Landscapers
6.5
Landscapers

Série Canal+ (2021)

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Un drame noir élégant et captivant, porté par des performances magistrales

Sortie en 2021 sur Canal+, L.( probleme anti-spam si j'utilise le nom de la serie) est une mini-série de quatre épisodes, coproduite par HBO et Sky, inspirée d'une histoire vraie et dirigée par Will Sharpe. La série nous plonge dans un fait divers criminel fascinant et complexe : l'affaire Susan et Christopher Edwards, un couple apparemment ordinaire, accusé d’avoir tué les parents de Susan et d'avoir enterré leurs corps dans leur jardin pendant plus d'une décennie. Avec une narration mêlant thriller psychologique, drame intime et envolées esthétiques singulières, L. se distingue par son traitement artistique unique et ses performances d’acteurs, en particulier Olivia Colman et David Thewlis.


L. est une œuvre surprenante qui se démarque dans le genre des séries criminelles. La série ne se contente pas de relater un fait divers sordide ; elle transcende les codes habituels du genre en offrant une exploration poétique de la réalité et de la fiction, des illusions et de la culpabilité. À travers un mélange audacieux de styles narratifs, de dialogues finement écrits et d'une esthétique cinématographique soignée, L. parvient à captiver le spectateur du début à la fin.


Dès les premières minutes, L. se distingue des séries criminelles traditionnelles. Plutôt que de se concentrer exclusivement sur l'aspect procédural de l'enquête et du procès, la série choisit d'explorer les dimensions psychologiques et émotionnelles des personnages principaux, Susan et Christopher Edwards. Ces derniers sont interprétés avec une justesse remarquable par Olivia Colman et David Thewlis, dont la chimie à l'écran est palpable et intense.


Susan Edwards, jouée par une Olivia Colman tout en subtilité, est une femme complexe et fragile. Elle semble vivre dans un monde d'illusions, notamment alimenté par sa passion pour le cinéma classique et les westerns, qui l'aident à échapper à une réalité sordide. Colman réussit à rendre ce personnage profondément humain et touchant, malgré ses actes monstrueux. Son interprétation capture parfaitement la fragilité émotionnelle de Susan, et son rapport compliqué avec la réalité et la culpabilité.


David Thewlis, dans le rôle de Christopher Edwards, est également fascinant. Son personnage, fidèle et dévoué à Susan, semble prêt à tout pour protéger sa femme, même si cela signifie se plonger dans le déni ou commettre l’impensable. Thewlis incarne Christopher avec une retenue presque stoïque, ce qui contraste avec les moments de vulnérabilité que le personnage laisse transparaître lorsque sa loyauté et son amour pour Susan sont mis à l'épreuve.


Au-delà du couple central, L. aborde la manière dont la vérité peut être manipulée, déformée ou sublimée. Le spectateur est constamment poussé à questionner la version des événements racontée par Susan et Christopher. La série joue habilement avec la frontière entre le fantasme et la réalité, notamment à travers des séquences oniriques et des flashbacks stylisés qui nous plongent dans l’imaginaire de Susan. Cette approche narrative donne à la série une dimension introspective et quasi-poétique, loin du simple récit de faits criminels.


L'un des aspects les plus frappants de L. est son esthétique visuelle audacieuse et élégante. Réalisée par Will Sharpe, la série fait preuve d'une inventivité cinématographique rare pour une production télévisuelle, avec des choix visuels qui flirtent parfois avec le surréalisme. La série mélange les genres et les styles, passant de scènes réalistes et crues à des séquences plus oniriques, presque théâtrales, où la frontière entre la fiction et la réalité s'efface.


Cette approche esthétique est particulièrement évidente dans les transitions visuelles. Certaines scènes sont tournées comme des reconstitutions de films anciens, en noir et blanc ou avec une esthétique de western, évoquant les fantasmes de Susan et sa manière de fuir la réalité. Ces moments créent une atmosphère décalée, qui reflète à la fois l’univers mental de Susan et la distorsion de la vérité dans laquelle le couple semble s’être enfermé. L’utilisation de ces techniques visuelles contribue à instaurer un sentiment de malaise et de mystère, tout en immergeant le spectateur dans la psyché des personnages.


Sharpe parvient à rendre chaque plan captivant, utilisant des jeux de lumière et de cadre pour refléter les émotions des protagonistes. Les décors, bien que souvent minimalistes, jouent un rôle central dans l’esthétique de la série, renforçant l’impression d’un huis clos psychologique où les personnages sont pris au piège, tant dans leur esprit que dans leur environnement. Ce parti pris visuel est soutenu par une mise en scène soignée et méticuleuse, qui rappelle par moments l'approche cinématographique de réalisateurs comme David Lynch ou Wes Anderson.


Au cœur de L., il y a une réflexion poignante sur la culpabilité, le déni et la manière dont les individus peuvent réécrire leur propre histoire pour échapper à la dureté de la réalité. Susan et Christopher ne sont pas des criminels classiques ; ils sont des personnages tragiques, enfermés dans une spirale de mensonges et d'illusions. La série montre comment leur amour fusionnel, bien que touchant, les conduit à commettre des actes désespérés pour protéger l’autre et maintenir une façade de normalité.


L’un des thèmes centraux de la série est la question de savoir jusqu’où l’on est prêt à aller par amour. Christopher, qui semble être un homme ordinaire et sans histoire, se retrouve impliqué dans un crime horrible parce qu’il est profondément dévoué à sa femme. Cette dynamique de pouvoir dans le couple, où Susan semble exercer une influence presque hypnotique sur Christopher, est explorée avec subtilité et sensibilité par les scénaristes.


La série ne cherche pas à excuser ou à glorifier les actes du couple, mais elle s'efforce de comprendre leurs motivations profondes. À travers une écriture fine et nuancée, L. parvient à dépeindre Susan et Christopher non pas comme des monstres, mais comme des êtres humains profondément complexes, prisonniers de leurs illusions et de leurs propres faiblesses.


Si L. brille par ses performances et son approche visuelle audacieuse, certains spectateurs pourraient trouver le rythme de la série un peu trop lent par moments. La série prend le temps de développer ses personnages et de créer une atmosphère de tension progressive, mais cela se fait parfois au détriment de l’avancée de l’intrigue. Certains épisodes s’attardent longuement sur les dialogues ou les séquences introspectives, ce qui peut donner l’impression que l’action se dilue un peu.


Cependant, cette lenteur apparente fait également partie de l’identité de la série. L. est avant tout un drame psychologique qui prend le temps d'explorer les pensées et les émotions de ses personnages. Cette approche contemplative peut être perçue comme une force par ceux qui apprécient les récits introspectifs, mais elle pourrait frustrer ceux qui recherchent un rythme plus soutenu ou une intrigue plus traditionnelle.


Malgré ce rythme parfois lent, la série parvient à maintenir un haut niveau d’intérêt grâce à son ambiance unique et à ses dialogues captivants. L’écriture est à la fois intelligente et poétique, avec des moments d’humour noir qui viennent alléger l’atmosphère pesante du drame. De plus, le format court de la série (quatre épisodes) permet d’éviter la surenchère narrative, tout en offrant une conclusion satisfaisante et poignante.


L. est une mini-série à la fois élégante, inventive et émotive. Portée par les performances magistrales d’Olivia Colman et David Thewlis, la série transcende le genre du drame criminel en offrant une exploration profonde de la culpabilité, de l'amour et du déni. La réalisation audacieuse de Will Sharpe, mêlant esthétique surréaliste et moments de réalisme cru, apporte une dimension visuelle unique à cette histoire inspirée de faits réels.


Si certains spectateurs pourraient être déstabilisés par le rythme lent et les envolées oniriques de la série, L. réussit à captiver grâce à son écriture fine, ses personnages nuancés et son ambiance singulière. La série nous plonge dans un monde où la réalité et la fiction se confondent, où l'amour devient une prison, et où la quête de vérité est un chemin semé d'embûches. L. est une œuvre à part, à la fois fascinante et tragique, qui confirme la puissance de la narration visuelle et émotionnelle.

CinephageAiguise
9

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Créée

il y a 8 heures

Modifiée

il y a 6 heures

Critique lue 1 fois

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