He likes the old Kanye

De manière générale même si sur les derniers albums c'est plutôt inégal, j'aime beaucoup la musique de Kanye West. Avec cette trilogie documentaire réalisée par son pote Coodie, je m'attendais à mieux comprendre non seulement comment fonctionnait l'homme mais surtout le producteur et rappeur talentueux.

Hélas, on est pas du tout dans un cas similaire à Orelsan qui a été suivi par une caméra pendant 20 ans, il y a eu un gros moment de creux... Et surtout, le travail acharné de West derrière ses albums n'intéresse pas Coodie.

C'est le premier défaut du documentaire, en plus de ses filtres sur l'image pour la détériorer ou au contraire la rendre un peu plus esthétique qu'elle ne l'était à l'origine pour que les images d'archives de sources de qualité franchement variable se mélangent bien, c'est très mal équilibré.

On voit que ça a été conçu pour être un simple film car le découpage en épisodes fonctionne assez mal, et qu'il y a de nombreuses longueurs. J'ai aimé le fait que le documentaire montre la relation de Kanye West avec sa mère, finalement assez essentielle pour l'artiste et méconnue chez nous. C'est un bel hommage. C'est assez cool aussi de le montrer en train de galérer pour la sortie de The College Dropout, surtout dans le deuxième épisode, mais ça manque de moments où on voit le rappeur bosser.

C'est littéralement le postulat de départ du premier épisode, ça commence comme ça : Kanye West est un jeune producteur talentueux qui s'apprête à devenir lui-même rappeur. On ne sait pas trop comment il en est arrivé là, d'où vient sa passion pour la musique, ce qui l'influence, comment il a pu s'acheter le matos pour produire des disques, comment il s'est fait connaître dans le milieu, où est-ce qu'il a appris la musique. Et c'est vraiment embêtant car les deux premiers épisodes se focalisent sur le premier album. Mais on préfère s'attarder sur la nécessité de Kanye a avoir un appareil dentaire suite à un accident de voiture que sur les moments où il est en studio, les moments où il écrit. Du coup on se retrouve avec une visite chez l'orthodontiste quasiment filmée dans son intégralité et de simples moments où le producteur remue la tête en rythme sur des morceaux quasiment déjà terminés en studio, ou alors on le voit rapper dans sa cuisine sur un morceau déjà terminé... Je ne comprends pas à quel point on peut contourner le sujet comme ça, c'est du gâchis.

Alors forcément, sur une série en trois épisodes, si les deux premiers se concentrent sur le début de carrière de l'artiste, il était évident que le troisième serait une boucherie. Et pour cause, Coodie a perdu de vue son pote pendant plusieurs années.

Vous vous demandiez à quoi ressemblaient les sessions d'enregistrement de Graduation, comment Ye s'est mis à rendre hommage à la 808 et à vocoder sa voix sur 808s and Heartbreak, la facilité avec laquelle il a réuni un nombre incalculable d'artistes sur son morceau All of the Lights, pourquoi y'a des références à Gaspar Noé dans le clip, comment s'est passé le tournage du court-métrage Runaway ou encore tout ce bazar autour de la sortie de The Life of Pablo qui n'a eu lieu que sur Tidal à l'époque ? Soyons généreux, les coulisses de Watch the Throne ou de Yeezus ça vous donne envie ?

Bah allez vous faire voir, vous aurez la sortie de The College Dropout, l'évocation de l'existence de Graduation, un extrait de JT annonçant My Beautiful Dark Twisted Fantasy, des extraits de la session d'écoute publique de The Life of Pablo où West ne fait que s'ambiancer dans une salle noire de monde, et puis le montage de la bande-annonce du film Jesus Is King que presque personne n'a vu. Ça vend du rêve non ? Bon bah tout de suite c'est moins passionnant...

L'épisode 3, c'est l'incompréhension d'un gars qui a perdu de vue un ami devenu superstar qui se met soudainement à soutenir Trump en public, à se présenter aux présidentielles en déblatérant des âneries et qui s'est marié à une bimbo. Et ce n'est traité qu'en surface.

Je ne boude pas mon plaisir d'avoir découvert pas mal d'images, mais c'est trop léger en termes d'intérêt pour une durée de 4h30.