Nouvelle série Netflix qui s’est faite étonnamment discrète malgré tout le beau monde qu’elle contient au générique : non seulement ce sont les producteurs de Stranger Things que l’on retrouve aux commandes, mais il s’agit en plus d’une adaptation du roman éponyme, dont l’auteur n’est autre que celui à qui on doit The End of The Fucking World. Autre point commun entre les deux séries : c’est encore Jonathan Entwistle qui s’y colle niveau réalisation.
La comparaison est d’ailleurs inévitable : Dès les premières secondes, on retrouve le même esprit kitsch dans la typographie, les ralentis clipesques sur fond de pop rock rétro, l’atmosphère surannée avec une photographie polaroid aux couleurs mélancoliques peu saturées, les looks normcore avec la veste oversize piquée à papa et les Doc Martens avec lesquels on traîne des pieds au milieu de la route en rentrant de cours. I am not ok with this est une fausse série teenager, elle vise plutôt la génération Y et se dévore comme une madeleine de Proust. On ne croit d’ailleurs à aucun moment être en 2020, chacun s’appropriera plutôt la décennie qui lui convient pour revivre son adolescence.
C’est avec un regard adulte que doit être vu I am not ok with this, tout en laissant une certaine naïveté adolescente prendre le dessus. C’est ainsi que la série se distingue des autres séries teenager : elle ne retranscrit pas les complexes et obsessions de l’âge ingrat qu’est l’adolescence, avec toute la dramaturgie qu’on lui connait, au contraire, elle met en scène un temps qui semble déjà révolu (dans le sens où aujourd’hui, quand on entend des gamins de 16 ans parler entre eux, on les trouve complètement débiles et on a cette impression de ne jamais avoir été comme ça à cet âge, alors qu’on était tout aussi con). C’est avec un certain recul et détachement qu’elle présente ses personnages, évitant les artifices type de la série pour ado (exemple : inutile de voir le père alcoolique frappé son ado, on se contente de montrer ledit ado avec un coquard, et on évite ainsi toute grandiloquence). Il y a une certaine raideur dans le propos qui dénote avec l’atmosphère juvénile et insouciante de la série. Il s’en dégage alors une maturité, un regard juste mais attendrissant sur l’adolescence, délaissant les poncifs et stéréotypes que le genre connait. Les quelques moments « clichés » inévitables de l’adolescence, tel que LA première fois par exemple, sont dédramatisés et gentiment tournés en dérision. Tout est décrit avec singularité et de façon non fantasmée (alors que c’est souvent le cas dans les séries teenager). Les ados sont joués par des acteurs qui n’ont pas 25 ans, avec leur boutons d’acné et leur charisme non assuré, et c’est tant mieux.
Autre point commun avec The end of the Fucking world : son format. Netflix a bien compris les enjeux de sa propre plateforme. Maintenant qu’elle a fait de nous des boulimiques de séries, elle nous pousse encore plus à binge-watcher avec des formats courts (18 mn) qui ne se limitent désormais plus aux sitcoms. I am not ok with this se regarde donc d’une traite et peu importe si les épisodes sont inégaux, s’il y a des disparités ou incohérences. La digestion est alors beaucoup plus facile, même quand le contenu est un peu lourd (l’épisode où ils sont en retenu et passent leur temps à élaborer un plan pour voler les caméras de surveillance passe comme une lettre à la poste, alors qu’il est plutôt chiant en soi). De cette façon, même si une saison contient un ou deux ratés (et sur sept épisodes seulement, c’est déjà beaucoup), on ne s’en rend pas vraiment compte puisque l’on apprécie la série dans sa globalité. C’est plutôt malin de la part de Netflix et j’imagine que l’on aura encore droit à beaucoup de séries très inégales avec ce format (comme Poupée Russe, Bonding, Love Death Robots,…). Netflix essaie de nous faire du fast-food tout en s’assurant de la qualité relative de ces ingrédients.
Pour ce qui est du contenu, I am not ok with this joue donc la carte de la nostalgie, elle se veut solaire, rafraîchissante, tout en légèreté mais en s’assurant d’insérer une ou deux séquences dramatiques pour enrichir son propos. La relation mère/fille est plutôt bien amenée, de la même façon que le deuil, ou l’importance de l’amitié, voire la découverte de sa sexualité. Le problème, c’est que tout semble sonner juste simplement car chaque thème ne fait qu’être effleuré, sans jamais être vraiment exploité/traité. La série finit donc par patiner, n’ayant pas grand-chose de consistant à nous donner à part une ébauche d'histoires multiples.
Pour ce qui est du registre fantastique, dont l’intégration dans le genre de la comédie dramatique se fait avec cohérence et fluidité, monte crescendo, devient de plus en plus présent certes, mais reste trop discret. Il finit même par sembler n’être qu’une excuse pour permettre à la série d’avoir une raison d’exister et se distinguer des autres.
Alors certes le brassage des genres est très intéressant et bien mené mais il n’y a finalement rien de nouveau ni d’original, à la fois dans le côté comédie dramatique (relations amicales, amoureuses et familiales traité de façon ultra-classiques) que dans le genre fantastique (la découverte de son pouvoir après avoir essayé de rationnaliser, puis essayer de le cacher, découvrir les origines de celui-ci, apprendre à le contrôler, bref toutes les étapes vues et revues de nombreuses fois).
Les pirouettes scénaristiques concernant l'insertion de l’univers fantastique permettent à la série de ne pas tomber dans l’anecdotique, en nous balançant quelques miettes à coup de teasing, mais le spectateur attendra jusqu’au bout l’exploitation du côté super-héros, qui ne viendra jamais vraiment.
I am not okay with this n'est pour l'instant en aucun cas une série de super-héros avec une approche dramatique, mais bien une série dramatique teintée (mais alors très légèrement) de fantastique, même si on semble comprendre que cela changera dès la saison 2.
Chaque épisode semble être une sorte d’amuse-bouche, que l’on dévore âprement, sans jamais arriver à quelque chose de consistant. La série finit par souffrir de sa comparaison et se trouve être beaucoup plus gentillette que The end of the Fucking World, et surtout beaucoup moins irrévérencieuse que ce qu’elle le souhaiterait. Le final pimenté fait certes son petit effet (les dernières minutes sont vraiment étonnantes), mais on reste malgré tout sur notre faim. Comme souvent avec Netflix, il s'agit d'une première saison introductive, comme une sorte d'immense épisode pilote où les intentions du créateur sont encore un peu floues. La suite sera sans doute décisive : soit la série va donner corps à son intrigue fantastique, soit continuer à faire de la comédie dramatique banale et finir par lasser. Alors vite, la suite !
Mise à jour : Malheureusement, la série n'est pas renouvelée.