Hippocrate, diffusée sur Canal+ en 2018, c’est un peu comme si Urgences avait passé six mois en stage intensif dans un hôpital français en pénurie de personnel, où l’humour noir se mélange aux bip-bips des machines et aux mines fatiguées des internes. Ici, pas de héros en blouse immaculée qui sauvent des vies avec des répliques ciselées, mais une équipe de jeunes médecins qui tentent de maintenir la barre dans un bateau qui prend l’eau plus vite qu’une course-poursuite entre un seau percé et un robinet cassé.
L’histoire se concentre sur une poignée d’internes – Alyson, Hugo, Chloé – et de vieux routards du service hospitalier, qui se retrouvent soudain à gérer l’impossible quand une quarantaine met l’hôpital sens dessus dessous. C’est l’équivalent d’un "bon courage" lancé par un collègue en quittant le bureau, mais version cauchemar médical : tout le monde est dépassé, tout est urgent, et l’espoir est aussi fin que le fil de suture d’un débutant.
La force de Hippocrate réside dans sa capacité à transformer le quotidien hospitalier en thriller haletant, sans pour autant tomber dans le piège des séries trop dramatisées où chaque faux diagnostic se résout miraculeusement à la fin de l’épisode. Ici, les erreurs ont des conséquences, les larmes coulent sans musique déchirante, et chaque succès est accueilli comme une victoire remportée au prix de nuits blanches et de litres de café. Le stress est palpable, et chaque silence devient une note de suspense dans cette symphonie de bip-bips et de portes qui claquent.
La série nous immerge dans la complexité de l’environnement hospitalier avec une sincérité presque cruelle. On ressent la fatigue des personnages, le poids des responsabilités, et l’imprévisibilité d’un milieu où chaque minute peut basculer du "rien à signaler" au "préparez la salle d’opération" en un battement de cœur (littéralement). Les dialogues, souvent taillés dans le vif et teintés d’un réalisme sans concession, ajoutent à l’immersion.
Le casting est impeccable : Louise Bourgoin incarne Chloé, la médecin chevronnée qui navigue entre ses émotions et son devoir avec la précision d’un funambule sur le fil du burnout. Hugo (Zacharie Chasseriaud), le petit interne qui semble constamment osciller entre "Je maîtrise" et "Je vais m’évanouir", apporte une touche de vulnérabilité qui résonne. Et puis, il y a Alyson (Alice Belaïdi), qui balance entre sarcasme et compassion, une dualité qui résume bien le combat intérieur de tout soignant confronté à des choix impossibles.
Visuellement, Hippocrate joue la carte du réalisme : néons blafards, chambres impersonnelles et couloirs trop étroits où les urgences se bousculent. On est loin des hôpitaux glamour des séries américaines ; ici, tout respire le stress authentique et la tension palpable. Chaque plan semble crier "Ce n’est pas un décor, c’est la vraie vie", et on le croit sans peine.
Cependant, l’ambiance sombre et la pression constante peuvent être étouffantes. Hippocrate n’est pas là pour vous bercer de faux espoirs ou vous distraire gentiment. C’est un rappel brutal que le métier de médecin, loin des clichés héroïques, est souvent synonyme de doutes, de sacrifices, et de courses effrénées pour des résultats qui ne sont jamais garantis.
En résumé, Hippocrate est une série où l’humanité, avec ses forces et ses faiblesses, est sur la table d’opération. C’est un récit qui nous force à regarder la réalité en face, avec toutes les sueurs froides et les bouffées de soulagement que cela implique. Préparez-vous à vivre des nuits de garde par procuration, sans le café, mais avec toute l’intensité d’une plongée au cœur d’un hôpital où chaque jour est un marathon.