Les Rois Maudits, version 2005 de France 2, c’est un peu comme si on avait pris un manuel d’histoire médiévale, qu’on l’avait saupoudré de drame royal, et qu’on avait oublié de passer un coup de vernis sur les décors. Cette adaptation ambitieuse de l’œuvre de Maurice Druon, qui raconte les luttes de pouvoir dans la France du XIVe siècle, promet des intrigues politiques, des trahisons et des couronnes ensanglantées. Mais ce que l’on obtient surtout, c’est un festival de costumes un peu raides, des décors en carton-pâte, et des dialogues où l’intensité dramatique semble avoir pris des vacances anticipées.
L’histoire suit la malédiction lancée sur les rois de France par le grand maître des Templiers, brûlé vif par ordre du roi Philippe le Bel. S’ensuit une série de règnes funestes, de complots et de querelles familiales dignes d’un soap opera médiéval. On y retrouve tous les ingrédients d’un drame historique : des rois fragiles, des reines machiavéliques, des héritiers douteux, et des nobles qui passent leur temps à fomenter des plans dans des salles à l’éclairage douteux. Mais le problème, c’est que tout cela manque cruellement de… souffle épique, pour rester poli.
Les acteurs, bien que talentueux, semblent englués dans leurs rôles, coincés dans des costumes qui crissent à chaque mouvement et des répliques un peu trop solennelles pour être prises au sérieux. Philippe Torreton, qui incarne Robert d’Artois, tente désespérément d’injecter de l’énergie dans son personnage, mais ses grandes tirades finissent souvent par ressembler à une leçon d’histoire sous tranxène. Jeanne Moreau, quant à elle, joue Mahaut d’Artois avec une lenteur presque spirituelle, mais à force de traîner en longueur, son machiavélisme finit par sembler aussi redoutable qu’une attaque de limaces.
Les décors et costumes, bien qu’essentiels pour une série historique, souffrent ici d’un budget qui semble avoir été celui d’un téléfilm du dimanche après-midi. Les châteaux et salles de trône ressemblent plus à des studios un peu mal éclairés qu’à des lieux de pouvoir. Les tapisseries semblent accrochées par des épingles de couturière, et les armures brillent tellement qu’on pourrait penser qu’elles sortent tout juste d’une location de costumes de carnaval. Chaque scène donne l’impression d’un plateau de théâtre où les acteurs ne se sont pas encore tout à fait habitués aux accessoires.
Quant à l’intrigue, elle se veut épique et complexe, mais elle est rendue si laborieuse par des dialogues d’une lourdeur impressionnante que suivre le fil devient un exercice de patience. Les personnages passent leur temps à expliquer ce qu’ils vont faire, pourquoi ils vont le faire, et ce qu’ils auraient fait différemment… si seulement la malédiction des Templiers ne les avait pas condamnés d’avance. Entre deux complots, on se demande parfois si la véritable malédiction ne pèse pas, finalement, sur les spectateurs eux-mêmes.
Les scènes de combat, lorsqu’il y en a, manquent d’intensité et de réalisme, et semblent chorégraphiées par un professeur de danse un peu trop prudent. On ne ressent pas le frisson d’une bataille pour le trône de France ; au lieu de cela, on a l’impression d’assister à une répétition générale où chacun marche sur des œufs pour ne pas heurter les meubles. Même les duels d’insultes entre nobles ennemis paraissent timides, comme si les acteurs savaient eux-mêmes que le public risquait de décrocher.
En résumé, Les Rois Maudits version 2005 est une adaptation qui avait le potentiel de devenir une fresque historique captivante, mais qui manque d’audace, de budget et d’énergie. À vouloir rendre la malédiction aussi pesante que possible, la série a fini par transformer le destin tragique des rois de France en une suite d’épisodes où le suspense laisse place à l’ennui. Si vous aimez les décors en carton, les monologues interminables et les intrigues de cour jouées comme un cours d’histoire au ralenti, alors Les Rois Maudits est pour vous. Mais pour ceux en quête d’intensité et de drame royal digne de ce nom, mieux vaut sans doute passer son chemin… ou regarder un bon documentaire.