Voir la série

Le 10 janvier a débuté sur Arte IL MIRACOLO, un polar fascinant saupoudré de religion qui ne peut vous laisser indifférent.


Lors d’une opération menée dans un repère de la mafia, un homme sidéré est retrouvé baignant dans des hectolitres d’hémoglobine. Dans la pièce trône une statue de la vierge qui pleure des larmes de sang. Suite à cette découverte, la vie de plusieurs personnages se retrouve bouleversée : celle du Premier ministre (Guido Caprino), d’un prêtre à qui il demande conseil (Tommaso Ragno), d’un général chargé de l’enquête et de la protection de la statue (Sergio Albelli) et d’une scientifique qui étudie le phénomène (Alba Rohrwacher). Le premier épisode de la dernière coproduction d’Arte réalisée par le romancier Niccolò Ammaniti s’applique à poser cette intrigue en apparence simple pour faire graviter par la suite le destin de ses personnages autour de la figure magnétique de cette madone.


IL MIRACOLO expose une cohérence, un ton d’ensemble et une belle imbrication entre la diversité des parcours qu’elle tisse. L’intrigue est éclatée en plusieurs pans et les rebondissements relatifs à l’histoire de chaque personnage permettent d’installer un suspense de plus en plus palpable au fil des épisodes. La narration se fait sur huit jours, cette temporalité réduite n’empêche pas le récit d’être parsemé d’ellipses qui laissent au spectateur la possibilité d’imaginer certaines scènes, renforçant son implication.


La réalisation s’inscrit dans une tension permanente entre plusieurs choix artistiques qui la rendent saisissante. IL MIRACOLO laisse ainsi voir une Italie inondée de soleil grâce à une photographie lumineuse, ou une piscine sombre et bleutée dont le vide n’est comblée que par la présence de la madone noyée dans un espace immense et laissant échapper ses litres de sang. Elle présente des prouesses de mise en scène enchaînant tantôt les plans larges où les personnages semblent submergés par leur environnement, tantôt des plans serrés pour capturer les sentiments des protagonistes en sondant leurs yeux, leurs gestes et leurs chairs. Elle alterne entre des images d’une beauté saisissantes et une peinture de la violence la plus noire, baignant dans une bande-originale variée et sublime.


Niccolò Ammaniti présente son pays comme étant sur le point de sortir de l’Union européenne, comme sujet à la surinformation et la viralité engendrée par les médias, comme le théâtre de débats sur l’éducation religieuse ou le rôle de la science, comme le terrain de jeu d’une mafia très présente. Il le fait d’ailleurs d’une manière passionnante qui renforce assurément l’intérêt et la projection du spectateur dans ce qui lui est conté. Mais IL MIRACOLO ne saurait résumer son essence à un tableau de la société civile italienne et des enjeux sociétaux, ni à une réflexion sur la religion catholique.


La diversité des situations exposées, les différences entre ses personnages servent l’expérience sociale initiée par le scénario. Ce n’est pas au sein d’un échantillon de classes sociales, d’orientations politiques ou de croyances que Niccolò Ammaniti explore les incidences du miracle qu’il met en scène, mais bien au cœur de la conscience humaine et des certitudes qui se voient bouleversées. La complexité de chacun des protagonistes fait que chacun d’entre eux ne peut être caractérisé par sa profession ou son rapport à la religion. Ce n’est pas tant le fait qu’il incarne un référendum fondamental pour son pays que ses relations familiales et son rapport à la madone qui rend le Premier Ministre passionnant. Sole, sa femme, se montre tout aussi insaisissable que bouleversante. Le père Marcello – magnifiquement interprétée par Tommaso Ragno – prêtre accro aux jeux d’argent et au sexe, présente une ambivalence et une complexité qui éclatent lorsqu’il est confronté au miracle. La biologiste chargée de l’analyse de la statue ainsi que le général menant l’enquête surpassent leur rôle professionnel dans la résolution de l’énigme en laissant celle-ci déborder complètement sur leur vie personnelle.


La figure de la vierge – qui apparaît d’ailleurs sous les traits de Monica Bellucci lors d’une séquence hallucinée – tient magnifiquement son rôle de clé de voûte de l’intrigue. Ses apparitions récurrentes sont mises en scène dans une accentuation de la puissance qu’elle irradie, transmise au spectateur de façon prodigieuse. Filmée en gros plans ou en contre-plongée, dans les mains tremblantes de certains qui tentent d’essuyer ses larmes ou isolée dans un espace vaste que personne n’ose réellement approcher, elle trouble à chaque image où elle apparaît.



Il Miracolo, sous son sujet en apparence résolument religieux,
transcende en réalité les questions de foi pour explorer notre rapport
à l’entendement et à nos valeurs.



Tout comme sa présence, les interrogations sur l’incidence de la madone sur la vie des personnages s’épaississent au fur et à fur du récit. Est-ce le miracle en lui-même qui transfigure la vie de chacun ou leurs choix par rapport à la gestion de celui-ci ? De quoi cette madone est-elle la métaphore ? Les personnages sont-ils maltraités par une force démiurgique ou ne font-ils face qu’aux conséquences de leurs actes ? Autant de questions qui décantent, lentement, lorsque l’analyse prend le pas sur l’intérêt provoqué par le récit. La principale restant sans doute : Comment réagirais-je face à un miracle susceptible de bouleverser l’ordre du monde ?


IL MIRACOLO, évoluant dans une Rome contemporaine, sous son sujet en apparence résolument religieux, transcende en réalité les questions de foi pour explorer notre rapport à l’entendement et à nos valeurs. Elle s’impose comme une œuvre puissante et infiniment originale, met en lumière les possibilités offertes par un format de plusieurs heures pour faire évoluer de façon lente et hypnotisante son intrigue. Ses personnages se révèlent par touches, de façon infiniment émouvante et juste, alors que leurs vies et leurs convictions sont bousculées. À l’heure où certains dénoncent une homogénéisation de la création télévisuelle, IL MIRACOLO incarne un souffle de singularité et de renouveau. La distribution, la photographie et l’écriture de cette série participent de concert à sa réussite.


Claire Schmid


https://www.leblogducinema.com/critiques-series/il-miracolo-un-polar-fascinant-a-decouvrir-sur-arte-critique-874005/

LeBlogDuCinéma
8
Écrit par

Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur.

Créée

le 15 janv. 2019

Critique lue 952 fois

2 j'aime

Critique lue 952 fois

2

D'autres avis sur II Miracolo

II Miracolo
Maître_Grenouille
7

Les voies du Seigneur sont impénétrables

C'est la réponse bien connue du croyant désemparé face à l'incompréhensible. Si Dieu existe, par exemple, d'où vient le mal ? À cela, impossible de répondre autrement qu'en bottant en touche : nous...

le 27 janv. 2019

7 j'aime

1

II Miracolo
Specliseur
6

Quand le plus sordide du profane entre en collision avec le mystique

Il miracolo est une série italienne choc. Elle utilise en connaissance de cause des ingrédients à priori contradictoires pour générer la surprise, le malaise et le soufre.Ainsi, le créateur dézingue...

le 10 janv. 2019

6 j'aime

II Miracolo
LeoB84
8

"Il Miraccolo" [CineMed2018]

Il y a quelques heures, j'ai eu la chance de voir en avant-première les deux premiers épisodes de la série "Il Miraccolo", lors de la soirée d'ouverture du 40e Cinemed. Un choix d'une incroyable...

le 19 oct. 2018

5 j'aime

Du même critique

Buried
LeBlogDuCinéma
10

Critique de Buried par Le Blog Du Cinéma

Question : quels sont les points communs entre Cube, Saw, Devil, Frozen et Exam ? Ce sont tous des films à petit budget, dont le titre tient en un seul mot, et qui tournent autour du même concept :...

le 21 oct. 2010

43 j'aime

4

The Big Short - Le Casse du siècle
LeBlogDuCinéma
7

Critique de The Big Short - Le Casse du siècle par Le Blog Du Cinéma

En voyant arriver THE BIG SHORT, bien décidé à raconter les origines de la crise financière de la fin des années 2000, en mettant en avant les magouilles des banques et des traders, on repense...

le 16 déc. 2015

41 j'aime

Un tramway nommé désir
LeBlogDuCinéma
10

Critique de Un tramway nommé désir par Le Blog Du Cinéma

Réalisé en 1951 d’après une pièce de Tennessee Williams qu’Elia Kazan a lui-même monté à Broadway en 1947, Un Tramway Nommé Désir s’est rapidement élevé au rang de mythe cinématographique. Du texte...

le 22 nov. 2012

37 j'aime

4