"La Cité Invisible" présente a priori tous les atouts pour être une série TV importante : créée par un Carlos Saldanha toujours auréolé du succès populaire de ses aventures dans l’animation ("l’Age de Glace", "Rio"), cette fable écologique confronte les intérêts financiers d’une entreprise cherchant à s’approprier une partie de la Mata Atlântica aux portes de la ville de Rio aux derniers habitants refusant de quitter leur habitat. Soit un sujet qui ne doit pas forcément plaire au gouvernement Bolsonaro, et dont on sait forcément gré à Saldanha de le traiter, même sous la forme un peu simpliste du « feuilleton » fantastique.
Car le scénario de "La Cité Invisible" se déplace assez rapidement de l’enquête policière menée par un inspecteur de la Police de l’Environnement (oui, ça existe !) sur le décès de sa femme militante dans un incendie – encore un sujet politique sensible, les assassinats de militants écologistes au Brésil ! -, vers une lutte entre créatures mythiques tirées (a priori…) du folklore brésilien et un esprit malfaisant. Et si cette approche a le mérite de l’originalité, en nous faisant découvrir des créatures fascinantes (la palme revenant au formidable Curupira, protecteur de la forêt aux pieds inversés et à la tête de flammes !), elle souffre rapidement d’un simplisme indéniable, comme si Saldanha continuait à cibler avant tout un public enfantin.
Et il est dommage que le traitement politique et social d’un sujet aussi essentiel ne soit jamais vraiment « sérieux » : quelques piques ça et là contre la corruption endémique de la police carioca, quelques images réalistes de la vie à Rio, ville que Saldanha adore et à laquelle il réserve heureusement quelques scènes magnifiques – un peu « touristiques » bien entendu, mais pas que… Mais vraiment beaucoup trop peu par rapport au potentiel de départ de la série. Peu à peu, on se désintéressera d’une intrigue téléphonée, aux rebondissements fainéants, régulièrement desservie par des problèmes d’interprétation : il sera particulièrement difficile de ne pas rire devant la possession ridicule d’une petite fille, ou de croire aux tourments du personnage principal, policier aux actes largement incohérents. Il est difficile à la série de survivre à de tels problèmes, en dépit de notre bienveillance.
Alors, faut-il regarder "La Cité Invisible" ? Oui, car il subsiste derrière l’artificialité du conte quelque chose de la vitalité du folklore brésilien, comme on peut également, pour peu qu’on connaisse un peu la ville de Rio, fascinant mélange de créativité, d’énergie et de déliquescence, retrouver ça et là des éclairs de la « vérité » de c’est la vie au milieu de ce chaos enchanté. Oui, aussi, parce qu’on peut y savourer l’incroyable présence de Jéssica Córes, qui joue une étrange sirène, mais que l’on imagine à chaque instant en fascinante icone vaudou dans l’un de ces aventures ô combien plus fascinante de Corto Maltese, qui restent encore à adapter au grand écran.
[Critique écrite en 2021]
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