Je n'ai pas de mots... merci ?
Passionnant rien que pour les yokai et leurs façons de penser bien différentes du petit humain qui suit son train-train effrénement avant que la mort ne l'emporte.
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le 24 déc. 2013
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Je connaissais l'existence du manga Ge Ge Ge Kitarou, mais c'était juste un nom pour une série populaire au Japon dans les années 60 et qui avait une nouvelle mouture en 2018 ou 2019. Je n'avais même pas fait l'effort de chercher à voir le nouvel animé, ça pouvait attendre et je ne m'étais pas renseigné sur ce qu'il y avait dedans, je n'avais même pas lu un synopsis. Je connaissais uniquement le portrait dessiné du héros. Puis, là, je lance par hasard une nouvelle série Hakaba Kitarou en onze épisodes. Les premières secondes, avant le générique, je suis scotché. On a des décors de dessins crayonnés avec des couleurs sombres, des hachures, vraiment du dessin de chez bande dessinée mais en dessin animé, un truc très rétro, très années cinquante, un truc très adulte, très sombre. L'animation est cheap, mais avec un ajustement parfaitement envoûtant. Une atmosphère est directement créée, on a l'herbe en gros plan qui s'agit au vent, une herbe épaisse et drue, mais très sensuelle, en même temps qu'élément d'un cadre inquiétant sous la Lune. On a aussi des gros plans sur les bâtiments, sur les murs, des images très décalées pour accentuer les murs et mettre les personnages sur le côté. Puis, la scène est elle-même fantastique aux deux sens du terme. Le gars essaie de dormir, et une voix de femme le dérange, le prie d'ouvrir, c'est une voix de la vie normale, mais insistante, et comme c'est le milieu de la nuit, son insistance rend cette voix normale bizarre. Cette femme a l'air de trouver son acte normal, mais nous on sent que le drame cherche à entrer. C'est ce que dit le héros en voix off d'ailleurs. Le héros ouvre la porte, la femme on n'en voit que la chevelure, il achève d'ouvrir la porte, elle a disparu, mais a laissé un cadeau. Le gars ouvre la boîte, l'image préfère nous montrer son visage qui se fige d'horreur, puis le plan s'élargit, mais on ne fait qu'entrevoir ce qui est horrible, on nous fait languir quelques secondes avant de bien nous montrer de quoi il s'agit.
Puis, on part sur un générique d'ouverture qui sera le même pour tous les autres épisodes. Et là, on a les bordures rectangulaires d'une BD et des dessins toujours aussi rétro pour la plupart, mais différents de style, tout en étant pourtant toujours aussi marqués BD des années 60, etc. Le chant est un persiflage hallucinant sur une musique dansante mais obsessionnelle, sur un rythme qui vous ferait chanter à tue-tête. Le refrain est complètement fou de la "mononoke dance". Je ne parle pas d'un morceau que je vais mettre pour l'écouter, mais je parle d'un morceau parfaitement judicieux pour mettre une claque au spectateur et pour le préparer à l'ambiance dérangée de ce qu'il va regarder. Le générique de fin ne sera pas du tout à la hauteur, c'est vraiment le générique d'ouverture qui est exceptionnel. Pour l'image, il est fait d'images fixes avec des bordures rappelant la BD, et on a des bulles introduites ou quelques petits mouvements. Il faut faire arrêt sur image pour avoir le temps de bien lire les textes malheureusement. Mais, bref, une belle entrée en matière. La musique est très moderne en revanche, elle est anachronique par rapport aux dessins et du générique et de l'animé, et de ses récits, mais elle apporte sa touche cohérente à l'ensemble.
Il s'agit donc d'une énième adaptation du manga de 59 et donc en gros des années 60 Kitaro le repoussant. Le héros est le dernier représentant de la tribu des fantômes et vit parmi les humains, ainsi que quelques autres créatures d'épouvante. C'est l'occasion de récits étranges où se mélangent les dimensions du monde, de l'enfer et du court-circuit onirique pour déboucher sur un humour pince-sans-rire métaphysique et grinçant.
Les onze épisodes racontent chacun une histoire, mais il y a une continuité et parfois deux épisodes vont ensemble pour raconter une aventure. Mais, ce qui est raconté n'est pas habituel. Le récit va d'un début à une fin, mais c'est assez peu sur le modèle d'une intrigue qui pose un problème et qu'on résout ensuite. Dans le premier épisode, on a une introduction avec la naissance du personnage principal. J'ai reconnu Kitarou dès le générique et j'ai compris ce que j'allais regarder du coup. Mais, au début, on a les parents de Kitarou, la mère n'est qu'enceinte, et on a un humain qui fréquente ses deux parents mais avec répugnance. Les deux parents meurent, et il se retrouve avec l'enfant sur les bras, mais veut d'abord s'en débarrasser, et cela crée une relation unique : le héros a un père adoptif, mais il sait qu'il n'en est pas aimé. Kitarou a perdu un oeil lors de son premier contact avec le père humain adoptif, il a essuyé un rejet. Et ce qui est fascinant, c'est cet équilibre subtil où le visage de Kitarou a quelque chose de mauvais que les gens interprètent mal, mais qui est le ressenti du manque d'amour de tous les humains, y compris de celui qui l'a recueilli. L'absence d'un œil crée aussi quelque chose de désagréable à l'écran, et on voit que l'enfant a une bonne nature à plusieurs niveaux, mais il a ce regard mauvais en société, le rire méprisant pour les humains. Comme invention de personnage, c'est vraiment génial. Le vrai père de Kitarou n'est pas tout à fait mort, il a rassemblé ce qui lui restait d'âme dans un unique globe oculaire monté sur un corps miniature. Il a aussi une veste particulière qui prend de l'importance à certains moments du récit, mais déjà Kitarou et son vrai père on a un truc horrifique à l'écran et les histoires sont d'emblée déstabilisantes. Le père adoptif se fait piéger en enfer pour avoir voulu gronder ce fils, et le spectateur passe par des tas de questions sur la relation de cet humain avec son fils adoptif Kitarou. Les épisodes enchaînent avec d'autres histoires inquiétantes et d'autres personnages loufoques. Et Kitarou est effectivement répugnant mais malgré lui. Son régime alimentaire nous dérange, son caractère borgne et son mépris rancunier nous dérangent, mais il est pris aussi dans des situations qui le dépassent. Il se fait à un moment donné voler son âme. Le personnage devient humainement attachant, bien qu'en même temps on sent qu'un désamour fait qu'il ne se sont pas concerné par le sort des humains. On n'a pas le personnage qui fait pleurer parce qu'il est si gentil et que personne le comprend. Non, il a un bon fond, mais il est un peu amorphe, le désamour le rend passif. Et l'humour particulier à la série nous vaut un héros qui, de toute façon, ne sauverait aucun humain, pas même son père adoptif, dans une situation délicate, il n'y a que son père réel qui lui importe. C'est vraiment bien foutu. Toutefois, une fois que le père adoptif disparaît de la série, le héros a quelque chose de plus cynique et perturbant par moments. Il a pourtant deux amours, et il faut apprécier leurs charadesigns bien contrastés.
D'autres personnages non humains entrent évidemment en scène, les histoires tournent à la catastrophe, on a pas mal de surprises dans le scénario, des trucs imaginatifs s'accumulent. On a aussi un auteur qui ne s'embarrasse pas de justifier la vraisemblance de certaines situations. Un personnage est identifié publiquement avec telle tare, il est rejeté, mais après il vit sa vie personne ne vient le chercher là où il est, c'est le cas du héros mais pas seulement. Il y a un démon diplômé qui n'hésite pas à passer à la télé dans un projet pour s'enrichir. Les situations sont loufoques, mais imaginatives et on a une peinture intéressante de sentiments humains, et je n'ai pas dit une peinture des coeurs humains, mais une peinture de sentiments humains. Ici, on voit les êtres sous un jour triste qui les amoindrit.
Certains passages font vraiment rire également, et il y a quelques astuces qui pourraient passer inaperçues, par exemple le piège à souris américain qui est surdimensionné : les américains font tout plus grands, mais j'ai pensé aussi à Mickey. Une table ronde m'a aussi fait songer à Docteur Folamour. Jusqu'au dernier épisode, l'inventivité est reine avec les monstres olympiques : la plante ambulante, le chemin qui se déplace ou l'oiseau qui se fait applaudir pour un acte exceptionnel je ne vous dis pas lequel...
Evidemment, l'animation est cheap, mais avec un bon ajustement, et je me régale en continu des dessins. C'est un art graphique qui me convient tout à fait avec des gros plans trop gros plans, une façon de colorier à grands traits saccadés comme un enfant mais avec la maîtrise d'un adulte, avec des images comme passées à l'eau pour être décolorées sur les bords, avec des plans inclinés d'un monde complètement déséquilibré, etc., etc.
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Créée
le 26 oct. 2020
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