Voici une série surprenante.
D'après le roman de Susanna Clarke, Toby Haynes et Peter Harness (Les Enquêtes de l'inspecteur Wallander), réalisent une pure réussite visuelle, intelligente et prenante de bout en bout pour 7 épisodes sans répit.
Un fourmillement d'idées originales, une ambiance et des décors parfaits pour retranscrire l'époque, notamment les scènes d'intérieur et autres labyrinthes... Les belles étagères bourrées de livres poussiéreux... Les démarches de ces hommes d'époque, droits et fiers, les costumes, la couleur, où tout contribue à nous plonger dans une sorte de drame, débutant joyeusement, mêlant le politique et autres personnages douteux, pour des pistes qui se brouillent allègrement et où tous les seconds rôles sont d'importance.
Paul Kaye (notre furieux vagabond) Edward Hogg et John Heffernan sont parfaits et contribuent au ciment de l'intrigue. Les deux actrices, Charlotte Riley et Alice Englert, possèdent le charme désuet, romantique et délicat de cette époque. D'épisode en épisode le récit gagne en intensité, rythmé et sans temps mort. Une histoire d'amour pudique mais qui révélera l'acharnement, sans niaiseries ou autres longueurs.
L'intrigue semble simple. Au début du 19ème siècle, quelques gentilshommes londoniens discutent de la magie sans pour autant la pratiquer. Pourtant la magie a existé, pour être depuis 300 ans, reléguée au rang de vieux fantasme.
L'idée de magie comme étant une tradition perdue mais concrète, nous plonge dans un monde semi-fantastique où dès le premier épisode l'ambiance et les personnages sont donnés.
Il existerait un magicien capable de redonner ses lettres de noblesse à une magie « respectable »... Le peu commode et buté M. Norrell, homme introverti et allergique aux mondanités souhaitera proposer son « aide » à la guerre et révélera son personnage. Eddie Marsan arrive à être attachant, par quelques pointes d'expression crédules sans que soit amoindri son aspect désagréable et hautain et joue tout en finesse.
Enzo Cilenti fait son effet pour un rôle de serviteur effacé et pourtant manipulateur sans que soit révélé ses objectifs.
L'espiègle et insouciant Jonathan Strange, Bertie Carvel, tout en charme britannique, se lance à son tour dans la magie suite à une prophétie, et ne sachant quoi faire de sa vie, se verra devenir l'élève de ce seul vrai magicien d'Angleterre.
Multiples discussions théoriques sur la magie et ses effets, divergences d’opinions, conflits d'intérêt...et autres incantations pas toujours réussies, distillent des pointes d'humour bien dosés, sans être une série humoristique ou bancale.
Les pratiques ancestrales que "l'un" voudra définitivement reléguer au passé signe de dangerosité pour que "l'autre" au contraire, veuille en découvrir toutes les possibilités grandioses, cherchant à se rapprocher du mystique Roi corbeau, maître absolu de la magie, malmenera leur amitié.
Le jeune novice surpassant le vieux magicien obsolète, pour un récit qui ne nous donne aucune piste et bénéficie d'une intrigue bien ficelée.
Suite à une expérience terrifiante, ils se trouveront confronté à un adversaire implacable, le gentleman, Marc Warren, étonnamment cruel, pour une tournure teintée de noirceur.
Les effets spéciaux pour le moins fantastiques donnent une complète réussite, digne du cinéma, où tout est rigoureux et dense, sombre sans être horrifique. Mais il s'agit bien de magie, de légendes et des possibilités qu'offre entre autre caractéristique : la folie... pour mieux plonger dans l'autre monde...
Ici contrairement à nos ouvrages préférés traitant du merveilleux, les fées sont dangereuses et leurs enchantements féroces.
La série en profite pour traiter de quelques thèmes : les guerres napoléoniennes et ses conséquences, la révolution industrielle prémisse du XXème siècle et de ses chamboulements et apporte une profondeur supplémentaire.
Les personnages sont à l'honneur sans grand rebondissement ou autre grande bataille entre le bien et le mal, Une mini série étonnante qui bénéficie d'une intensité certaine et lui permet de se démarquer.