Jack is back
C'est peu de dire que les séries Amazon n'ont jusque là pas réussi à m'emballer (The Terror, The Man in the high Castle, ..) alors quand j'ai entendu dire qu'ils allaient adapter Jack Ryan, mon agent...
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le 7 déc. 2023
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Saison 1 :
Bon, il n'y avait beaucoup d'illusions à se faire sur cette nouvelle adaptation, en série TV cette fois, après quelques films tous plus oubliables les uns que les autres, des thrillers d'espionnage à succès de Tom Clancy : il est quand même rare que cette littérature "jetable" puisse inspirer de véritables chefs d'œuvre, non ? Néanmoins, les prémisses de la série étaient intrigantes : voici donc un Jack Ryan JEUNE analyste, qui plus est incarné de manière improbable par un John Krasinski qu'on aura toujours du mal à dissocier de son personnage de "The Office", ça nous change agréablement d'un Harrison Ford, non ? Et puis, modernité oblige, on nous parle donc de l'EI, des réfugiés syriens, de la menace terroriste sur Paris, ce qui fait qu'on imagine a priori une version US, donc "sévèrement burnée" de notre très cher "Bureau des Légendes". Sauf que tout ne se déroule pas comme prévu, et notre plaisir anticipé va vite se trouver largement empêché par nombre de défauts criants de la série...
D'abord, une histoire décalquée sans aucune imagination de celle du livre à succès "Pilgrim", qui aurait été revue par les scénaristes de "24 Heures chrono", c'est-à-dire par des gens qui se croient obligés de rajouter des "coups à 3 bandes" comme au billard pour surprendre le téléspectateur, sans réaliser qu'ils sacrifient du coup la crédibilité de leur histoire. Si l'on ajoute que chaque épisode recèle son lot d'invraisemblances, de coïncidences absurdes, de résolutions forcées, de décisions stupides, etc., il faut bien admettre que la personne la moins rationnelle aura quand même du mal à adhérer à tout ça !
S'il est bien entendu tout-à-fait possible de prendre un peu de plaisir régressif devant nombre de situations tendues ou explosives, cette première saison souffre en outre de deux problèmes majeurs :
1) le ridicule de quasiment toutes les scènes se passant en France, accumulant fausses notes et représentation erronée de la situation française. Bien entendu, on est du coup obligés de se poser la question qui tue : s'il en est ainsi quand "Jack Ryan" parle de ce que nous connaissons, il en est sans doute de même lorsque la série décrit la Syrie, la Turquie, et peut-être même les USA...
2) le terrible épisode 6, qui montre un Jack Ryan scandalisé par le manque de morale et d'éthique de la "ressource" turque aidant la CIA dans sa mission : soit on considère que le personnage y perd en un épisode toute la crédibilité construite jusque là, soit on y voit la répugnante certitude de la supériorité morale américaine sur les peuples inférieurs - comme les Turcs - qui prostituent les femmes et n'ont clairement aucun honneur. Cet épisode a vraiment du mal à passer, et il faut bien de l'indulgence pour continuer à regarder la série après ça... jusqu'à une conclusion "facile", bien dans le registre, justement, des aventures de Jack Bauer, qui, lui au moins, avait l'intérêt de questionner le politiquement correct.
[Critique écrite en 2019]
Saison 2 :
Amoureux de l’Amérique du Sud et révolté par l’effondrement économique illogique du Venezuela, vous avez rêvé d’aller casser la figure à Maduro (puisque Chavez n’était plus disponible !) ? Eh bien, réjouissez-vous, et ne manquez pas la seconde saison de "Jack Ryan", car le prétendu analyste à la CIA le fait pour vous : avec seulement 3 ou 4 hommes débarqués d’un hélicoptère posé sur le toit du Palais Présidentiel, voici donc notre ami américain qui met des baffes au président du Venezuela. Gageons que Mélenchon en aura avalé son chapeau, et surtout que Trump, toujours un peu perdu quand il s’agit de distinguer la réalité de la fiction, a téléphoné chez Amazon pour demander les coordonnées de cet espion sévèrement burné, qui en remontrerait même à l’autre Jack (… Bauer, vous vous souvenez ?). Bon, blague à part, pour se divertir devant cette série « inspirée » des chefs d’œuvres impérissables de Tom Clancy, il faut avoir une bonne dose d’humour, tant l’accumulation d’invraisemblances tient du geste artistique radical…
Comme dans la première saison, Jack Ryan (moyennement interprété par un John Krazinski jamais tout-à-fait crédible) trimbale sa suffisance nord-américaine à travers de nouveaux pays « à civiliser » : après la France, la Syrie et la Turquie, voici donc le Venezuela et l’Angleterre. Champion incontesté du jugement moral à l’emporte-pièce, il est aussi le roi de l’insubordination et du grand n’importe quoi, mais s’en sort toujours à son avantage, promouvant ainsi une vision géopolitique et une conception de la diplomatie et de l’espionnage qui doivent faire hurler de rire ce bon vieux John Le Carré. Il est en outre intéressant de noter que, jalousie trumpienne anti-allemande oblige, le grand vilain méchant est ici un blond, cruel et sadique ex-espion germanique, réactivant les vieux fantasmes anti-nazis d’antan…
Que vous vouliez lutter contre un super-terroriste comme dans la première saison, ou garantir des élections démocratiques dans une dictature, appelez la CIA à la rescousse : tel est in fine le message de cette série édifiante, qui, dès cette seconde saison clairement inférieure à la première, n’a plus guère pour elle que l’abondance des moyens – financiers et militaires – mis à sa disposition, garantissant des scènes spectaculaires réussies, et ainsi qu’un sympathique dépaysement assuré par le respect (inhabituel dans les films hollywoodiens, mais de plus en plus systématiques dans la Série TV) des langues locales.
C’est quand même peu.
[Critique écrite en 2019]
Retrouvez cette critique et bien d'autres sur Benzine Mag : https://www.benzinemag.net/2019/12/03/amazon-prime-jack-ryan-saison-2-quand-la-cia-remet-un-peu-dordre-au-venezuela/
Saison 3 :
La troisième saison de la série Jack Ryan, nouvelle adaptation des best sellers de Tom Clancy produite par John Krasinsky (le nom maudit de Michael Bay apparait aussi générique, ce qui explique sans doute bien des choses !) marque un changement profond de style : exit le minimum syndical de réflexion et les intrigues typiques du monde de l’espionnage, exit le rythme mesuré qui permettait de bien comprendre les situations et de s’imprégner de la complexité de certains personnages, et bienvenue à un thriller d’action spectaculaire, qui lorgne a priori sur le modèle Mission : Impossible, sans l’humour ni l’imagination de ce dernier, et donc finalement sur les blockbusters « à la Michael Bay ». Les téléspectateurs – et les critiques – états-uniens adorent, tant mieux pour eux, mais il y a de grandes chances que les amateurs de fictions d’espionnage « classique » y trouvent nettement moins leur compte : le rythme frénétique des scènes d’action, la multiplication des péripéties qui s’enchaînent souvent sans grande logique, tous ces défauts du cinéma et de la série TV commerciale la plus standard sont désormais de mise…
L’histoire que nous raconte cette nouvelle saison tourne autour du sujet, pertinent, du désir des « patriotes » russes de faire retrouver à leur pays la grandeur de l’URSS – ou tout au moins la terreur qu’elle inspirait – en réactivant un programme de recherche militaire qui avait été arrêté de manière particulièrement brutale, et en appliquant une stratégie de manipulation progressive de l’OTAN et des USA, le tout risquant de causer un nouveau conflit planétaire. Un seul homme pour arrêter les conspirateurs : Jack Ryan ! Désavoué par sa hiérarchie, à la manière d’un Ethan Hunt dans Mission : Impossible, Ryan devient un « rogue agent » et trouve un improbable allié en la personne de Luka, un redoutable agent russe. Et c’est donc parti pour cinq épisodes qui laisseront le téléspectateur soit à bout de souffle, soit profondément sceptique… en fonction du type de divertissement qu’il recherche. Sans spoiler, on peut annoncer que le monde sera sauvé (in extremis), que les héros US seront forcément récompensés, tandis que les héros russes seront, tout aussi forcément, punis. Histoire de bien enfoncer le clou sur la supériorité morale états-unienne sur le reste de la planète.
Mais les problèmes de cette saison de Jack Ryan ne s’arrêtent pas aux leçons pesantes de patriotisme qu’elle dispense. Il y a déjà, on le réalise dès la première minute, la décision de faire parler la planète entière en anglais (à la différence des saisons précédentes, plus réalistes), et surtout, ce qui est bien plus grave, de tordre les réalités géopolitiques pour servir et le scénario, et les propos réactionnaires de Clancy : la République Tchèque est globalement nostalgique de l’époque de sa soumission au bloc soviétique, la police grecque prête à collaborer pleinement avec n’importe quel agent russe qui se pointe à Athènes, et… l’Europe n’existe pas, puisque sur l’échiquier où se joue la partie, il n’y a que la Russie, les USA, l’OTAN et des pays « mineurs » décidant absolument ce qu’ils veulent sans avoir à en référer à de quelconques alliés. Soit la vision républicaine, voire trumpienne du monde, réfutant toute nuance entre noir et blanc, et niant l’existence de toute opposition possible à la vérité états-unienne. Heureusement, cet assemblage de mensonges et de naïveté s’écroule de lui-même, tant la comparaison que le téléspectateur fera forcément entre ce qu’on lui raconte ici et l’agression de Poutine contre l’Ukraine montre combien la vision de Clancy est désactualisée, dépassée.
Il n’y a guère qu’une seule chose qui rende intéressante cette saison, c’est le magnifique personnage de Luka, hanté par les crimes qu’il a commis par le passé, et qui offre une vision morale réelle de la politique : c’est James Cosmo – un acteur de second plan qui l’a pas particulièrement brillé jusqu’alors - qui incarne de manière spectaculaire ce vieux monstre crépusculaire. Et il vole toutes les scènes où il apparaît, et relègue dans l’oubli le personnage de Jack Ryan, qui semble particulièrement falot et creux ici.
Il est grand temps de renoncer à l’exercice masochiste qu’est le visionnage de telles horreurs, et de revenir à de véritables séries d’espionnage, comme l'excellent Slow Horses, sur Apple TV+.
[Critique écrite en 2022]
Retrouvez cette critique et bien d'autres sur Benzine Mag : https://www.benzinemag.net/2022/12/26/prime-video-jack-ryan-saison-3-la-lecon-de-patriotisme-a-lamericaine/
La quatrième saison de la très critiquable série Jack Ryan sera donc la dernière et nous ne la regretterons évidemment pas vraiment, en dépit d’un casting de bon niveau mais assez improbable (Krasinski qui n’aurait jamais dû vraiment quitter The Office, Wendell Pierce un peu trop sympa pour jouer au badass, Michael Kelly qui reste irrémédiablement marqué par son rôle iconique de Doug Stamper dans House of Cards), qui, au fil des saisons, nous a rendu les personnages plus sympathiques qu’ils n’auraient sans doute dû l’être… Et malgré, bien entendu, quelques scènes d’action divertissantes et à peu près crédibles (un gros budget garantissant et le divertissement et la crédibilité, grâce à une mise en scène en général plutôt classique et de bonne tenue). Mais, et il ne faut pas avoir peur de le répéter, notre plaisir a toujours été teinté par l’irritation créée par les fictions de Tom Clancy, outrageusement US-centriques, porteuses d’une idéologie pour le moins embarrassante, et pire encore, nourries d’une sorte de mépris quasi raciste vis à vis de tout ce qui n’est pas États-Unien. D’ailleurs, dans Jack Ryan, à la différence de la quasi-totalité des séries TV modernes, tout le monde parle anglais, avec un accent plus ou moins marqué permettant de caractériser l’origine géographique ou ethnique des protagonistes, ce qui est tout à fait cohérent avec cette vision d’un monde qui n’a pas de réalité au-delà des frontières des USA... Si ce n’est bien entendu pour représenter une menace contre la démocratie, heureusement défendue par les preux chevaliers de la CIA !
Cette quatrième saison, pourtant, se penche pour une fois sur une « menace intérieure », celle d’individus haut placés dans l’administration US qui ont noyauté la CIA, et qui cherchent à introduire des bombes bactériologiques sur le territoire national (dans un but qui reste d’ailleurs assez obscur, mais là n’est pas le propos…). Pour ce faire, ces très mauvais citoyens (qui ne doivent pas voter Trump !) ont brillamment mis une place une conspiration internationale – joliment illogique et inutilement complexe – incluant des producteurs de drogue birmans, un cartel mexicain, des truands croates et une dictature africaine. Soupçonnant des malversations derrière les fameuses « black ops » de la CIA, nos bonnes âmes regroupées autour de Jack, sont bien décidées à nettoyer l’agence, et vont tenter de désamorcer le complot, avant de désamorcer lesdites bombes : on aura même droit à la scène où Jack coupe des fils d’alimentation en transpirant à grosses gouttes, alors que le compte-à-rebours touche à sa fin, ce qui prouve bien que Clancy, Cuse, Krasinski et consorts ne reculent devant aucun cliché !
La bonne idée – car il y a une – de cette saison 4 a été de la réduire de 8 à 6 épisodes, ce qui nous évite les temps morts et intrigues parallèles inutiles qui sont la plaie des séries TV actuelles. La mauvaise idée – parmi tant d’autres – est de sacrifier à l’incompréhensible nouvelle mode d’obscurcir systématiquement les images : si c’est amusant – un temps – que le soleil mexicain ou malaisien se mette à ressemble à une journée pluvieuse à Maubeuge, la lisibilité limitée de nombre de scènes de nuit ou en intérieur obscur a vite fait de décourager le téléspectateur plissant en vain les yeux devant son écran qui a le plus grand mal à voir ce qui se passe !
A la fin de la saison, et ce n’est pas un spoiler, Jack Ryan qui s’est fait longuement et cruellement torturer dans les geôles sud-asiatiques mais a récupéré physiquement en 23 minutes maximum, décide de tirer sa révérence et de partir en vacances avec sa dulcinée : partiront-t-il au Mexique ? en Croatie ? au Nigeria ? en Birmanie ? Des pays que Jack a parcouru au pas de course ou en hélicoptère sans avoir eu le temps d’en apprécier les charmes, et où le coût de la vie est accueillant pour un touriste bardé de dollars ? L’histoire ne le dit pas…
Mais le bon public US bien décidé à voter Trump aux prochaines élections puisqu’il les protégera et des méchants étrangers terroristes et des politiciens corrompus de Washington, n’est pas inquiet : toute cette histoire se poursuivra avec un spin-off dont le jadis jovial (mais désormais implacable) Michael Peña sera le héros. Tout le monde est rassuré !
[Saison 4]
https://www.benzinemag.net/2023/07/20/prime-video-jack-ryan-saison-4-jack-tire-sa-reverence/
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Créée
le 6 août 2023
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