De la poésie pandémique
Ce qui m'a frappé dans cette série, c'est sa poésie. Le monde tombe en ruine, perd ses valeurs, ses institutions et ses limites rationnelles, mais la série est bourrée (par l'intermédiaire des...
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le 4 mars 2023
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Je surnote cette série probablement parce que j'en ai marre de mettre des 6 qui reviennent trop souvent dans mes notations. J'ai envie d'être conciliante et ce "Hot Skull" dispose de quelques intérêts qui méritent cette générosité. Je sais, ça ne vous aide pas à vous faire une idée. Mais ne vous inquiétez pas, je crois que je suis aussi atteinte de "babillage" et je vais vous en faire profiter.
Pour vous être plus utile, je dirais que le principal intérêt de la série réside avant tout dans son sujet : une énigmatique maladie pandémique, qui se transmet par la parole, a frappé toute l'humanité et a fait s'effondrer, sur son passage, les autorités politiques et économiques qui ont cédé la place à un organisme mondial qui a toute autorité sur les populations au nom du bien commun.
Cette maladie inconnue semble frapper tout le monde sans distinction de genre, d'âge ou de condition. Une personne saine, peut par la simple audition du verbiage d'un sujet atteint se mettre instantanément à produire une logorrhée faite de babillages où les mots dénuées de leur sens s'entrechoquent dans des discours décousus, déconnectant la personne atteinte de la réalité qui l'entoure. Incurable, invalidante et foudroyante, elle semble irréversible donc propre à créer le climat propice à tous les dérapages scientifiques, politiques ou militaires. Les tentations de contrôle, de dictature ou d'exterminations ciblées ne sont jamais très loin.
Sommes-nous bien éloignés du réel ? N'avons-nous pas nous mêmes expérimenté récemment le FLOU et la PEUR sur un récent variant d'une grippe au niveau mondial ?
Beaucoup de romans, de films ou de séries ont déjà exploré de nombreux fléaux apocalyptiques venus bouleverser ou mettre fin à nos sociétés telles que nous les connaissons, mais "Hot Skull" prend un chemin un peu plus original et propose d'explorer la voie d'une "maladie" linguistique et cérébrale.
Ici pas de guerre mondiale pour les territoires ou les ressources, de bombes nucléaires, d'invasions extraterrestres, d'effondrements boursiers, de fin des ressources premières et énergétiques ou d'apocalypses climatiques (fonte des glaciers, tsunamis, tempêtes solaires, etc). Alors oui, on reprend l'idée assez répandue de la maladie virale mais sous une forme un peu plus originale. Le langage, qui fut à la base l'un des éléments civilisateurs de l'humanité, devient ici l'élément qui pourrait causer l'éffondrement de ce qu'elle a participé à créer.
Comment survivre ensemble si on ne peut plus se parler, échanger, donc se comprendre ? Comment faire société si on doit craindre le moindre son qui peut sortir de la bouche de l'autre ? Comment un petit groupe d'individus peut profiter de cette situation pour instituer une parole unique, incontestable et soit disant bienveillante ? Comment apporter un contradictoire, donc un débat équilibré ?
C'est ce à quoi les personnages de "Hot Skull" vont tenter de répondre par l'action. Et c'est bien là l'une des faiblesses principales de la série, car vous l'aurez compris on est ici dans un thriller qui prend assez le temps, dans cette saison 1, de se pencher sur les thèmes de fond qu'aurait pu soulever un tel sujet de départ (les réservant certainement pour sa saison finale).
Et la série affiche dès le début une architecture principalement bâtie sur le mystère (on ne connait pas l'origine du mal, l'origine de l'immunité du héros, etc) et sur l'action (la fuite en avant du héros malgré-lui). Car évidemment, on est dans une pure dystopie calibrée sur les modèles du genre : les gouvernants sont les ennemis (ils cachent des choses, ils contrôlent parquent et isolent plus qu'ils n'aident ou ne soignent), il y a un "élu" messianique (il est immunisé, tout ceux qui ont un intérêt quelconque dans cette histoire sont à ses trousses, se braque, résiste et refuse son statut de clef du problème)... Bref, les clichés sont réunis.
Mais malgré tout ça et quelques passages un peu forcés ou écrit sans trop de finesse (certains dialogues) : la série est une jolie surprise pour sa saison1.
- Les effets spéciaux sont plutôt bons et n'apparaissent que lorsqu'ils sont utiles,
- la réalisation à défaut d'être extraordinaire se met au service des acteurs et du récit sans en faire des tonnes,
- le casting (qui fait la part belle à la pilosité) offre de belles "gueules" ce qui accentue un sentiment de vraisemblance de l'univers,
- la bande son n'est pas envahissante et quant on l'entend, les quelques morceaux pop/rock turcs apportent une belle signature à l'ensemble,
- les décors post-apocalyptiques et la maladie sont à la fois toile de fond et moteur du récit,
- et enfin la narration est fluide et les quelques parenthèses oniriques où on se retrouve dans l'esprit du personnage principal sont (à défaut d'être toujours utiles) très bien inséré dans le récit et d'une jolie poésie visuelle.
Au final, la curiosité devant cet Istanbul en quarantaine, vivant d'états d'alerte en couvre feu et qui a perdu de sa superbe, joliment reconstitué et ces personnages opprimés, parqués et dont la parole n'a plus aucun sens est suffissament captivant pour pardonner les quelques facilités du format qui veut un peu trop coller à son genre du "thriller dystopique".
Mais ce qui sauve l'ensemble c'est qu'ici rien n'est artificiellement glamour (ni en terme de personnage, de situation ou de combat), l'héroïsme y est collectif ou au moins difficilement arraché à la lâcheté d'un héros pas si héroïque sur ça, la colorimétrie est joliment délavée et même si je regrette déjà l'idée de voir cette série se corroder en cavalant vers une saison 2 (3,4,5,etc), je ne regrette pas les 8h de la saison 1 que je vous recommande sans plus de babillages inutiles... ou presque !
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Créée
le 18 déc. 2022
Critique lue 1K fois
6 j'aime
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