For my people
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Je m'y connais en hip-hop comme en mécanique quantique, mais j'avais quand même envie de me replonger dans ces années 90 qui me laissaient l'impression qu'en dehors des tubes américains consensuels et fastoches, rien n'avait existé en musique... Résultat : c'est ma faute, je ne m'intéressais pas du tout à ce qui se passait en France et, surtout, je n'écoutais pas du tout du tout les radios sur lesquelles le tempo dépassait le 60 à la noire. Bref, j'ai plongé dans le vide avec cette série qui jouissait d'une critique plutôt enthousiaste, en m'attendant à devoir puiser dans mon endurance de Petit Scarabée pour supporter les graves endiablés d'une musique à laquelle je suis depuis toujours hermétique. Eh bien non, finalement, c'était tout à fait supportable. Évidemment, il ne faut pas trop regarder les figures de style à la loupe et fermer un peu les yeux sur les rodomontades testostéronées de ces jeunes gens décidés à en découdre pour compenser la relégation dans laquelle ils étaient maintenus. Mais le scénario amène à comprendre le cheminement de leur révolte sociale, et à apprécier leur volonté farouche de la sublimer sous une forme artistique nouvelle. Et une certaine droiture de leur part dans leur démarche. Ça n'aura pas fait de moi une fan de rap, loin s'en faut, mais remonter aux origines du mouvement crée indéniablement une indulgence que je n'avais pas forcément jusque là (traduire : qui me manquait farouchement, en fait). Après, je suis une femme, donc j'ai été sensible au machisme caricatural de ces petits bonshommes bouillonnant d'énergie et de colère, qui ne regardaient que leur nombril à eux en oubliant tout à fait que leurs sœurs, copines, mères et compagnes diverses vivaient la même marginalisation économique qu'eux, le mépris de sexe en plus. La série n'élude pas le sujet, avec le joli personnage de Lady V, écarté d'un revers de main par sa propre mère. Et puis, il y a le poncif de la violence, dont aucune histoire un peu réaliste ne peut faire l'économie. C'est le personnage de Joey Star qui la subit à la plus haute dose, et son refus obstiné de ployer le rend parfois quasiment héroïque et souvent horripilant, voire odieux. Mais là encore, on est amené à comprendre, et la moitié du chemin est fait vers davantage d'indulgence. En fait, donc, voilà une série qui pourrait conduire à une sorte de réconciliation entre les générations ou les milieux, et c'est plutôt positif. Sans compter qu'elle ranime une époque franchement marrante, avec ses coupes de cheveux impossibles et ses pulls à motifs moches, ses cassettes, ses vinyles, ses soundmachines et ses patrons de majors tout droit sortis d'Ambition, l'émission de Bernard Tapie... Sans oublier la secrétaire de la maison de production de Mylène Farmer, parfaitement à la pointe du parler creux américanisant qui a conduit à la dénaturation complète du langage de notre propre époque. Bref, on trouve de tout, dans cette petite histoire inspirée de faits réels, et, en prime, les comédiens sont excellents. Ils arrivent à rendre attachants des gens qui dans la vie susciteraient au minimum de lever les yeux au ciel si on les croisait. Bon, les textes de rap, c'est pas du Proust, et les graffitis n'égalent pas toujours Michel-Ange, mais au moins le bouillonnement des cités a-t-il eu le mérite de faire émerger une forme d'expression qui lui était propre et ça, ça se respecte.
Créée
le 17 nov. 2022
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