? Pacific Rim ?-- et même si l'on a pas encore l'idée que le pilote fusionne corps et âme avec sa machine comme ce le sera violemment dans Evangelion en épargnant aucunement la souffrance du pilote de la machine quand elle se fait démembrer, l'une des scènes finales du dernier épisode de la saga Gunbuster ne peut qu'y faire curieusement penser après coup --nononon je spoile pas !).
Enfin donnée importante de la SF côté technique, les sauts à travers l'espace (on ne parle pas d'hyper-espace mais de warp en sub-espace) et bien sûr le temps, celui en vitesse rapprochée de la lumière restant inchangé pour celui qui le pratique mais pour un observateur resté à distance sur Terre, il y aura risque d'avoir vieilli. Et la série de jouer là-dessus brillamment (l'épisode 2 introduit cette donnée pour partir en expédition) tout le long, quitte à en faire le thème principal de la saga qui en apporte un autre : l'isolement croissant de l'héroïne dans la solitude au fur et à mesure qu'elle ne rajeunit pas dans l'espace alors que sur Terre pour les proches, les années passent impitoyablement. Dès lors le suspense portera de plus en plus sur la lourde charge qui attend nos héroïnes face au facteur temps et une humanité qui ne les concernera plus vraiment.
Et puis la mise en scène. Basique mais au montage souvent serré, n'hésitant pas à jouer sur l'imagerie (l'aspect romantique d'une scène dans le premier épisode pour se gausser gentiment), et des effets de style qui peuvent prendre place l'espace d'un instant (l'ecran devenant noir et blanc avec des trames pour donner un effet manga papier dans une scène tragique), voire tout un épisode. Ainsi du dernier, au format changeant, bandes noires comme un film, noir et blanc... mazette. Officiellement, la Gainax a tout donné dans ce qui a précédé et n'a même plus de budget couleur. Officieusement l'impact chez le spectateur magnifie ce volet final, amenant la série a du grandiose génialement audacieux.
Enfin, et ça c'est propre à la Gainax il faut le souligner, la série ne s'embarrasse pas de pudeur ou de questions de nudité. D'ailleurs la Gainax elle-même ne s'embête pas à traiter de sujets adultes et dérangeants dans ses oeuvres. Ici un trauma et la solitude. Dans Diebuster (aka gunbuster 2 mais en moins fort) tout comme Les ailes d'honneamise, une tentative de viol (absente de la version française pour ce dernier mais en VOST, alors que la scène a été coupée, les sous-titrages, décalés, s'y réfèrent !). Dans Nadia et Evangelion, c'est la mort qui fauche, frontalement ou d'une manière plus souterraine. On souffle alors un peu plus avec Amenobashi ou FLCL, plus légers, quoique... Donc il y a de la nudité dans Gunbuster, soit. Peu mais de quoi quand même surprendre un tout petit peu. Et surtout, en bons perfectionnistes, ce sont les seuls à avoir mimé le mouvements des seins en animation quand une héroïne n'a pas de soutien-gorge. Jamais, oh grand jamais, vous ne verrez ça chez Disney, Pixar, Dreamworks et j'en passe. C'est un détail mais somme toute il a son importance. Oh ben si quand même. C'est un peu comme si des techniciens du studios disaient à leurs voisins qui ont un autre studio d'animation à côté "ah oui mais chez nous nos personnages féminins ce sont de vraies femmes, pas des marionnettes qu'on anime tout bonnement". Bon je blague mais vous aurez compris pourquoi on aime Gunbuster, pour la somme de tous ces détails qui au final délivrent une oeuvre unique.