Saison 1 :
Nous avions suffisamment été emballés par "Fleabag" pour aborder la nouvelle création de Phoebe Waller-Bridge avec enthousiasme, et ce d'autant qu'un démarrage sur les chapeaux de roue du premier épisode laissait présager un savoureux jeu de chat et souris entre une flic maladroite et une tueuse à gages psychopathe et déjantée : de l'humour noir bien serré, mais dilué dans un délire fantaisiste, avec une touche de saphisme - certes un peu trop "tendance" -, voilà qui paraissait une bonne recette pour une série menée tambour battant et portée par des acteurs se détectant de sur-jouer en permanence les comportements absurdes de personnages à la limite du burlesque...
Et sur le papier, "Killing Eve" avait tout pour être un OVNI hilarant, un bonbon au poivre / farce et attrape so british, évoquant les comédies déviantes d'un Blake Edwards remis au goût du jour. Sauf que, bien sûr, l'équilibre entre la tension du thriller, l'humour lunaire et le trouble érotique nécessite soit une écriture rigoureuse (clairement une impossibilité pour le dilettantisme de Waller-Bridge), soit une mise en scène au cordeau, sans même parler d'acteurs au superlatif... et que, ici, on n'a aucun de ces trois éléments ! Au bout de 3 ou 4 épisodes, le téléspectateur aura cessé de croire à ce ballet absurde de personnages décalés, enchaînant ses situations improbables : quand on en arrive aux épisodes grotesques dans la prison russe, "Killing Eve" est devenu un énorme wtf dont on n'attend plus qu'il ne nous raconte rien de cohérent.
Pire, sans doute parce que Sandra Oh est une erreur de casting manifeste, rien de l'attirance potentiellement destructrice entre les deux adversaires ne se sera jamais incarné, ce qui ridiculise totalement un épisode final beaucoup trop hâtif, qui détruit maladroitement tout le potentiel érotique entrevu au démarrage.
Le déclin de la série aura été si rapide au cours de ces 8 épisodes mal construits qu'il n'est pas certain que nous ayons envie de suivre Eve Polastri et Villlanelle plus longtemps...
[Critique écrite en 2019]
Saison 2 :
...et puis bon, on s'est laissés tenter par cette seconde saison des aventures policières et homo-érotiques (enfin, on exagère un peu, sur le coup,là...) d'Eve Polastri et de Villanelle. Avec moins d'illusions puisqu'on a compris que l'approche choisie pour "Killing Eve" s'apparentait davantage en un "ça passe ou ça casse" qu'à un travail d'orfèvre.
Et donc, on remet le couvert pour une seconde saison dans la droite ligne de la première, qui raconte plus ou moins n'importe quoi, sans souci de cohérence narrative réelle, ni, pire, de consistance des personnages, avec comme premier - et unique ? - objectif de nous offrir des scènes "jouissives", absurdement drôles ou bêtement cruelles. Un peu comme du sous-Tarantino si on réfléchit bien : car où donc avons-nous appris à nous réjouir aussi ouvertement de voir une femme jetée sous un bus ou un tueur - superbement abject quand même - découpé à la hache ?
Bien sûr, le vrai intérêt de "Killing Eve" réside d'abord dans le portrait, très réussi cliniquement parlant, d'une grande psychopathe, Villanelle, plutôt rondement interprétée par une Jodie Comer fascinante, qui conjugue superbement folie, brutalité et suprême intelligence. Elle rend le visionnage de la série totalement addictif, malgré la difficulté évidente d'habiter ainsi un récit erratique qui ne lui fait pas de cadeau : de victime d'un pervers qui l'enferme dans une sorte de maison de poupée kitsch à partenaire de jeux pervers d'un Mark Zuckerberg encore plus infect que le vrai, elle arrive à faire vivre son personnage et à nous faire comprendre, vivre même sa vacuité et ses fractures.
C'est donc, malheureusement, comme dans la première saison, le coeur amoureux du récit, cette passion inexprimable entre ces deux femmes que tout oppose, qui flanche le plus régulièrement... Sandra Oh est juste quand elle exprime la peur panique d'une femme dont la vie bascule radicalement, et qui ne peut s'empêcher d'être attirée par tout ce qui va détruire son existence : son métier, son couple, et surtout tout ce qu'elle sait d'elle-même se trouve remis en question par l'irruption de la passion. C'est sans doute plutôt l'alchimie entre les deux actrices, absolument pré-supposée par un scénario qui en fait la pierre de faite de l'édifice "Killing Eve" tout entier, qui ne fonctionne pas, et décrédibilise encore plus la série que son "manque de sérieux" en tant que thriller d'espionnage.
Et c'est aussi ce qui fait que les scénaristes ne peuvent boucler cette seconde saison qu'en répétant le même "truc" que pour la première : puisque le Sexe est impossible, il ne reste qu'à montrer la Mort. C'est d'une facilité terriblement frustrante !
[Critique écrite en 2020]
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