Note : texte rédigé avec la saison 2 en tête ; les exemples en sont donc tirés. Cependant, la saison 1 était du même bois.
Au service de la France est présentée à peu près partout comme une série comique pleine de finesse. Elle est absolument tout le contraire. Créée par le scénariste des films OSS 117, Jean-François Halin, la série diffusée sur Arte est une satire de la France à l’aube des années 60 où deux camps s’affrontent :
D’un côté, la France moderne, représentée par les véritables héros, ceux à qui la série ne donne pratiquement jamais tort : Moktar, l’Algérien fidèle faisant preuve de bien plus de clairvoyance que les Français pour lesquels il travaille ; Marie-Jo, qui passe en un instant de secrétaire potiche à agente surpassant tous ses collègues masculins ; l’épouse Mercaillon, qui se libère des chaînes du mariage pour goûter, semble-t-il, aux joies de l’instabilité (logement précaire et liaisons sans lendemain étant les clefs de son bonheur) ; la fille Mercaillon, qui méprise le général de Gaulle et s’entiche d’un militant indépendantiste algérien ; et enfin le jeune et fade agent Merlaux, celui qui voudrait bousculer les mentalités et les pratiques de ses aînés des services secrets.
En face, la vieille France : une poignée de personnages secondaires mus uniquement par l’application de procédures absurdes ; trois agents qui se distinguent par leur incompétence et leur incompréhension totale des enjeux de la guerre froide ; un colonel idolâtre du général de Gaulle qui se révèle un ancien collabo. Tous, sans exception, bêtes, procéduriers, racistes et misogynes. À moins que peut-être, Moïse… ? Mais non, on apprend finalement qu’il est homosexuel, ce qui le fait automatiquement passer dans la première catégorie. Ouf, on a frôlé la compromission avec les réactionnaires.
Toute la série et son humour sont bâtis autour de cette opposition facile et sans nuances. Beaucoup s’en contentent très bien, sous prétexte qu’elle combattrait une nostalgie béate pour la « France du général de Gaulle ». C’est prendre ces nostalgiques pour des imbéciles, si vous voulez mon avis : ceux qui regrettent une certaine réussite économique sous la présidence d'un homme prestigieux ne souhaitent pas pour autant le retour de tout ce qui est dénoncé ici – vie de femme au foyer imposée, homosexualité pénalisée, politique coloniale, comportements racistes et misogynes, etc. Pour que la critique fût pertinente, il eût fallu sortir la série à l'époque, au début des années 60. Mais dans les années 2010, sur une chaîne s'adressant principalement à un public que l'on qualifiera poliment de progressiste, c'est d'une facilité grossière.
Ce qui sauve la série, c'est une réalisation exemplaire, une bande-son réussie, des acteurs pour la plupart impeccables malgré des personnages réduits à l'état de caricatures auxquelles on a du mal à croire. C’est que la famine est telle en matière de séries françaises de qualité qu'on revient chaque semaine sur cette œuvrette comme s'il s'agissait d'un chef-d'œuvre.
Avant chaque épisode, on nous informait que la série nous était présentée par SensCritique. Je suis navré, mais il n’y avait pas vraiment de quoi se vanter.