Je profite de la puissance du S02E02 pour ENFIN rédiger une critique sur l'excellente Kidding, série sur laquelle j'ai pu rédiger tout un dossier à la fac, dans le cadre d'un TD sur l'intime (et je n'ai même pas penser à rédiger une critique ici avant maintenant???).
Parlons de Gondry quelques lignes, puisque ce très cher habitué du traitement onirique a réalisé une partie de la saison une et se trouve également à la production de la série. Je ne vais que très peu m'attarder sur son Oeuvre mais je pense que pour parler de la série, c'est important de parler de lui un peu plus en détails puisque l'onirisme et l'intime sont des thèmes qu’il a souvent traité dans ses longs et courts métrages, voilà pourquoi son nom va souvent revenir ici (et non, je n'oublie pas qu'il n'a pas fait Kidding à lui tout seul). Bref: une des clés du « style Gondry » reste l’écriture d’un espace personnel, intime, délicat (cf La Science des rêves où le personnage principal ne cesse de se réfugier dans ses rêves et ses créations manuelles en carton -clin d’œil aux génériques tournés en stop-motion de Kidding ?- et intéresse avant d’effrayer par sa nature candide et différente car trop éloignée du monde réel: c’est une caractéristique psychologique que nous retrouverons chez Jeff Pickles, qui anime une émission pour enfant).
Et la série dans tout ça ?
Le fait qu’un public soit présent lorsque le personnage de Jeff nous est introduit pour la première fois marque son influence mais pose surtout la question des limites de son propre espace intime : où commence-t-il et où se termine-t-il ? Le cas de Mr. Pickles est d’autant plus complexe qu’il se trouve être dans l’intime de tout le monde: et lorsque les deux réalités se rencontrent, plus rien ne va. Jeff sombre dans une dépression qu'il ne pourra traverser que par l'introspection, thématique qui touche plusieurs personnages de la série (notamment Will, le fils jumeau en vie) et dont les métaphores sont nombreuses (les écrans de télévision ou la marionnette géante pour n'en citer que deux). En ce sens, la mise en scène est toute aussi sublime qu'intelligente.
L'entourage de Jeff laisse à désirer : son père est un homme peu chaleureux, c'est un parent absent, un père atroce. Sa soeur cache presque autant de traumatismes que lui, son ex-femme ne voit en lui que la mort de leur enfant. Plongé dans un univers de marionnettes géantes, de décors cartonnés colorés, chantant des chansons simplettes, le personnage de Jeff Pickles est un personnage plus fragile que la fragilité elle-même et est en décalage permanent avec la réalité et le monde qui l’entoure (et la perte de son fils n'arrange rien, bien évidemment). Il évolue dans un monde idéal, enfantin et insouciant, carrément utopiste, où il maîtrise tout. Jeff me fait vaguement penser au personnage de Joël qui cherchait à effacer puis à retrouver ses souvenirs dans Eternal Sunshine of the Spotless Mind et menait ainsi un itinéraire assez semblable à celui de notre animateur, qui va d’abord essayer de fuir sa réalité avant d’essayer de l’affronter.
J'ADORE cette série mais j'ai trop parlé, donc je vais conclure :
Mise en scène de la perte d'identité, des limites de l'introspection et de l'intime (entre autre), Kidding est à mes yeux l’œuvre la plus aboutie de Michel Gondry (ou plutôt produite par), une petite pépite aussi tragique que poétique. Le personnage de Jeff est celui qui connaît l’évolution la plus frappante étant donné qu’il porte à lui tout seul les trois "thématiques" majeures de la série (espace mental, espace intime et introspection), mais n’est pas le seul à s’être perdu en chemin. Kidding plait dans cette figure brisée de l’Homme fragile, de la vie éphémère, du deuil et de la poursuite de soi, le tout conditionné dans un univers froid, inquiétant par son utopisme. La série réussit par sa force à développer une psychologie d’une crédibilité rare en chacun de ses personnages. Aucun doute que Gondry et ses équipes ont réalisé et produit l’œuvre la plus humaine et sensible de l'année 2018.