La domination économique est telle qu'elle oblige - sans qu'Antoine le veuille - les populations à être gentille avec lui. Parfois, il a une lueur d'intelligence au fond de la caméra ; il se dit courtoisement qu'il ne va pas insister devant telle gêne. Mais en fait, le problème n'est pas tellement de ne pas insister. On peut être poli, courtois, venir en paix... et pourtant, trimbaler avec soi le passif de notre identité natale.
Pour moi, le problème est qu'Antoine ne prend pas conscience des disparités économiques. Il arrive, condescendant, dans un pays en espérant chasser toute idée marchande dans les rapports humains ; il veut aplanir grossièrement ces rapports humains pour retourner, avec une candeur toute aussi grossière, à l'essentiel, à l'humanité. Un homme aussi fin que lui sait, de toute évidence, la nature de ces disparités... Mais vu que ce n'est pas son domaine ou son affaire, il s'en lave les mains.
A plusieurs reprises, j'ai été choqué par son comportement.
Quand il est en Iran ou à Cuba, il s'étonne sans cesse d'être fliqué par des indicateurs plus ou moins officiels. Maximy veut être libre ici et maintenant, il est une sorte de pavé dans la mare. Mais on le voit s'offusquer d'être interrogé par l'autochtone sur sa présence... Comme s'il était naturel pour lui qu'il soit libre d'aller et venir.
Je trouve ça choquant. Il ne s'essuie pas les pieds en entrant. C'est d'autant plus maladroit que nous sommes à une époque où certains aspirants immigrés se font escroquer, se noient en traversant des frontières et se font parquer dans des centres de rétentions aussi disséminés en Europe que l'ont été les camps de déportations en 1942.
La Liberté n'a de parfum que pour ceux qui ne la trouvent pas équivoque, surtout quand cette liberté est économique !
Autre exemple,
Son point de vue d'athée sur les nations religieuses est un très bon miroir de la manière dont il mène sa barque. Ce point de vue n'a pas pour but d'assimiler - et encore moins d'intégrer - les composantes de la société qu'il visite. Il n'a pas pour but de comprendre, de saisir... Il a pour but de... Juste observer. Je trouve ça très limite quand on voyage. C'est entrer chez les autres sans s'essuyer les pieds, une fois encore. Et n'en rien dire, c'est un silence fautif pour un existentialiste comme Maximy.
Il manque une démarche compréhensive pour virer les rapports de force. Je ne perçois pas cette démarche, Maximy ne doute jamais, sauf sur son propre chemin. Mais il ne doute jamais sur ce qu'il pense. Il vit sans Histoire. Moi, ça me plairait assez un globe-trotter qui montre ses défaillances, qui doute sur autre chose que sur le rapport qu'il a aux autres... Ce n'est pas son cas ; il nous montre tout juste ce qu'il est possible de faire et ce qu'il pense de bien. Il s'agit alors d'un positivisme qui étouffe dans l'oeuf toute idée de s'emparer du voyage. Non, la star c'est Maximy, un peu comme on feuillette une aventure de la petite Martine avec son chien, Patapouf.
Maximy s'en fout, il fait du libertaire... Pas de l'humanitaire ou de l'égalitaire. Du li-ber-tai-re. Et de l'essentialisme.
Et je trouve qu'il n'est pas possible de mettre délibérément tout le monde sur le même plan de la liberté car rien n'est égal de fait.
Comment faut-il envisager l'étranger selon moi ? Faut-il "prendre des gants" ?
Si je faisais une série documentaire, je ne prendrai pas de gant. Je ne prendrai pas de gant pour expliquer aux occidentaux comment la France et d'autres forces impérialistes ont pillé le pays où je mets les pieds, puis sur cette base là, dans un second temps, je pourrais m'avancer vers l'autre, pour jauger, pour discuter... Car nous ne sommes jamais que la représentation d'autre chose que nous mêmes dès que l'on sort de chez soi : au supermarché, je suis un homme blanc ; à l'étranger, je suis le français, le touriste représentant une image de la population française.
Mais alors là, pour ce qui est de prendre des gants, je ne les prendrai pas car ça dépend avec qui on ne prend pas de gants.
C'est pourquoi
Je mets seulement la note de 6, un petit 6, un faux 6, parce que, malgré tout le mal que j'en pense, cette série documentaire de l'occidental blanc à particule et oisif, fabriquée pour de mêmes occidentaux, me fait avant tout réfléchir en bien, en mal, en moralité...
Comme on dit, la fin n'est pas un but en soi, c'est le chemin le plus important ! Et, en l'occurrence ici, on sort un peu des clichés et des sentiers battus.
C'est la moindre des choses, j'aurais envie de dire.
Cela ne signifie pas pour autant que ce soit suffisant, d'autant plus sachant par qui est produit cette série : Bonne Pioche et Pathé via la chaîne Voyage.