Deux ans après le Mauvais Camp, le film qui racontait la rencontre entre Ferry Bouman, de trafiquant de drogue le plus charismatique du Brabant découvert avec délice par des milliers de téléspectateurs à travers le monde avec le premier épisode de la série Undercover, Nico Moolenaar nous offre enfin la série TV que l’on attendait tous : celle dont Ferry est le centre, celle qui va nous raconter comment il est passé du stade de petit malfrat sans envergure à celui de caïd de la fabrication et de la vente d’ecstasy, d’envergure internationale.
Dans un registre potentiellement classique (le film mafieux à la Coppola ou à la Leone – d’ailleurs le huitième épisode de cette saison s’intitule Il était une fois dans le Brabant !), revu – inévitablement – à travers le filtre du triomphe de Breaking Bad, le Mauvais Camp débute avec l’installation de Danielle et Ferry dans leur maison insérée dans le camping un peu miteux où on les rencontrera, des années plus tard, lorsque Bob Lemmens, l’inspecteur infiltré s’intéressera à eux. Les problèmes judiciaires du caïd local de l’ecstasy vont offrir à Ferry l’opportunité dont il rêvait, celui de trouver sa place dans le trafic de drogues, en utilisant comme levier un gang de bikers (Sons of Anarchy, bonjour !) qui a les bons contacts et qui est capable de livrer les précieuses petites pilules à travers le monde. Evidemment, tout ne se passera pas aussi bien que prévu, le pire étant que Ferry impliquera dans son organisation son meilleur ami d’enfance, Marco, ce qui débouchera sur une tragédie affectant profondément son histoire d’amour avec Danielle, et son couple.
Le mélange entre thriller classique et drame sentimental est particulièrement réussi ici, plus encore que dans Undercover, peut-être parce que notre empathie vis à vis des personnages s’est développée au fil des années, et que nous ressentons profondément la cruauté des dilemmes qu’ils affrontent. Et puis, et ce n’est pas négligeable, le Mauvais Camp est irrigué en permanence de ce formidable humour belge que l’on apprécie : sens de la dérision, goût pour un ridicule qui afflige quasiment tous les personnages, tous peu glorieux, sans qu’il n’y ait jamais de mépris ou de pitié pour cette galerie de gueules cassées, d’abrutis complets, d’innocents aux mains vides (et sales) et, surtout de victimes tragiques d’une vie qui ne leur a jamais fait de concessions… Le Mauvais Camp est drôle et tragique, excitant et régulièrement bouleversant, et enrichit donc les modèles dont il s’inspire grâce à sa « belgitude », à son inscription dans un territoire spécifique, dans une culture reconnaissable entre toutes.
Elise Schaap est toujours épatante de naturel et totalement crédible dans un rôle complexe de femme amoureuse et sensible, découvrant peu à peu la monstruosité de l’homme qu’elle aime. Frank Lammers confirme qu’il a trouvé là le rôle de sa vie, livrant encore une fois une performance remarquable, tour à tour effrayant et pathétique. Tellement humain, tellement « vrai » que, n’ayons pas peur de le dire (au risque d’en choquer certains), il aurait pu faire un meilleur Walter White encore que Bryan Cranston !
Croisons les doigts pour que l’équipe de Ferry puisse poursuivre l’aventure sur d’autres saisons : même si ce n’était pas le cas, nous avons déjà une autre très belle réussite de la télévision européenne, qui n’a décidément rien à envier aux productions US.
[Critique écrite en 2023]
https://www.benzinemag.net/2023/12/08/netflix-le-mauvais-camp-la-serie-ferry-breaking-better/