Le Cinéma de Durendal
4.1
Le Cinéma de Durendal

Émission Web YouTube (2012)

Durendal est un youtubeur étudiant en cinéma qui se propose de nous exposer ses avis sur les films qu’il a vu sous forme de critiques vidéo (des « vlogs »), ou encore de longues explications filmées sur un sujet, une série de films ou un réalisateur (« Pourquoi j’ai raison et vous avez tort »). Certes, les explications sont parfois bancales et il fait parfois des erreurs, certes, Durendal peut parfois être agaçant par ses simagrées, certes, on peut ne pas être d’accord avec ses goûts.

MAIS, plutôt que de cracher mon venin inutilement à la face de quelqu’un qui ne me lira sans doute pas, je vais tenter de décrypter sa manière de critiquer et en ce qu’elle nous dit sur la condition du cinéphile aujourd’hui.
AVERTISSEMENT : Les paragraphes qui suivent peuvent être interprétés comme prétentieux voire intolérants, ce qui n’est pas le cas, je ne prétends pas avoir le monopole de la définition de la cinéphilie, ni pouvoir juger de la qualité de celle des autres, j’essaye simplement d’interpréter ce que je vois et de l’analyser vis-à-vis du contexte moderne.

En effet, on voit aujourd’hui apparaitre le profil du « cinéphile moyen », ce qui correspond à une majorité de gens qui aiment « aller au cinéma » mais qui n’aiment pas forcément le cinéma en lui-même. Je m’explique, aujourd’hui, le cinéma est, vous vous en doutez devenu une industrie et un divertissement universel, ce qui implique évidemment le fait qu’il « ratisse » plus large dans la population. Là où la cinéphilie des années 50-60-70 était une activité exercée par une « élite » intellectuelle et parfois sociale, malgré la réputation d’ « art populaire » qu’a le cinéma, on observe de nos jours, la vulgarisation du terme de cinéphile qui ne concerne plus une élite mais une grande quantité de gens qui vont volontiers au cinéma mais l’analyse finalement assez peu au-delà du sempiternel « j’aime » ou « j’aime pas ».
Durendal fait donc partie de ces des amateurs de cinéma qui analysent assez peu les films qu’ils commentent. Il a l’avantage de faire des études de cinéma qui lui confèrent quand même un certaine connaissance technique et pratique et un novice comme moi en apprend déjà beaucoup, mais ses critiques sont handicapées par un problème assez important. En effet je trouve pour ma part, que malgré la récurrente longueur de ses critiques (parfois ½ heure) il se cantonne trop à la forme de l’œuvre et peut passer énormément de temps sur un mouvement de caméra, ou à tenter de décrypter le pourquoi du comment des dialogues ou la présence de certains objets. Non pas que ces considération techniques ou astuces de mise en scène soient insignifiantes, mais plutôt qu’elles font écho au fond de l’œuvre, qui n’est à mon sens pas assez approfondi. Alors évidemment il est difficile de commenter le scénario et la morale d’un film tout en préservant le suspense, mais j’imagine qu’il serait pertinent de donner quelques clefs de réflexion, outre le nom du réalisateur des acteurs, comme le contexte politique, économique ou social de l’œuvre, sa production, les opinions en général des personnes à l’origine du film.

On a l’impression au final de savoir à quoi s’attendre quantitativement parlant, mais de ne pas en savoir assez qualitativement parlant sur le film.

Aussi est-on en droit de se demander si le cinéma n’est tout simplement pas devenu une passion « cool » que l’on s’invente et que l’on arbore fièrement pour paraitre branché, tout en citant de temps en temps, tel un maitre sophiste, quelques citations de film cultes incontournables qui sont sensés (d’après moi) servir d’initiation et marquer le début d’un parcours cinéphilique basé sur la critique et la recherche et qui sont, à tort, considérés comme une fin, une apothéose de la cinéphilie.

Par exemple, on va souvent au cinéma, mais uniquement pour voir les films d’un même type, (je pense évidemment aux USA mais là n’est pas le débat) et on cite « Le Parrain » pour sauver les meubles et les apparences d’une culture cinématographique riche en terme de quantité mais finalement assez pauvre en terme de qualité (soyons honnêtes) et de diversité.

Cette cinéphilie-là s’apparente donc plus à de la cinéphagie que de la cinéphilie bien que l’une n’exclue pas nécessairement l’autre.

Autour de ces classiques, se construit d’ailleurs une sorte de culte visant au consensus total, empêchant souvent quelconque critique, aussi pertinente soit-elle, on (les critiqueurs) se voit même traiter d’inculte, souvent de la part de gens qui sentent le besoin d’affirmer leur supériorité culturelle en rabaissant celle des autres plutôt qu’en développant la leur.

L’art sensé apporter la subversion devient donc paradoxalement un outil de conformisation de la pensée.

Ainsi je pense qu’il aurait été plus pertinent de ne choisir qu’un seul, voire deux films à analyser en profondeur, avec de la réflexion, plutôt que 4 ou 5 dans la semaine qui ne sont que commentés en surface. J’estime d’ailleurs que sa méthode de commentaire – juste à la sortie de la salle – si elle amène quelque chose d’essentiel, qui est l’émotion, elle le fait malheureusement au détriment de la réflexion et la prise de recul, d’où cette impression de brouillon, et la difficulté de supporter les fréquents états d’âme de notre interlocuteur, d’aucuns le trouve énervant et parfois même pédant.
En ce qui concerne la subversion, Durendal a développé le concept des « Pourquoi j’ai raison et vous avez tort », qui consiste à prendre son temps pour développer son point de vue de manière plus construite et plus réfléchie. La plupart des critiques de ce concept que j’ai lu relèvent de l’ad hominem, on critique les gouts de l’auteur, ce qui n’a aucun intérêt. Je trouve ce concept très pertinent, il permet une argumentation intelligente et le choix de sujets/films peu récents permet d’éviter le problème du « spoiler ». L’un des problèmes de ce concept est qu’il est finalement assez égocentrique, par exemple je doute qu’un grand nombre de personnes ne soit passionné par « 500 jours ensemble » ou « My Movie Project », mais en même temps c’est SA vidéo, il a le droit de choisir le sujet et de ne pas se risquer à parler de Kurosawa, Fellini, ou même Béla Tarr, et ceux qui ne veulent pas entendre parler des films précédemment cités ont tout à fait le droit de ne simplement pas regarder la vidéo.

Mais là encore, l’argumentation reste à parfaire, puisqu’on ressent encore trop l’influence de ses gouts personnels sur ses commentaires. Par exemple il a adoré le « Alien » de Jeunet et il nous en fait l’éloge dans une rétrospective, aucun problème jusque là, sauf qu’il ne s’appuie que sur deux ou trois scènes qu’il l’ont marqué, pareil pour « X-Men Origins : Wolverine » ou il n’aborde que les points positifs en ignorant presque complètement les défauts du film qui existent bel et bien, comme si il avait peur qu’ils prennent le pas sur les qualités qu’il a exposées, rendant son avis illégitime (du moins c’est sans doute ce qu’il pense).

Mais il a au moins le mérite de venir à tête découverte pour nous exposer son avis et nous L’EXPLIQUER ce qui est le plus important.

Je conclurais en disant que ce nouveau climat dans l’approche du cinéma n’est pas nécessairement un mal, si l’on parvient à éveiller les consciences et le libre arbitre, sans tomber dans le pédantisme ou le déni du gout des autres, tous les avis, du moment qu’ils sont pertinemment défendus, méritent l’attention, ainsi, on développe le Sens Critique.
AlexTiss
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le 26 juin 2014

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AlexTiss

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