C'est la réponse bien connue du croyant désemparé face à l'incompréhensible. Si Dieu existe, par exemple, d'où vient le mal ? À cela, impossible de répondre autrement qu'en bottant en touche : nous serions trop limités pour le comprendre. Et c'est exactement cela qu'exprime Il miracolo, la première série écrite et réalisée par l'écrivain italien Niccolò Ammaniti. Et c'est pourquoi, disons-le d'emblée, il ne faut pas s'attendre à ce que le miracle soit expliqué.
C'est donc l'histoire d'une statue de la vierge, retrouvée chez un mafieux italien, qui pleure continuellement du sang. Le secret est jalousement gardé par les autorités et ne sera partagé qu'avec une poignée de personnes : le Premier ministre, qui vient de mettre en jeu l'appartenance de l'Italie à l'Union Européenne via référendum ; un général des carabiniers, qui a la responsabilité de garder la vierge au secret ; une biologiste chargée d'analyser le sang qui coule de ses yeux ; un prêtre en crise de foi dont on fait appel à l'expertise en matière de "miracles".
Tous représentent quelque chose – science, religion, autorité, croyant, athée – mais la série à l'intelligence de ne pas faire de ses personnages de vulgaires archétypes : ce qu'ils incarnent est caché derrière des personnages fouillés finalement proches de nous, loin de déclamer leurs principes. Les personnages secondaires qui gravitent autour d'eux (leur famille, leurs amis) sont tout aussi consistants.
Toute la série tourne autour de la question du sens. Il y a d'abord le miracle : on cherche le truc, il n'y en a pas. Soit, mais que signifie-t-il ? Le sang aurait-il des propriétés curatives ? Puisqu'il s'avère après analyses qu'il appartient à un homme, auquel ? Un être moralement supérieur ? Faut-il dévoiler la statue au public pour "déclencher" quelque chose ?
Ces questions tarauderont les protagonistes, et leurs attentes seront à chaque fois déçues. Les voies du Seigneur sont impénétrables, même pour les athées.
La série n'est pas sans défauts bien sûr. L'histoire de l'exploiteur de clandestins, par exemple, s'avère finalement être un détour qui ne signifie rien, donc inutile – alors qu'il y avait moyen d'en faire quelque chose, dommage. On constatera aussi certaines facilités : la maladie mystérieuse du prêtre et le traitement tout aussi mystérieux qui l'accompagne en font partie, ainsi que sa fuite du "centre de rééducation" ou ses transactions avec la mafia. Mais l'interprétation et le propos sauvent l'ensemble, suffisamment pour en faire une œuvre recommandable.
Les démarches purement scientifiques ou religieuses s'emballent au point de mener leurs représentants à leur perte : la biologiste, seule, s'embarque dans une sordide histoire de clonage illégal tandis que le prêtre meurt les armes à la main en voulant dévoiler le "miracle" au grand public. Par une cruelle ironie, il part dans le désarroi avec l'image d'une vierge qui a cessé de pleurer. Mais c'est au contraire un soulagement pour le Premier ministre athée : enfin les choses retournent à leur place, nous sommes seuls, il n'y a pas de sens et aucune prière n'aurait pu empêcher la mort de son fils. Enfin, le vrai gagnant semble être le général, croyant et enquêteur modéré, qui raflera finalement la mise dans un dernier trait d'humour. Mais pour en faire quoi ?
PS : pour ceux qui persisteraient à chercher un sens au miracle, j'ai cette suggestion : peut-être la vierge s'est-elle tout simplement mise à pleurer du sang pour sauver la vie de Nicolino.