Les séries venant d'Europe du Nord sont aussi rares que passionnantes (sûrement parce que n'arrive chez nous que le haut du panier). The Killing, Borgen, Bron, Real Human, Trapped : les pays comme la Suède, le Danemark ou même l'Islande nous proposent des séries souvent intrigantes et intelligentes, bien éloignées des codes auxquels nous sommes habitués.
Jordskott nous provient de Suède. La série est constituée (à ce jour) de deux saisons, la première réunissant 10 épisodes et la seconde 8. Chaque épisode fait effectivement une heure. Jordskott nous permet de suivre les pas d'une femme flic traumatisée par la disparition non résolue de sa fille. Or, lorsqu'elle retourne à Silverhöjd, 7 ans plus tard, c'est pour apprendre qu'un nouvel enfant vient de disparaître dans des conditions similaires.
Tout cela va forcément raviver les souvenirs douloureux d'Eva. La mort de son père, avec qui elle n'avait plus de contact depuis la disparition de Josefine ; le retour dans ce lieu de son enfance ; l'énigme parallèle autour d'un autre enfant : tout contribue à replier Eva autour de son propre passé.
Car tel est vraiment le rôle de la policière dans la série : elle n'est pas forcément l'enquêtrice principale, celle qui va dissiper les brumes qui entourent Silverhöjd. Elle est avant tout celle autour de qui tout va se cristalliser. C'est vers son passé que l'action va se tourner dans les deux saisons, d'abord son père dans la première, puis sa mère dans la seconde. Et c'est en remontant son histoire familiale que des explications vont arriver.
Le drame familial et l'intrigue policière vont se dérouler dans une ambiance de plus en plus surnaturelle, et c'est peut-être là l'originalité de cette série. Très vite, l'immense forêt qui entoure Silverhöjd va être filmée de façon à la fois poétique, romantique, et angoissante. Les plans semblent montrer un lieu où les personnages sont toujours observés, sans que l'on sache précisément par qui ou par quoi. Des hommes ou des femmes étranges s'y promènent, accomplissant des actes pour le moins déroutants.
Et les questions surgissent. Comment ces enfants ont-ils pu disparaître aussi rapidement et sans laisser la moindre trace ? Pourquoi les meurtres se multiplient dans une petite ville jusque là si tranquille ? Quelle est cette femme qui semble parler à son corbeau ? Pourquoi des cris étranges retentissent dans la forêt ?
Si la saison 1 se déroule exclusivement à Silverhöjd, cette petite ville de province entourée d'une immense forêt qui tient un rôle essentiel dans l'intrigue, la saison 2, elle, se fait plus urbaine. L'action, qui se déroule deux ans plus tard, se déplace à Stockholm, où Eva Thörnblad a repris son travail. Cependant, le procédé reste le même : là aussi, le décor se fait volontiers inquiétant, avec cette impression que quelque chose de surnaturel se cache dans les recoins sombres.
De fait, les enquêtes vont souvent se baser sur l'idée d'aller au-delà des apparences pour découvrir des vérités auxquelles on ne pensait pas forcément. Le mouvement est celui de la descente sous la surface des choses : de nombreuses scènes se déroulent dans des sous-terrains, caves, grottes, mines...
Cela va permettre à Jordskott de diffuser un message de préoccupation écologique : destruction de forêt, réchauffement climatique, l'activité humaine dérègle la nature et ses conséquences se retournent contre les hommes.
Le tout fait de Jordskott une série riche et dense, énigmatique et prenante, malgré son rythme lent. On pourrait éventuellement lui reprocher de dévoiler trop vite certains mystères qui auraient gagné à rester plus longtemps dans l'ombre. L'interprétation est d'un bon niveau, les protagonistes sont attachants et les nombreux personnages secondaires densifient le portrait de la petite ville. Jordskott est une série intrigante qui nous garantit un bon moment de divertissement.