La série brille par sa manière d’aborder les problèmes rencontrés par les élèves ou quelques sujets tels que la PMA ou la monoparentalité. On sent que le script a été relu ou travaillé avec des personnes qui s’y connaissent. Les acteurs et actrices sont bien, spécialement les jeunes.
Néanmoins, le personnage principal est bien trop idéalisé : c’est l’homme de la situation, ses intuitions sur ses élèves sont toujours bonnes, il est prêt à sacrifier ses nuits de sommeil et sa vie pour ses élèves. Bref, la série en fait un prof thaumaturge qui, lorsqu’il ne fait pas de miracle, remplace sans ciller les CPE, l’aide sociale, les psychologues scolaires, l’infirmerie sans oublier le capitaine de soirée.
Il n’y a pas de mal à redorer le blason d’une profession de plus en plus malmenée par l’opinion publique et les médias, mais les réals semblent un peu se fourvoyer en faisant de Vincent Picard un super-héros : d’une, la série met la barre trop haut en donnant l’impression qu’être un bon prof doit être un sacerdoce. De deux, on a l’impression que ses collègues doivent être plus petits pour qu’il paraisse plus grand (et pas que par sa taille, même si ça joue) : plus bêtes, plus médiocres, plus égoïstes, plus mesquins, plus incompétents... La série ne se prive pas de le rappeler à chaque scène se déroulant dans la salle des profs.
Il aurait pourtant été possible de redistribuer de manière plus équitable les prouesses de Vincent Picard au profit de ses collègues. Cela l’aurait rendu plus humain et surtout donné une vision plus juste du métier.
Et puis qu’est-ce que c’est que ce jeune prof père célibataire qui vit en région parisienne dans un bel appartement spacieux sur son seul salaire ? Dans la majorité des cas, sauf parents fortunés, la réalité tournerait plutôt autour d’un petit studio ou d’une coloc. Non, la série décide de ne pas aborder les difficultés matérielles des profs. Gommer la précarité sociale et élever le métier au même niveau que celui de professions de notables procure au personnage principal un statut social qui renforce le socle de sa statue : ce n’est pas un péquenaud qui vit sur des économies de bouts de ficelles, c’est un mâle dominant et la société peut en attendre beaucoup.
Bref, la série relaie, sans doute pétrie de bonnes intentions, des clichés qui ne servent pas du tout la cause des profs et fait oublier leur précarisation pourtant grandissante. D’ailleurs, il est possible que cet aspect soit complètement absent ou peu présent dans la série québécoise d’origine (L’école de la vie étant une adaptation de la série québécoise Trente vies). On peut se demander si les réals ont seulement pensé au fait qu’en France les profs au niveau d’avancement de Vincent Picard (secondaire échelon 7) sont payés 40 % moins qu’au Canada (chiffres OCDE 2017-2019). Ou alors la volonté de construire la stature du mâle alpha a prédominé. Pourtant la série aurait sans doute gagné en profondeur si à côté du deuil (très) romantisé de Vincent Picard elle avait évoqué les difficultés financières qui l’accompagnent.