Je ne sais pas quels facteurs ont été pris en compte pour décider de diffuser en francophonie un anime de baseball aussi niche que Gurazeni, mais étant l’un des trois clampins ayant suivi cette série avec ferveur, il me semble être de mon devoir de partager mon appréciation.
Gurazeni est l’histoire de Bonda Ryuunosuke, un joueur professionnel de baseball modestement apte au sommet de la discipline. On ne compte plus le nombre d’animes sportifs mais ceux qui s’éloignent des milieux scolaires sont aussi rares qu’appréciables. Plus encore, cette série fait partie de ces perles rares qui explorent leur sport dans une dimension particulière. En effet, Gurazeni suit les usages du sport sur le terrain mais surtout s’aventure dans les coulisses plus discrètes du management et de la gestion de carrière.
On arrive au paragraphe où je suis sensé vous convaincre que cette série est incroyablement abordable pour le néophyte de baseball, mais je n’en ferai rien dans ce cas-ci : Gurazeni s’adresse vraiment aux férus de la batte et ne possède pas la gravité émotionnelle des shonens sportifs habituels qui rendent ces derniers plus accessibles. Au lieu de cela, c’est une sobriété intellectuelle bien moins attractive, mais tout aussi passionnante et humaine, qui caractérise Gurazeni.
La richesse de l’oeuvre est rapidement apparente dès les premiers épisodes, alors que Bonda, passant la plupart de son temps sur le banc lors des matchs, nous décrit en véritable initié toutes les subtilités de la ligue de baseball japonaise. Ses réflexions émanent bien souvent à partir d’observations d’autres joueurs dont il décrit le profil ainsi que le parcours.
C’est au final une galerie variée de professionnels qui est établie au fil de ses 24 épisodes, et lentement mais sûrement, Gurazeni dévoile un attrait plus universel au fur et à mesure qu’un thème commun se dessine à travers chacun des récits. En effet, l’oeuvre nous raconte avant tout comment la réalité change pour les personnes devant vivre de leur passion. Ainsi pour ces joueurs de baseball, chaque apparition sur le terrain n’est plus l’expression candide de leur amour pour le jeu, mais devient aussi, ou seulement, une chance d’améliorer leur performance moyenne, la valeur de leur C.V. et de leur poids salarial. Leur rêve ne réside plus uniquement dans les homeruns et dans les applaudissements, mais également dans un pécule de fin de carrière suffisamment grand pour se retirer dans une retraite confortable.
Alors que les arcanes du métier se dévoilent, Gurazeni nous montre à merveille cette vie particulière à triple vitesse, faite de doutes, de budget, d’aspirations, de luxe, d’entraide et d’inhumanité statistique. Nous pouvons facilement comprendre après cette série comment une carrière sportive éphémère et à l’impact si durable est une voie difficile à arpenter. Seuls quelques élus peuvent réellement arriver jusqu’à au bout du sentier, en marchant sur les dépouilles d’adversaires et de co-équipiers légèrement moins exceptionnels, ou plus simplement plus malchanceux, qui doivent quant à eux bien souvent s’arrêter à mi-chemin avec sous leurs yeux un avenir bien souvent incertain.
Le message de Gurazeni pourra apparaître à plusieurs reprises comme une mise en garde mais la série ne cède que rarement au cynisme et se veut être profondément optimiste. Ce ton se construit entre autres par l’intermédiaire d’un humour régulier, un ton généralement léger ainsi que par des anecdotes qui rythment le quotidien de Bonda.
Ce dernier est véritablement l’ancrage émotionnel de l’anime. Il lui donne une image vivace au-delà de l’approche de documentaire et il s’avère difficile de ne pas être derrière les espoirs de ce petit bonhomme affable.
Malgré 2 saisons assez courtes au vu du rythme de l’oeuvre, clairement construit comme un « roman fleuve » autour de la carrière de Bonda, et des visuels qui ne donnent pas très envie, Gurazeni passe graduellement de la simple curiosité originale à un anime spécial auquel on s’attache. J’ai regardé, analysé et savouré Gurazeni avec autant d’appréciation qu’envers les divertissements les plus explosifs de cette année. Tel un OVNI ou un cadeau venu du ciel, cette oeuvre est une surprise inattendue de 2018. Bien qu’elle ne soit pas vouée à la célébrité, c’est ce type de série à part qui enrichit considérablement les catalogues saisonniers d’animes et j’espère qu’elle a su, ou saura, trouver son public, aussi restreint soit-il.