Take a breath
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le 8 juin 2019
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Il y a une quinzaine d'années un agriculteur inhale et s'empoisonne avec un désherbant, dont il subit encore aujourd'hui les effets du produit phare de l'entreprise Monsanto, Le Lasso, et dont les résultats de sa toxicité auront été détournés par les tests d'experts à la solde de la multinationale. La firme quant à elle, nie toujours les effets de son produit, rappelant le débat aujourd'hui, sur le glyphosate.
On le sait, vaudrait mieux éviter de vivre à côté de champs pulvérisés. Ce qui est d'autant plus étonnant est qu'il suffirait aux agriculteurs de se protéger pour ne pas souffrir des effets néfastes des produits, en omettant que lesdits produits se retrouvent ensuite dans nos assiettes et que l'empoisonnement ne viendrait pas des doses reçues mais de son simple contact et de la réponse de chaque individu et organisme particulier, à en subir plus ou moins de dégâts. Le risque de cancer reste quand même évalué à 80% pour ces pesticides et en France il existe cinq produits utilisés et jugés dangereux. Cause de l'hécatombe des insectes, des retombées sur la pollinisation, du déclin d'oiseaux depuis déjà une quinzaine d'années, par manque de nourriture ou par empoisonnement justement...c'est toute la chaîne qui en pâtit et les hommes en subiront les dommages à venir. Un peu comme ce fameux nuage de Tchernobyl, invisible et inoffensif.
Jean Xavier Lestrade auteur plus souvent de documentaires que de fiction, parle de choses qui fâchent. Connu du public avec Un coupable idéal, c'était par un heureux hasard qu'il rencontrait un des avocats qui souhaitait que l'affaire soit mise en lumière, et que le réalisateur dévoilait les failles du système judiciaire américain, pour un constat qui viendra compléter la longue liste des dérapages.
Avec Jeux d'influence c'est aussi un travail de documentation évident et de volonté d'objectivité, mené par des rencontres d'intervenants impliqués dans la problématique de la santé publique. C'est plus précisément par le portrait et le poids conséquent des lobbys dans les décisions que se fait la dénonciation. -Lobbyistes qui refuseront pour la plupart de se laisser interviewés- . La réalisation apporte sa plus-value par des rapports humains soumis à la subjectivité des sentiments, par tout un panel de personnages en prise avec leur conscience, leur devoirs ou leur traumatisme, tous ces éléments fictionnels qui viendront bien sûr, répondre à l'exercice divertissement.
En donnant l'occasion de s'intéresser aux questions essentielles de société, c'est aussi et surtout par l'ignorance des uns et la manipulation des autres que le réalisateur nous interpelle, et à nous de suivre les méandres des accords opaques et hypocrites égratignant au passage nos dirigeants...Sans oublier la solidarité comme cheval de bataille et comme dirait si judicieusement Léo Pérutz dans Le marquis de Bolibar, : le peuple a les moyens de se soulever, encore faut-il qu'il en ait la volonté...
Romançant un tantinet la destinée de certains, l'ensemble reste toujours et d'autant plus percutant que le réalisme de la situation fait écho à l'actualité et que toutes les scènes annexes que l'on peut redouter dans l'exercice, servent le déroulé et évite tout sentimentalisme exacerbé, les duos d'acteurs en ce sens sont toujours réussis. Sans forcer le trait, ou le spectaculaire, tout est affaire de tension,, avec un soupçon de thriller bienvenu et un suspense bien dosé rappelant à la sobriété des séries nordiques avec des personnages qui s'éloignent de ce que nous sert en général les séries TV françaises. Les acteurs venant pour la plupart du théâtre. Et même si parfois quelques traits visent la caractérisation US les jeux inspirés de certains viennent contrebalancer l'excès et les clichés des autres. Quelques envolées émotionnelles viennent adoucir le ton sobre voire froid, où la dangerosité ambiante fait son œuvre. Son final qui décevra par son manque de réponse est pourtant bien celui auquel on pouvait s'attendre.
Lestrade reste sur sa ligne et finalement nous tient en alerte...
Une seconde saison qui revient tout comme la première traitait de Mosanto et de ses produits toxiques, en s'inspirant du scandale Triskalia, en 2011, axant sur les relations entre le pouvoir, les consultants, les syndicats agricoles et les coopératives, où une mort accidentelle du premier opus, se transforme en actes criminels balayés sous le tapis.
Les mêmes acteurs récurrents que l'on suivra dans leurs nouvelles aventures et le plaisir du visionnage tient en grande partie à ses comédiens. Outre Laurent Stocker toujours parfait, crédible en homme public soumis à vents contraires, que l'on voit évoluer en ministre de l'agriculture prêt à ruer dans les brancards pour finir par jeter l'éponge en pleine matinale, ce sont aussi les seconds rôles qui accrochent et rendent le visionnage parfois jubilatoire avec en tête, Noam Morgensztern et son personnage décalé, Jean-François Sivadier qui excelle dans l'ignominie d'un dirigeant de multinationale, ou encore Francis Leplay en premier ministre tendance mafieuse sans oublier ce fils de paysan confondant de naturel pour Adrien Simion.
Malheureusement, l'intitulé en lui-même qui souhaite mettre en avant une jeunesse qui se bat pour son avenir ou des journalistes d'investigation soumis à pression, laisse planer un vent de perplexité par la caractérisation manquée totalement pour Chloé (Marilou Aussilloux) clairement inutile voire agaçante et partiellement pour Claire (Alix Poisson) qui nous apparaît plus revancharde que vraiment investie dans la tâche et donne une curieuse impression de flottement et de répétition tout du long sans force de frappe des dialogues.
Les échanges verbaux souvent violents sont redondants, ses allers retours amoureux sans intérêt pour les ingrédients types du divertissement avec morts suspectes à la clé comme twist trop attendu.
Alors que l'intérêt reste identique pour sa démarche documentée et lanceuse d'alerte, la saison 2 aura moins d'attrait par sa facilité scénaristique voire ses gros sabots à introduire les éléments et son absence de tension.
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Créée
le 3 déc. 2023
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