On peut le dire, ça y est, je ne suis plus le cœur de cible des séries pour ado, quand bien même je tente désespérément de m'y accrocher comme les cinquantenaires qui refusent de dire leur âge même s'il se lit partout sur leur visage. Mais maintenant, je peux dire à des gens plus jeunes que moi que quand j'étais à leur place, le monde était quand même un peu différent et pas forcément en mieux.
Quand je suis rentrée au lycée, je regardais Pretty Little Liars parce que Desperate Housewives s'était enfin achevé sur un final d'anthologie. Si je prends ces deux séries comme exemple ce n'est pas pour rien, c'est que j'aimerai par là tordre définitivement le cou à cet argument assez stupide et que je lis beaucoup trop qui consiste à dire "Ohlala y a vraiment trop beaucoup de LGBT+ maintenant dans les séries, c'est super pas bien de faire du clientélisme" (il faut le lire avec une voix un peu naïve et j'avoue, désolée, un peu stupide). Cela a toujours existé, c'est juste que ce n'était pas aussi "voyant" parce que coïncidence, ce n'était pas des personnages vraiment centraux dans le récit. Mais on pouvait faire bien pire que les reléguer au second-plan, on savait aussi "Queer bait", autrement dire te faire croire que oui, mais non et au final tu as quand même donné ton temps de cerveau disponible à des publicistes véreux. C'est juste que les êtres humains ont une tendance à l'oubli et ce n'est pas forcément un mal. Quand je vois ces nouvelles séries qui sortent, je regrette, au contraire, de ne pas avoir pu grandir avec elle et je pense ne pas être la seule à faire ce constat. Car, moi, tout ce que l'on m'a vendu, c'est des divinités grecques finement ciselées dans le marbre des stéréotypes, vivant des aventures incroyables et rocambolesques alors que, soyons honnêtes, les véritables drames de l'existence commencent bien après le baccalauréat. Bref, une vision souvent fantasmée par des adultes de leur propre adolescence, avec une petite touche glamour en plus. Alors forcément, à mes yeux, la majeure partie du temps, ça casse mais parfois, les scénaristes font correctement leur boulot et ça passe tout seul. Je ne vois pas ce qu'il peut y avoir de si mal à représenter correctement la diversité des existences humaines...Bref, on y reviendra.
On va donc suivre l'histoire de Sydney, une ado "décalée" qui développe du jour au lendemain des super-pouvoirs de type "Mathilda sous amphétamines" et qui va devoir apprendre à gérer, en plus de sa télékinésie incontrôlable, sa famille qui prend l'eau (ou plutôt le vin) depuis la mort de son père ainsi que sa terrible colère enfouie et manifestement létale. Il n'y a pas grand chose de plus à dire, puisqu'en soit, cette saison 1 sert avant tout à situer l'action et tombe un petit peu dans l'effet "bande-annonce". Avec des épisodes de 20 minutes, il est en même temps difficile de dire plus sans trop dévoiler.
Ce que je trouve assez fascinant dans le rendu général, c'est cet équilibre que parvient à trouver la série en choisissant de traiter le tout avec un certain réalisme. J'entends par là que si demain, vous vous réveillez avec un super-pouvoir quelconque, il y a de forte chance pour cela ressemble plus à I Am Not Okay With This qu'à un épisode de Supergirl où il va s'agir de sauver tout le monde en faisant tout péter sans jamais faire aucun dommage collatéral (malgré une ville en ruine tous les quatre matins). Sur cet aspect donc, je pense qu'on tient une bonne part de l'originalité de la série.
Mais plus généralement, j'adore ses séries qui célèbrent le décalage que l'on peut ressentir avec les autres à cette période de la vie et qui ne forcent pas les personnages à rentrer dans le rang d'une manière ou d'une autre. Oui, il en existe beaucoup, (là tout de suite j'ai en tête "Suburgatory" et "Malcolm") avec cette construction en forme de "journal intime" où le personnage principal commente cyniquement tout ce qui se passe à l'écran. Mais d'une manière où d'une autre, vous verrez qu'au final, il s'agira toujours de reproduire les clichés habituels et finalement, ce personnage si marginal qu'on vous avait vendu va de toute façon finir par reproduire ce qu'il a critiqué dans les premières saisons. Mais est-ce que l'on s'attendait à autre chose de la part de l'équipe de "Stranger Things" et de "The End of the F**** World" ?
Et justement, c'est là qu'il ne faudrait pas se leurrer sur la marchandise. Si j'ai commencé par écarter d'emblée la problématique des personnages LGBT+, c'est qu'à mon sens, ce n'est que l'arbre qui cache la forêt. On ne peut ignorer que Netflix reste malgré tout une entreprise de divertissement et peut-être la plus efficace de toutes en soi puisqu'une plateforme internet, c'est une mine de données sur les spectateurs et leurs comportements. Une baisse d'audience télévisuel n'indique jamais en elle-même pourquoi est-ce que les gens se sont lassés, alors qu'avec des milliards de données sur combien d'épisode enchaînés en moyenne, à quelle fréquence, à quel épisode précis les gens se sont-ils lassés, à quel moment ont-ils mis pause, on peut aisément comprendre les logiques profondes de l'audimat.
Il n'est donc pas étonnant de voir au commande du navire, deux équipes créatives déjà bien connues de la plateforme, ne serait-ce que parce que Netflix peut désormais recycler ses concepts avec une efficacité redoutable, tout en capitalisant sur les fanbases des deux séries dont ils savent parfaitement qu'elles ne se rencontrent pas toujours. Le plus regrettable donc, ce n'est pas tant le clientélisme envers les minorités (qui se faisait déjà bien avant sous d'autres formes) que l'insertion chirurgicale de logique commerciale au sein des processus créatifs, le tout sous le couvert d'une armée de réalisateurs et équipes techniques qui courent le moindre magasine en ligne pour assurer que Netflix garanti la plus grande liberté qu'il soit. Alors oui, mon cerveau reptilien ressort toujours satisfait de leurs séries, mais au fond, il y aura toujours un petit arrière goût de cellules de bœuf élevées dans des boîtes de pétri qu'on aimerait me faire passer pour de la viande.
Moi quand j'avais ton âge, les séries étaient nulles à chier, mais elles avaient ce talent étrange de te faire croire qu'elles étaient les meilleures.