Gundam Reconguista in G
4.7
Gundam Reconguista in G

Anime (mangas) MBS (2014)

Pour le pire mais surtout le meilleur, Yoshiyuki Tomino semble bel et bien avoir renoncé à ce surnom de « Kill’Em All » qu’on lui attribua il y a plus de quarante ans à présent. Pour le meilleur car si un récit se doit de présenter des conflits afin de conserver l’attention du public, on ne peut pour autant affirmer que les luttes ainsi décrites doivent obligatoirement se conclure par des meurtres de masse et autres atrocités dont le principal intérêt semble avant tout de flatter les penchants sadiques d’une certaine catégories de spectateurs. Les évolutions du genre mecha lui permettent maintenant de se passer de ce genre de facilités qui, au reste, n’ont jamais vraiment convaincu personne même si elles participèrent à une certaine maturation du domaine. Il faut bien grandir après tout.


Voilà pourquoi les spectateurs habitués aux carnages à grande échelle dont Tomino fut sans conteste le précurseur se trouveront sans doute fort déçus en constatant que Gundam Reconguista in G s’aligne bien moins sur les œuvres du réalisateurs qui firent sa renommée que sur celles plus récentes, comme Brain Powered (1998), Overman King Gainer (2002), voire The Wings of Rean (2005) et bien sûr Turn A Gundam (1999), avec laquelle, justement, la production chroniquée ici entretient une parenté assez floue, pour ne pas dire contradictoire – mais il ne s’agit pas du sujet de ce billet. Le reste du public, lui, se félicitera de voir un auteur qui n’a plus rien à prouver depuis longtemps tenter de se renouveler en s’orientant dans une direction différente et somme toute bienvenue.


Car il y a de la joie dans Reconguista…, pour ne pas dire une certaine légèreté, qui peut décontenancer au départ avant de devenir la première raison d’y retourner pour prendre sa dose de bonheur. Or, cette gaieté transpire de l’ensemble du récit, à travers ses personnages en particulier et son protagoniste principal en tête de liste : Bellri Zenam, et c’est là une particularité qui le rapproche beaucoup de Loran Cehack, le pilote du Gundam de Turn A, on y revient, ne présente du moins en apparence aucun trait de caractère négatif, au contraire de ses prédécesseurs Amuro Ray, Camille Bidan ou *Judau Ashata*n, voire même Uso Ewin – encore que ce dernier, et peut-être en raison de son très jeune âge, restait remarquablement équilibré par comparaison avec les autres ici cités.


En témoigne l’animation du générique de fin où tous ces personnages se retrouvent liés dans une espèce de farandole sans aucune distinction entre les différents camps pourtant en opposition les uns envers les autres, comme si ceux-ci, en fin de compte, ne prenaient qu’une signification somme toute mineure, pour ne pas dire négligeable. Comme pour tout récit, l’intérêt de Reconguista… se trouve avant tout dans ses personnages. La nouveauté, ici, vient de ce qu’il s’agit d’une série Gundam et qu’une telle focalisation sur les caractères au lieu du groupe qui suscite en général leurs motivations respectives reste un procédé narratif assez inédit. Reconguista… s’affirme donc comme un récit de personnages avant d’être un récit de guerre, ce qui permet au passage de mesurer le chemin parcouru par son auteur.


Pour le reste, on ne peut passer sous silence la complexité du scénario qui tend nettement à rendre celui-ci assez difficile à suivre. D’une part parce que Tomino présente son univers alors que l’histoire avance, ce qui reste d’ailleurs une méthode narrative typique de la science-fiction littéraire, plongeant ainsi le spectateur dans le bain sans réelle explication, du moins jusqu’à ce que celle-ci se présente enfin, parfois un peu tard. D’autre part parce que le nombre d’épisodes ici réduit de moitié par rapport à ce que le réalisateur manie d’habitude dans une série Gundam force la narration à expédier les événements à travers nombre d’ellipses. Enfin, on ne trouve pas deux, ni même trois, mais rien de moins que quatre factions différentes, et chacune avec ses propres motifs bien évidemment.


Soulignons néanmoins que ce détail se montre peu trivial dans le sens où il permet de focaliser la réalisation sur ses personnages, encore eux, en rendant finalement assez secondaire l’environnement dans lequel ils évoluent : perdu dans ce maelström d’antagonismes, de stratégies et de diplomatie, le spectateur ne peut plus se raccrocher qu’au plus évident, les protagonistes eux-mêmes. Et si certains auraient peut-être apprécié un peu plus d’approfondissement des divers éléments composant cet univers, il vaut néanmoins de préciser que ceux-ci se trouvent tous bien assez explicités pour justifier les agissements des personnages sans qu’il soit nécessaire pour le réalisateur de perdre du temps sur des expositions finalement assez secondaires.


Bref, il s’agit bel et bien d’un récit, non d’une encyclopédie d’un futur possible, et comme il se doit les protagonistes y prennent la plus belle part. Quant à ceux qui trouvent que Tomino a mal vieilli, ils se verraient bien inspirés de mûrir le proverbe bien connu à propos des vieilles marmites et des meilleures soupes plutôt que celui tout aussi célèbre concernant les naufrages : Reconguista… est peut-être ce que le réalisateur a fait de moins marquant dans la franchise mais c’est tout aussi assurément ce que celle-ci peut présenter de plus exceptionnel sur le plan de la narration.


À une époque où les reboots et les préquelles se perdent dans tous les sens, on ne voit pas souvent une référence aussi vénérable que celle-ci parvenir à une réinvention aussi réussie.


Notes :


Reconguista vient de l’espagnol Reconquista, ou Reconquête en français, qui désigne la période du Moyen-Âge où eut lieu la reconquête, par les royaumes chrétiens, des territoires de la péninsule Ibérique et des îles Baléares occupés par les musulmans. Tomino en modifia l’orthographe afin d’y insérer un son nettement en G. Cette racine espagnole est aussi une référence au territoire de la nation Capital, situé en Amérique du Sud. L’autre G du titre fait référence à ground, soit le sol en anglais.


Gundam Reconguista in G obtint les meilleurs taux d’audience de l’automne 2014 selon Sony Computer Entertainment. Dans le numéro de janvier 2015 de Newtype Magazine, la série est citée comme étant la troisième meilleure, la quatrième la plus regardée et la dixième la plus téléchargée de l’année.


Si la série fait plus souvent référence à la chronologie Universal Century qu’à celle précédant le Regild Century, Tomino a précisé lors d’une interview que Reconguista in G se déroule en fait cinq cent ans après Turn A Gundam et donc après le Correct Century.


L’élévateur spatial autour duquel s’articule l’intrigue semble référencé dans l’épisode 33 de Turn A, à travers un dialogue entre Quoatl et Sid Munzer.


Reconguista in G est la première série Gundam depuis Turn A qui n’utilise pas de séquence précédant le générique.


Le terme Gundam n’apparaît dans aucun dialogue avant l’épisode 16.

LeDinoBleu
7
Écrit par

Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur et l'a ajouté à ses listes Science-fiction, Mecha et Animation

Créée

le 1 déc. 2017

Critique lue 1.1K fois

3 j'aime

LeDinoBleu

Écrit par

Critique lue 1.1K fois

3

D'autres avis sur Gundam Reconguista in G

Gundam Reconguista in G
LeDinoBleu
7

Le Retour du maître

Pour le pire mais surtout le meilleur, Yoshiyuki Tomino semble bel et bien avoir renoncé à ce surnom de « Kill’Em All » qu’on lui attribua il y a plus de quarante ans à présent. Pour le meilleur car...

le 1 déc. 2017

3 j'aime

Gundam Reconguista in G
Bendhi
5

Tomino acte 6 ou la pseudo défaite d'un réal qui se bat contre lui-même

Suivre la franchise Gundam, c'est passer par des stades avancés de questionnement sur les intentions des scénaristes. Alors quand le scénariste est le créateur, Yoshiyuki Tomino, mon appréhension est...

le 29 avr. 2016

1 j'aime

1

Du même critique

Serial Experiments Lain
LeDinoBleu
8

Paranoïa

Lain est une jeune fille renfermée et timide, avec pas mal de difficultés à se faire des amis. Il faut dire que sa famille « inhabituelle » ne lui facilite pas les choses. De plus, Lain ne comprend...

le 5 mars 2011

45 j'aime

L'Histoire sans fin
LeDinoBleu
8

Un Récit éternel

À une époque où le genre de l’heroic fantasy connaît une popularité sans précédent, il ne paraît pas incongru de rappeler qu’il n’entretient avec les légendes traditionnelles qu’un rapport en fin de...

le 17 août 2012

40 j'aime