Le crash dans la soupe

Voilà. C'est lui, ç'aurait pu être un autre.
Mais voilà même pas encore fini, il m'énerve déjà. Il excite mon mauvais esprit en jeux de mots douteux quoiqu'en titre justifié.
Voilà l'exemple typique de la série française au rabais.

En résumé, un acteur, assez connu pour attirer le chaland, assez convaincant pour l'inciter à rester. Ajouté à cela un vide abyssal dans lequel on se retrouve plongé pendant 6 heures (sans compter le temps de décompression de la remontée due pour l'essentiel à une colère froide comme un temps breton de janvier).

En détail. C'est le temps des dinosaures bien gros, bien gras, bien lourds. Pas des vélociraptors, des brontosaures voire des diplodocus. Des romans (thriller ou pas) de 500 pages ou plus écrits souvent sans style voire sans idée qui donne des séries à rallonge du même acabit. De même les BDs espérant une saga, sans même savoir si le public va lire le premier tome jusqu'à la fin. On commence, on vend au kg de papier (on milite dans les associations écolo pour faire pénitence ou plus facile on glisse un clin d'oeil auto-critique dans le tas du récit) et on continue jusqu'à ce que l'audience ne suive plus. Des séries qui s'étirent, se diluent et s'étalent de tout leur long. Et si vous aimez avec un peu de chance vous n'en connaitrez jamais la conclusion, imbécile que vous êtes de ne pas avoir des goûts main stream rentables. La mini-série, elle, finit, c'est un avantage. Mais ça ne l'empêche pas de s'achever souvent dans un ronflement de l'auditoire.
Imaginons Simenon en vie ! Une ligne de son plus mauvais roman aurait été prétexte à lui proposer d'en faire une série en cinq saisons de treize épisodes.
Bref, l'accident raconte le crash des raconteurs d'histoire contemporains, sans idée et trop souvent sans talent. Et ce crash fait mal, autant aux yeux qu'aux oreilles.

L'accident donc. Quelques exemples sauvés de ma mémoire avant qu'ils ne disparaissent dans le néant qu'ils n'auraient jamais dû quitter.
Le budget riquiqui. L'accident n'est pas la seule série, toutes les séries de "France quelque chose" le démontrent. Pas de figurants sauf lorsque c'est absolument nécessaire (ici école, lieu des crimes). Les rues sont aussi vides que l'originalité, pas un passant, même pas une (ou deux, soyons fous) voiture garée. Dans un village de 2500 habitants rongé par la désertification, cela pourrait être volontaire... si une ambiance de désolation se dégageait, pluie, vent, crachin breton, que sais-je, une atmosphère quoi. Au lieu de cela : l'océan qui mouille la promenade d'une vague vague, quelques panneaux "A vendre" empilées en 3 secondes et basta. Une impression de rajouter la misère télévisuelle à la misère suggérée. Plus moche la vie en Bretagne vue par France 3 régions.

Le souci du détail : exemple, lors du retour de la fille de B. Solo en salle de classe. Leçon sur les inégalités concernant les produits de trois variables A, B, C dixit la prof mais avec un D différent de zéro qui ne sert à rien là-dedans, sauf au ridicule. Ben oui, j'y ai fait gaffe, et pourtant je ne travaille pas pour Faux-raccord, mon ras-le-bol du foutage de gueule sûrement. Pour vérifier : épisode 2, 8 minutes après le début. J'active les sous-titres pour pouvoir suivre en cas de marmonnage pseudo-réaliste (pour tout dire, j'utilise plus les sous-titres pour les séries/films français.es des années courantes que pour les séries US, c'est pas que mon oreille déclinante donc), sous-titrage qui rend ces incohérences plus flagrantes. J'ai revu le début (pas plus !) de l'épisode en replay pour m'assurer de ne pas me tromper. Mais apparemment j'étais le seul à suivre, ni l'actrice qui dit le texte, ni les scénaristes, ni les dialoguistes, ni tous les autres n'ont fait la remarque. C'est pas grave ? Quand ce n'est pas un signe de médiocrité... Imaginez une tache de gras plantée sur un tableau de type croûte, une fausse note gravée sur CD de musique insipide... ça réveille le mauvais esprit.
La même fille de Solo qui s'empresse de filmer la mère de sa copine alors que fifille s'est isolée pour cause de règles autant impromptues que tachantes, alors qu'elle-même dit combien elle était mal de cet incident. Logique donc qu'elle ne pense qu'à filmer, avec pour explication celle de la jeune addict du tout et n'importe quoi pourvu que ce soit sur mobile que le jeune dégaine comme les cow-boys de son grand-père armaient leur Winchester dans une bagarre de saloon (cf aussi l'épisode des couloirs du collège). D'autant que les propos de la mère de sa copine n'ont rien d'extraordinaires (rappelons que la fille croit dur comme fer à l'accident à ce moment-là, que le mari est gendarme rendant les menottes moins "bizarres" qu'on veut les faire paraitre) et que donc la motivation tient plus d'une banalité voyeuriste que d'autre chose.

Les acteurs/trices : franchement, je ne sais pas s'ils sont de mauvais acteurs/trices ou s'ils sont mal dirigés, je ne suis pas assez compétent pour trier. Mais je les trouve insupportables. La fille de Solo notamment n'est vraiment pas crédible dans ses crises. Mais ce n'est pas la seule. La belle-mère, cliché et caricature à la fois, décroche le pompon numéro 2. Je passe.

La réalisation/scénario : type journal de France 3. S'il y avait une voix off elle aurait le ton standard des reportages/documentaires (ton officiel de sériosité -pour s'en convaincre écouter le ton des commentateurs des années 40 ou 60, ça date une époque- tout comme le marmonnage, je sais, je radote, des acteurs/trices français, le tout estampillé, cocorico, purs produits de l'élevage français). Réalisation plate avec accélérations pour les changements de lieu. Accélérations même pas originales (la première dont je me souvienne date des années 90) mais c'est sûrement tout ce que permettait le budget. Et puis faire dire à la SDF qui aime moins les journalistes que les flics parce que c'est la mode et que sans les flics, pas de série sur France TV et ailleurs, lui faire dire donc que la femme de Solo avait le coeur sur la main parce qu'elle lui filait un paquet de biscuits, c'est trop fort ! Qu'est-ce que cela aurait été si elle lui avait donné quelques vêtements, qui plus est avec une griffe (fausse certes) ! Soeur Thérésa ? Cela rajouté à la manière de raconter du raconteur, nous fait savoir de suite que la morte était une femme bien qui a fait une erreur sûrement, qui s'est laissée entrainée, mais elle était bien, monsieur le juge.
De là un suspense mou comme un temps pluvieux, pétillant comme un vieux cidre éventé, le thriller ne thrille jamais et se noie dans des détails sans intérêt. Plein de trucs (le mari de l'adjutante par exemple) auraient pu être supprimés sans que l'histoire ne change de plus d'un iota (cela aurait même pu accroitre le rythme) mais évidemment cela n'aurait plus rempli les 6 épisodes standard/mode actuelle de la mini-série qui remplit la grille des programmes.

Pour finir, même conscient de mon parti-pris fielleux, je ne comprends pas comment une critique un tant soit peu compétente, professionnelle, journalistique peut donner plus d'une étoile à ce truc (et encore parce que 0 est impossible). En parcourant le web, on en trouve (Télé 7 jours, Loisir...) qui transmettent un sentiment de copinage tellement les louanges ne sont pas argumentées ou reposent sur un sentiment (sans besoin de justification donc), plutôt que sur une véritable analyse. Même Bruno Solo, qui tient son rôle avec plutôt plus que moins de bonheur (mais est-ce que six heures de Solo solo justifient ça ?), n'arrive pas à calmer mon courroux (coucou, heureusement Desproges !) de devoir redevancer pour cette... chose.
(Question fielleuse pour terminer en méchanceté aussi gratuite que le financement du PAF : est-ce que le futur Netflix à la française proclamé par toutes chaines en perdition permettra de se désabonner pour ne pas avoir à subir ça ?)

Verdict : coupable mais leurs avocats et les trois prochains épisodes nous en convaincront mieux que moi.

PS : bravo à ceux/celles qui sont arrivés au bout de cette critique aussi longue qu'une mini-série, vous avez gagné le droit de voir trois épisodes supplémentaires.