Amazon Crime
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le 20 oct. 2022
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Saison 1 :
Imaginer un préquel à l’incontournable Seigneur des Anneaux était donc l’une des ambitions stratégiques les plus frappantes – et inquiétantes – des Studios Amazon, qui souhaitent matérialiser leur supériorité par rapport au concurrent Netflix, perçu comme en perte de vitesse (relative)… Et, bien entendu, du même coup concurrencer HBO et son Game of Thrones dont un préquel (House of the Dragon) avait aussi été annoncé pour cet automne 2022…
Le scénario des Anneaux de Pouvoir est basé largement sur des textes de Tolkien, ceux regroupés sous le titre de Silmarillion, ce qui confère une indéniable crédibilité à la série, qui nous permet par exemple de visiter pour la première fois le royaume humain et insulaire de Númenor, de nombreux siècles avant la guerre qui ravagera la Terre du Milieu.
Pour ne pas paraître ridicule par rapport à la trilogie de Peter Jackson ou aux redoutables dragons médiévaux de Game of Thrones, la maison Amazon a mis la main au portefeuille, garantissant que les Anneaux de Pouvoir impressionne les fans de Tolkien comme les moins fans : à ce niveau, rien à redire, les paysages (néo-zélandais bien entendu) comme les cités majestueuses nous en mettent plein les yeux. Le problème n’est pas là…
En effet, même chez Amazon, il ne saurait être question de prendre un risque inutile avec autant d’argent mis sur la table : les scénaristes ont clairement reçu l’instruction de relier leur prequel aux événements du Seigneur des Anneaux, parfois à la limite du fan service. On va donc nous raconter ici l’histoire de la naissance de Mordor et de la réapparition de Sauron, mêlée à celle de la conception des trois anneaux magiques des Elfes. On a aussi décidé de faire de Galadriel et Elrond deux des personnages principaux de la nouvelle série (en attendant Gandalf ? C’est l’une des possibilités clairement esquissées pour la seconde saison…). Si la longévité des elfes permet ce tour de force, on ne peut s’empêcher de juger que les personnages n’ont rien à voir, ni physiquement ni moralement, avec ceux que l’on connaît, tandis que la relation entre Sauron et Galadriel, centrale aux motivations de cette dernière dans cette nouvelle histoire, ne peut que laisser sceptique tant il n’en reste – assez logiquement – aucune trace dans le Seigneur des Anneaux.
Les problèmes des Anneaux de Pouvoir ne s’arrêtent pas là, le pire étant le manque de logique et de cohérence quasi-systématique et des situations et des comportements des personnages. On passe en un souffle du jour à la nuit et vice-versa, nos protagonistes se retrouvent sans difficulté au milieu de vastes territoires marins ou terrestres alors que des centaines de kms les séparent, tout le monde prend constamment des décisions importantes en dépit du bon sens… Bref, les défauts si caractéristiques du divertissement moderne qui prend son spectateur pour un gogo ou un imbécile sont bel et bien présents, en décalage frappant avec la sévère cohérence de l’œuvre de Tolkien, bien respectée par Jackson.
Paradoxalement, Patrick McKay et John D. Payne ont décidé de coller à certains des choix les plus critiquables de Jackson : on réitère à longueur de scènes qui semblent interminables les discours pontifiants – et ridicules – des elfes, qui d’ailleurs ont un comportement raciste, voire eugénique, frôlant le nazisme – donc bien loin des principes ayant animé Tolkien lors de l’écriture du Seigneur des Anneaux ; dans le dernier épisode, on nous impose un pénible remake des adieux larmoyants entre hobbits (pardon, “pieds velus”) ; et, d’une manière générale, tout cela manque terriblement d’humour, ou moins de légèreté… la participation de nos amis nains à cette histoire étant très limitée.
Au fil des épisodes, l’ennui s’installe devant une histoire qui n’est jamais convaincante, avec une multiplication croissante de personnages annexes, seulement esquissés et dont on se moque royalement, et avec de longs tunnels de dialogues artificiels et sans enjeux réels. Les Anneaux de Pouvoir souffre de trop de problèmes structurels profonds pour pouvoir s’en remettre : manque de scènes d’action, absence quasi totale de nouvelles créatures qui mettraient en avant l’imaginaire “heroic fantasy”, ridicule – mêlé à de l’inexplicable – de certains arcs narratifs (l’homme météorite recueilli par les hobbits – pardon les pieds velus -, les trois semi-divinités méchantes mais pas très futées qui sont à la recherche de Sauron, la conception, littéralement tombée des nues, des fameux trois anneaux des elfes…)… bref, les raisons de se plaindre pour le spectateur espérant un minimum de crédibilité et d’imagination ne manquent pas.
Finalement, face à la pauvreté d’un scénario que n’arrivent évidemment pas à sauver des acteurs littéralement de “seconde zone” (il ne restait sans doute plus un dollar pour engager des acteurs plus expérimentés, plus solides), le téléspectateur n’a guère d’autre choix que de patienter en attendant le twist final – pas très logique non plus, si l’on y réfléchit bien – qui l’amusera au moins quelques minutes.
Bref, il faut bien admettre que, malgré toute notre bienveillance, tout cela n’est guère brillant.
[Critique écrite en 2022]
https://www.benzinemag.net/2022/10/20/prime-video-les-anneaux-de-pouvoir-amazon-0-hbo-1/
Après la catastrophe qu’avait été la première saison des Anneaux de Pouvoir, prequel du Seigneur des Anneaux basé (très vaguement, quand même) sur des textes de Tolkien racontant l’histoire – antérieure à son « grand oeuvre » – de la Terre du Milieu, sur lequel les Studios Amazon avaient investis beaucoup, il n’était que peu probable qu’une seconde saison voie le jour. Pourtant, alors que les auteurs et acteurs des Anneaux de Pouvoir se répandaient en protestations quant à l’annulation potentielle de leur série, deux ans plus tard, Prime met en ligne 8 nouveaux épisodes, poursuivant la saga de l’ascension de Sauron au pouvoir dans le Mordor. Est-ce une bonne chose ? Il est difficile d’avoir un avis tranché, tant cette fois, on passe à côté d’un désastre, sans pour autant arriver à la cheville de la trilogie de Peter Jackson…
John D. Payne, Patrick McKay et leur équipe de scénaristes nous offre une entrée en matière intéressante, revenant aux origines – très fantastiques, pour le coup, voire dignes d’un conte de fées – de l’incarnation de Sauron sous les traits de Halbrand (Charlie Vickers, plutôt convaincant dans un rôle plein d’une riche ambigüité, qu’il habite de belle manière). Ce retour au début de l’histoire est efficace, et introduit surtout l’un des éléments de scénario lesplus réussis de la saison, qui est la trajectoire de Adar (Sam Azeldine, très bon lui aussi), le personnage le plus intéressant à date de la série : chef « paternaliste » des Uruks, il mène son propre combat contre Sauron, et hésite entre mener sa mission seul à la tête de son armée, ou accepter des alliances « contre nature » avec les elfes. Et il faudra attendre l’avant dernier et le dernier épisode de la saison, probablement les deux meilleurs de toute la série, pour connaître le dénouement de ce fil scénaristique…
… Au point que, entre le premier épisode (Elven Kings Under the Sky) et les deux derniers (Doomed to Die et Shadow and Flame), on trouve régulièrement le temps long, et on soupire de devoir « perdre du temps » avec la rencontre de « l’étranger » avec Tom Bombadil et avec le Dark Wizard (avant une révélation finale bien éventée !), avec les démêlés familiaux entre Durin et son père littéralement « possédé » par son anneau, avec les conflits politiques au royaume de Númenor, et surtout avec les pérégrinations sans queue ni tête de Galadriel (Morfydd Clark, qui peine à donner vie au personnage le moins intéressant de la série) et d’Elrond. Sans même parler de passages soporifiques avec des personnages secondaires dont on peine à comprendre l’intérêt (Arondir, Nori et Poppy, etc.). C’est-à-dire beaucoup trop de personnages, d’intrigues et de lieux différents qui obligent la série à aller et venir entre eux, se condamnant de ce fait à de véritables montagnes russes en termes d’intérêt.
On comprend qu’il eût été difficile de sacrifier certains de ces fils narratifs que la première saison avait pris le temps de tisser, mais une telle décision, courageuse, aurait certainement permis à ce Les Anneaux de Pouvoir d’être bien meilleur. Le sujet fondamental de la création des anneaux par Celebrimbor, sous l’emprise de Sauron (qui va en devenir « le Seigneur », rappelons-le à ceux qui n’ont pas lu, les pauvres, Tolkien) devrait être le seul second pôle sur lequel cette saison se concentre, car elle permet de réellement poser les bases de l’histoire du Seigneur des Anneaux, tout en construisant progressivement le personnage passionnant de Sauron.
Ne nous appesantissons pas sur les faiblesses de la mise en scène, évidemment loin de l’intelligence et de la force de celle de Peter Jackson, mais comment ne pas en parler quand on regarde à demi concerné par ce qui se passe à l’écran, la grande bataille du siège d’Eregion par les orques, et qu’on repense à son équivalent dans le Seigneur des Anneaux ?
Pour finir, admettons que la question du raccord entre la série et le Seigneur des Anneaux est considérée comme essentielle par les showrunners, qui tentent d’éviter de tomber dans un certain « fan service » probablement inévitable. Mais comment empêcher qu’on ne se fasse aucun souci pour la survie de personnages dont on connaît l’avenir (le comble étant atteint avec la chute vertigineuse de Galadriel à la fin), ou que, au contraire, on relève de possibles incohérences (quid par exemple des rapports entre Gandalf et le Dark Wizard ? A moins bien sûr qu’il ne soit pas Saroumane…) ?
A l’heure où nous écrivons ces lignes, nous ne savons pas si une troisième saison est totalement confirmée, mais il nous faut admettre que nous aimerions désormais avoir la conclusion de tout cet imbroglio.
[Critique écrite en 2024]
https://www.benzinemag.net/2024/10/20/prime-les-anneaux-de-pouvoir-saison-2-pour-sauron-et-adar/
Créée
le 19 oct. 2022
Modifiée
le 20 oct. 2024
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