La Vie de famille
5.3
La Vie de famille

Série ABC (1989)

Quand une famille banale devient le terrain de jeu d’un génie maladroit… et un peu trop envahissant

La Vie de Famille (ou Family Matters pour les puristes), c’est la série qui démarre comme une comédie familiale classique, avec des bons sentiments, des leçons de vie à chaque épisode, et un petit quotidien paisible chez les Winslow. Mais voilà, tout bascule lorsque Steve Urkel, le voisin le plus agaçant et génial de l’histoire des sitcoms, débarque et devient LA star incontestée. Oui, la série qui devait parler de la famille Winslow se transforme peu à peu en un véritable Urkel Show, et plus rien ne sera jamais pareil.


La famille Winslow, menée par Carl, un père de famille plutôt classique (et policier en plus de ça), et Harriette, la mère pleine de sagesse, est le cœur de la série. Ils ont des enfants avec des préoccupations normales : Laura, l’ado typique qui jongle entre ses devoirs et ses soucis de cœur, Eddie, le grand frère un peu cool mais un peu bête, et Judy… bon, Judy qui disparaît mystérieusement au bout de quelques saisons (ce qui fait d’elle l’un des mystères les plus fascinants de la télévision). L’idée de départ est claire : on est là pour parler des petites galères d’une famille afro-américaine dans les années 90, avec humour et tendresse.


Et puis, il y a Steve Urkel. Ah, Steve. Le personnage qui entre dans la série comme un simple voisin excentrique et qui finit par s’inviter littéralement partout. Avec sa voix nasillarde, ses bretelles indéboulonnables et ses lunettes qui prennent la moitié de son visage, Steve Urkel est le genre de personnage qui, dès qu’il franchit la porte, fait exploser toute logique. Il invente des machines farfelues, détruit accidentellement le salon des Winslow une fois par semaine, et bien sûr, se lance désespérément dans une quête amoureuse pour conquérir Laura… qui ne cesse de le repousser.


Et là est l’un des grands paradoxes de la série : elle était censée parler de la famille Winslow, mais Urkel vole tellement la vedette que tu finis par ne regarder La Vie de Famille que pour lui. Il est le centre des quiproquos, des gaffes, et des inventions scientifiques improbables (qui finissent toujours par dégénérer). Il parvient à transformer cette série sur les relations familiales en une espèce de sitcom de science-fiction où tout devient possible : Steve peut se transformer en alter ego cool (le fameux Stefan Urquelle), se cloner, ou même voyager dans le temps avec une de ses machines. À ce stade, tu te demandes si les Winslow n’ont pas carrément déménagé dans une autre dimension.


L’humour de la série repose donc énormément sur le personnage d’Urkel. Ses maladresses sont légendaires : il fait tout exploser, tombe de partout, et chaque épisode semble tourner autour de la question "Quelle nouvelle catastrophe Steve va-t-il provoquer cette fois-ci ?" Mais ce qui rend le personnage fascinant, c’est qu’il est aussi touchant dans son excentricité. Il est brillant mais incompris, et même si sa présence exaspère tout le monde, les Winslow finissent toujours par l’accepter. C’est cette dynamique entre le génie décalé et la famille terre-à-terre qui rend le tout divertissant, même si, à force, on finit par avoir l’impression que la série aurait dû s’appeler La Vie d’Urkel.


Les autres personnages, bien qu’attachants, finissent souvent relégués au second plan. Carl Winslow, le père, essaie de garder son calme face aux débordements de Steve, mais on sent qu’il est à deux doigts de faire une crise de nerfs à chaque épisode. Harriette est la voix de la raison, mais elle aussi finit par s’effacer derrière les gags d’Urkel. Laura passe tout son temps à éviter les avances de Steve, et Eddie… eh bien, Eddie reste l’adolescent un peu benêt, même s’il a ses moments de gloire. Mais la série ne sait jamais vraiment quoi faire des autres personnages secondaires (comme Judy, qui disparaît mystérieusement, ou Richie, le petit dernier, qui ne fait pas grand-chose à part être mignon).


Visuellement, La Vie de Famille est un produit pur des années 90. Les tenues flashy, les décors kitsch, et les rires en boîte omniprésents te plongent dans une époque où tout semblait plus simple… et plus bruyant. Les décors sont simples, mais fonctionnels : la maison des Winslow devient un champ de bataille pour les inventions ratées d’Urkel, et chaque pièce semble avoir été conçue pour résister à des chocs répétés (ce qui est pratique, vu le nombre de catastrophes qui s’y produisent).


Au final, La Vie de Famille est une série qui partait avec l’intention d’être une comédie familiale douce et tranquille, mais qui a été littéralement kidnappée par son personnage secondaire, Steve Urkel. Si tu aimes les gags répétitifs, les catastrophes à la chaîne et les inventions farfelues, alors tu trouveras ton bonheur dans les aventures de ce génie maladroit. Mais si tu cherches une série qui creuse vraiment les relations familiales et les dynamiques de la vie quotidienne, tu risques d’être un peu frustré par la place écrasante qu’Urkel prend dans le paysage. Bref, c’est la série où "Did I do that?" est devenu une punchline immortelle, et où les Winslow, eux, sont devenus des figurants dans leur propre histoire.

CinephageAiguise
6

Créée

le 11 oct. 2024

Critique lue 5 fois

Critique lue 5 fois

D'autres avis sur La Vie de famille

La Vie de famille
Krl
8

Souvenirs souvenirs

Carl et Hariett Winslow, leurs enfants Eddie et Laura, la tante Rachel et son fils Richie, mamie Estelle Winslow, Waldo, Maxine...et Steve Urkel... Pour ne citer qu'eux. Série de mon enfance suivie...

Par

le 4 nov. 2015

3 j'aime

3

La Vie de famille
Botwin
6

C'est moi qu'ai fait ça ?

Bon, on va faire simple : sans Steve Urkel, cette série ne serait rien. Grâce à lui, le show est atypique, déjanté, et la famille Winslow le devient aussi. Ce voisin gaffeur et envahissant aura...

le 18 déc. 2010

3 j'aime

1

La Vie de famille
Val_Cancun
7

C'est moi qui ai fait ça?

Durant de long mois au cours de ma prime adolescence, mes débuts de soirée se passaient invariablement devant RTL9, entassés à trois sur un petit canapé avec mes frangins, pour une double séance...

le 14 mars 2015

2 j'aime

Du même critique

Astérix le Gaulois - Astérix, tome 1
CinephageAiguise
7

Quand tout a commencé avec une potion magique, des baffes et un centurion

Avec Astérix le Gaulois (1961), René Goscinny et Albert Uderzo posent les bases d’une saga légendaire, où les baffes volent aussi vite que les sangliers passent à la broche. Ce premier opus, bien que...

le 20 déc. 2024

2 j'aime

Le Jeu de la mort
CinephageAiguise
8

Quand la survie devient un art du spectacle

Le Jeu de la Mort, c’est comme si Battle Royale avait pris un cours de showbiz et décidé que la survie, c’est bien, mais avec du drama, c’est mieux. Cette série de TVING plonge ses participants – et...

le 20 nov. 2024

2 j'aime